tags: concert, couleurs, flou, Grandes Bouches, imagination, interprétation, Le marathon des mots, noir et blanc, rêve, sommeil, temps, Théâtre Sorano, Toulouse
Jusqu’à très récemment, je ne m’étais jamais interrogée sur la couleur de mes rêves, enfin, des rêves en général. Mais une question toute anodine – « Tu rêves en couleurs ou en noir et blanc, toi ? » -, posée sur un bout de trottoir, en plein milieu d’une conversation de coq à l’âne, et à laquelle j’ai machinalement répondu « En couleurs » pour ne pas avouer mon ignorance dont, tout d’un coup, j’avais un peu honte, a tout fait chavirer. Quel stupide réflexe par ailleurs que de se mentir à soi-même et aux autres pour une bête question d’orgueil ! Comment avais-je pu passer toutes ces années à côté de cette question-là, essentielle, alors même que je ne compte plus les interrogations inutiles, vaines et sans fondement qui peuplent mes pensées au quotidien ? Pour me rassurer, j’ai instantanément fait cette hypothèse, convoquant un léger raisonnement par l’absurde pour l’occasion : si j’avais rêvé en noir et blanc, cela m’aurait forcément sauté aux yeux – certes fermés – puisque j’ai la chance de ne souffrir d’aucune anomalie chromatique et donc de percevoir toutes les couleurs possibles – à quelques nuances d’appréciation personnelle près dès lors qu’ils sont ouverts. CQFD. Par ailleurs, une étrange impression m’a alors traversé l’esprit : rêver en couleurs me semblait plus valorisant que de se limiter au noir et blanc. Comme si on pouvait choisir ! Comme s’il suffisait de tourner le bouton « couleurs » avant de s’endormir. On pourrait alors imaginer d’avoir une batterie de filtres à disposition pour rêver en sépia, très contrasté, surex, sous-exposé, couleurs froides, façon sténopé ou plaque de verre… Quoi qu’il en soit, cette micro-analyse ne me permettait pas d’être catégorique quant à la tonalité de mes propres rêves.
J’ai alors essayé de m’en souvenir, non pas du contenu de mes rêves, mais de ce dont ils étaient visuellement constitués, de leur texture, de leurs teintes donc. A nouveau, la couleur s’est spontanément imposée à moi, et j’en tenais pour preuves des aquarelles justement tirées de mes fantasmagories nocturnes que je n’avais jamais eu l’idée de représenter en noir et blanc. Mais là encore, ma retranscription colorée pouvait être imaginaire et exclusivement orientée par ma vie éveillée. Au fond, le doute persistait. De fait, je me suis mise en tête d’y être particulièrement attentive à mon prochain rêve. Ce qui, je vous vois sourire, est une véritable gageure puisque rêver suppose d’avoir atteint un niveau d’inconscience incompatible avec le fait de mener une enquête consciemment et donc d’apporter une réponse claire, précise et indiscutable à la question liminaire. Peut-être, pour en découdre, devrais-je plutôt me concentrer sur cet état de semi-conscience précédant le réveil, où les dernières images construites par notre subconscient se mêlent aux premières sensations d’une nouvelle journée, ce moment où, justement, nos rêves ne se sont pas encore volatilisés, où le reboot matinal automatique s’initialise – je m’appelle Lou Camino, je suis dans mon lit, nous sommes samedi, il faut assez chaud, j’ai rendez-vous dans 2h à l’autre bout de Paris… -, suivi de la formalisation d’une série d’actions à entreprendre dans un ordre très précis pour arriver presque à l’heure ? Une chose est sûre, tout cela demeure un peu flou dans mon esprit…