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L'imprécis

Ne trouvez-vous pas que le désert porte bien mal son nom ? Car le désert, celui-là – avec ses reliefs amovibles, ses ondulations charmeuses, ses dunes enchantées, ses crêtes volatiles, sa houle sèche, ses empreintes chargées, sa végétation héroïque – est tout sauf désert. Il est simplement plein d’une vie différente.

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L'improbable rencontre

Je me souviendrai toute ma vie de cette plage. Elle correspond en effet à ce que l’on qualifie communément de « paradis sur Terre ». Certes, la notion conserve encore tout son mystère (et a d’ailleurs déjà fait l’objet d’un questionnement dans ces pages), mais vous conviendrez aisément que cette vue est plutôt plaisante. Se baigner dans ses eaux turquoises et mouvementées est par ailleurs interdit. Manifestement, le panneau, planté juste à l’entrée de la plage, n’a absolument aucune autorité sur les visiteurs, incapables de résister à l’appel – qui le pourrait ? – des déferlantes du mal nommé Pacifique. Ce n’est toutefois pas pour ces deux raisons que cette plage restera à jamais gravée dans ma mémoire.

En descendant vers l’eau, dans un état de quasi hypnose, mes pas ont croisé ceux d’un couple qui en sortait. Nos regards ont rapidement suivi. Retour au monde réel en un clin d’oeil quand bien même ce qui suit est totalement irréel. Large sourire de part et d’autre. J’ai fait la connaissance de ce couple – des français en vadrouille – la semaine précédente, sur une autre île de l’archipel hawaïen. Certes, nous savions les uns et les autres que nous serions à nouveau sur le même bout de terre pendant 2-3 jours mais nous n’avions pas, comme cela se fait parfois entre voyageurs, convenu de nous y retrouver.

La probabilité de se revoir était donc relativement faible. Laissez-moi vous énumérer toutes les conditions qu’il a fallu réunir – par qui, je ne sais pas – pour que cela se produise : être sur la même île au même moment ; avoir décidé de se rendre sur cette plage, assez isolée, de Kauaï, sans s’être concertés ; se trouver sur cette plage isolée de Kauaï à la même heure ; se trouver sur la même portion de cette plage isolée de Kauaï somme toute assez longue ; se croiser sur cette portion de plage isolée de Kauaï somme toute assez longue, c’est-à-dire s’éloigner de l’océan pour les uns et s’en approcher pour les autres en suivant des trajectoires strictement identiques ; lever la tête à ce moment-là. Se reconnaître. Et s’extasier des hasards de la vie.

L’histoire ne s’arrête pas là. Le lendemain, le même trek est au programme de la journée. Mais à nouveau, ce n’est qu’une information partagée. Pas une invitation à le faire ensemble. Les horaires ne sont pas compatibles. Et pourtant, en fin d’après-midi, nous nous recroisons à nouveau, sur le bord de la route, après nos marches respectives. Nous avons alors estimé, après une fulgurante concertation, que le maître des conditions convergentes nous envoyait un signe. Auquel nous avons répondu en nous donnant rendez-vous, le soir même, pour un verre de l’amitié. Figurez-vous qu’en discutant de tout et de rien, et surtout de ce qui nous avait conduits ici, là, maintenant, nous avons réalisé que nous avions une connaissance commune : lui avait fait un stage avec le meilleur ami du fils de mes parents – mon frère oui – que, bien sûr, je connaissais. Si la rencontre sur la plage était déjà exceptionnelle, imaginez un peu ce que nous avons ressenti en mettant au jour cette connexion ! Ce jour-là, j’ai temporairement cru au destin ! Car, enfin, quelle est réellement la probabilité de rencontrer, par deux fois, quelqu’un que l’on ne connaît pas – et que l’on connaît sans le connaître à l’issue de la première fois – qui connaît quelqu’un que l’on connaît, le tout, à l’autre bout du monde ? Apparemment, elle n’est pas nulle ! Et c’est tout simplement époustouflant !

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