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Depuis ma plus tendre enfance – presque depuis la nuit des temps donc – j’ai appris à aimer les chantiers, les échafaudages, les montagnes de gravats, les superpositions de BA13, les empilements d’IPN, les roulements de tambour des bétonnières ; à décrypter les panneaux listant entreprises et corps de métiers impliqués ; à apprécier cette humidité et ce froid si caractéristiques ressentis en longeant les immeubles évidés et plongés dans l’obscurité ; à admirer la valse des tombereaux entrant et sortant de ces espaces en mutation, les râles des excavatrices et la danse syncopée des bulldozers.
Assez naturellement, j’en suis venue à vénérer les grues (ne riez pas, c’est sérieux). Les grues mobiles, les grues statiques, les grues à bras articulé, celles à flèche unique ou encore à bras télescopique. Leur finesse (on dirait de la dentelle), leur taille (dont la disproportion comparativement aux éléments environnants diminue au fil du chantier), leur fausse fragilité (regardez la Tour Eiffel !), leur force (certaines peuvent hisser jusqu’à 1200 tonnes, soit l’équivalent de six baleines bleues…), mais également le ballet qu’ensemble, animées par des grutiers chorégraphes et géomètres, elles proposent à ceux qui les regardent évoluer. Pourtant, paradoxalement, ce spectacle de grues que j’applaudis plutôt deux fois qu’une, s’achève par une montée de rideau, qui, aussi prestigieuse soit-elle, n’est pas vraiment pour me plaire puisqu’elle nous bouche l’horizon, et par conséquent, toute tentative d’évasion… Pourquoi faut-il que l’homme déteste le vide à ce point ?