Photo-graphies et un peu plus…

C’est incroyable à quel point les communicants n’hésitent pas, parfois, à user d’arguments fallacieux pour faire passer les messages de leurs clients, même si c’est pour le bien de tous. Ici, dans les toilettes publics d’un centre commercial à Chicago. Publicité étatique qui affiche une esthétique des années 1950 de femmes soumises à leurs maris aux larges épaules mais respecte l’exigence de diversité et de représentation des minorités des années 2000 (en faisant toutefois dire à la dame noire en rouge, qui a une excellente vue, une phrase absolument absurde, que personne de sensé ne prononcerait dans le monde réel) : image donc totalement anachronique, en plus d’être farfelue.

Par ailleurs, le fait que cette affiche soit placardée dans les toilettes des femmes alors que c’est monsieur qui est directement visé pose plusieurs questions : ne se sont-ils pas trompés de lieu et y a-t-il la version « femme » chez les hommes ? les femmes sont-elles chargées de prêcher la parole salubre auprès de la gent masculine ? existe-t-il des statistiques prouvant que les hommes ne se lavent pas assez souvent les mains et que c’est pour cette raison qu’ils ne trouvent pas de partenaires pour danser au bal des pompiers du 4 juillet ? des chercheurs d’Harvard ou du MIT (jamais ensemble puisqu’ils se font concurrence) ont-ils réussi à établir une corrélation forte entre déficit de séduction et prévalence à certaines maladies ; et enfin, les femmes sont-elles des êtres si éthérés et purs que ces basses questions d’hygiène ne les concernent pas ? En fait, les femmes, elles s’en lavent les mains !

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Chacun a dans un coin, rond, de sa tête les fameux dessins alambiqués d’Escher. Maurits Cornelis pour les intimes. Vous savez, ces images très graphiques et d’une grande maîtrise mathématique, de constructions architecturales impossibles et obsédantes car de vrais labyrinthes pour l’esprit. L’analogie paraîtra sûrement un poil tiré par les cheveux à certains, mais, parfois, les distributeurs de papier toilette dans les WC publics me semblent être du même acabit : difficile de savoir où commence et où se termine le rouleau !

Osons… Vous avez bu trois thés coup sur coup, vous ne tenez plus, vous devez « faire vos besoins » comme l’on dit étrangement ou vous rendre dans « un endroit propice » comme le sifflait une ancienne prof de français. Direction le cabinet d’aisance public le plus proche. Le soulagement est total jusqu’à ce que vous n’approchiez la main du distributeur pour lui soutirer quelques feuilles. Malheureusement mais un classique du genre, rien ne pend. Vous faites faire un tour au rouleau, puis deux en quête de la petite feuille libre… Celle sur laquelle vous allez pouvoir tirer, souvent de façon trop énergique, pour récupérer plus de feuilles que nécessaire… mais ce n’est pas grave, vous n’êtes pas chez vous ! Ceci dit, en réalité, vous n’en êtes pas encore là : vous cherchez toujours le début du rouleau à qui vous avez déjà fait faire quatre tours, non sans une pointe d’énervement et un début de crampe dans les cuisses, la position tenue étant proprement inconfortable. Voilà que vous pestez contre les petites économies : si au moins, le papier était plus épais, vous arriveriez sans problème à l’attraper ! N’ayant cependant pas envie de rester plus longtemps dans cet espace communautaire et fatigué de jouer au hamster avec le rouleau de PQ, vous cédez à la facilité : vous agrippez un bout de papier sur le côté et le déchirez, créant ainsi un début de rouleau artificiel. Ce dernier ne ressemble plus à rien, mais vous êtes sauvé ! Quelle aventure !

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Face à cette image et ce qu’elle représente, la question à se poser n’est pas : « Mais que fait-elle avec un appareil photo aux toilettes ? » mais plutôt : « Pourquoi ces espaces intimes sont-ils à ce point ouverts ? ». C’est un des grands étonnements, pas des plus confortables il faut l’admettre, des européens venant rendre visite à leurs voisins nord-américains. Au-delà de ces parois commençant à 30 cm de hauteur, il y a aussi ces portes qui se ferment en laissant un interstice de plusieurs millimètres parfois, suffisamment large pour permettre à chaque partie d’entre-apercevoir ce qui se passe de l’autre côté. Evidemment, personne ne regarde vraiment, mais, pour le (« la » serait plus juste) novice, le doute s’installe rapidement. Et tétanise. Les yeux rivés sur les pieds d’à côté, la voilà qui regrette tout aussi vite les toilettes bien fermées de l’ancien monde, où les cloisons vont du sol au plafond, les portes sont lourdes et se ferment derrière elle en la nous coupant du monde extérieur.  Etrangement, cette différence culturelle – motivée par des contraintes de sécurité peut-être ? – me renvoie à la question de la mort et aux cimetières d’ici et d’ailleurs, en particulier nord-américains. Ouverts sur le monde, sans tabou, sans barrière, comme s’il n’y avait rien à cacher car, au final, rien n’est plus naturel que mourir ou … ! Est-ce vraiment comparable ?

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… réservent parfois d’étonnantes surprises. De bonnes surprises ! Je ne parle pas ici d’hygiène ou de propreté, mais de décoration (volontaire ou pas), de mise en scène, d’attention particulière pour ce lieu « propice », comme le qualifiait l’une de mes anciennes professeurs de français au lycée. Je suis d’ailleurs étonnée qu’il n’existe encore aucun guide des plus originaux « restrooms » parisiens. Un petit Lonely Planet serait même idéal pour cet endroit ! Des hordes de visiteurs ne fouleraient le seuil de cafés, bars, restaurants que pour le plaisir de pousser la porte du fond ou de descendre quelques marches, et ainsi, pouvoir s’extasier devant la joliesse de ce que, souvent, on néglige. Pourtant, chacun y passerait 6 heures par mois soit 3 jours par an. Certes, c’est une bagatelle comparé au temps passé à dormir (1/3 de notre vie), mais quand même !

Bref… Revenons à l’image du jour : elle fait partie de la section « décoration involontaire ». Ce superbe carrelage tapissant la descente et les murs du sous-sol où se trouvent le lieu-dit appartient à un petit bar sans prétention du Boulevard des Italiens, ce qui est déjà en soi un exploit (le sans prétention)… A l’étage, à siroter une menthe à l’eau, on ne s’y attend absolument pas. A posteriori (ah ah), ce n’est pas étonnant, la place ayant conservé son ambiance originelle… La banale transition aux toilettes se transforme alors en vraie expédition… Je disparais quelques minutes avec mon appareil et prends les escaliers sous tous les angles. Heureusement, dans cet intervalle de temps, personne ne s’y rend. La rencontre aurait eu quelque chose de saugrenu. En remontant, j’arbore un sourire relâché n’ayant rien à voir avec la fonction primaire de ce lieu d’aisance.

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