Je n’ai jamais essayé de crier dans l’espace, pour la simple et bonne raison que je ne suis jamais allée dans l’espace autrement que par écran interposé ou conscience translatée – et il y a d’ailleurs de fortes chances que mon expérience intersidérale se limite à ces simulacres, lunettes 3D ou pas -, mais, à en croire l’accroche du mythique Alien, le 8e passager qui, à l’époque, avait fait beaucoup de bruit, et résonne toujours dans nos corps : « Dans l’espace, personne ne vous entend crier ». La remarque est d’autant plus superfétatoire que le film n’est assurément pas muet et que nous les entendons tous – Ripley, Ash, Dallas, Kane et les autres – cracher leur peur à pleins poumons. En revanche, sous la surface de l’eau, qui est une autre forme d’espace, les sons ont beau se propager à une vitesse quasiment cinq fois supérieure à ce qui se passe dans l’air, donc en moyenne à 1 500 m/s, on ne comprend pas forcément pour autant les borborygmes et autres rugissements bouillonnants émis avec force et impétuosité…
Rien de plus banal, en apparence, que des ballons de baudruche… Quel drôle de nom d’ailleurs, quand on y pense, non ? A voix haute, c’est même pire : « bal-lon de bau-dru-che »… A en douter de l’exactitude de l’expression ! La baudruche étant originellement une membrane fine du gros intestin de boeuf ou de mouton, on comprend mieux son extension au ballon en caoutchouc. Mot à la musicalité singulière sur lequel je pourrais également m’étendre, à défaut de me détendre.
Revenons à nos moutons… Un ballon de baudruche donc. La banalité très finement incarnée soit. Belle et festive qui plus est. Ce qui n’est déjà plus si banal. En réalité, contrairement aux apparences donc, un ballon de baudruche, c’est extrêmement sérieux. J’en veux pour preuve la récente étude que leur ont consacré deux chercheurs du CNRS (si, si), qui se sont plus particulièrement penchés – mais de loin tout de même – sur leurs mécanismes d’explosion : il n’y en aurait d’ailleurs que deux, mais je vous laisse lire l’article pour que vous les découvriez par vous même. J’imagine parfaitement les journées d’expérience de ces deux-là : d’abord se faire livrer des centaines de ballons de baudruche, puis les gonfler (on espère, avec une mini-pompe), puis les faire éclater les uns après les autres soit en ne s’arrêtant pas de les gonfler soit en plantant une aiguille à leur surface. Le tout, bien sûr, devant des dizaines d’enfants retranchés dans une salle dotée d’une vitre teintée pensant, à tort, que tous ces ballons leur sont destinés. Ces derniers sont bien évidemment filmés pour les besoins d’une expérience sociologique portant sur l’attente forcée, le phénomène d’anticipation d’une joie et la gestion de la déception face à un objet convoité qui s’envole sous nos yeux chez les moins de 7 ans n’ayant ni frère ni soeur et idéalement monolingues francophones. Je suis d’accord avec vous, quel monde cruel que celui de la recherche ! Au bout de la 247e explosion, leurs collègues, fatigués de sursauter à chaque bang, leur ont aussi demandé d’emménager dans une chambre sourde. Ce qu’ils ont fini par faire (même si c’était quand même bien moins drôle…).
Mais revenons à nos boeufs… Un ballon de baudruche donc. Enfin, juste ceux-là, accrochés à cette maison en adobe hybride. On sent bien qu’ils sont fatigués et qu’ils ne pourront plus exploser dignement. Ce que l’on ne sent absolument pas en revanche, c’est l’effort qu’il a fallu pour les gonfler. Car, et c’est là où je voulais en venir, nous sommes à plus de 4 000 mètres d’altitude… Et à cette hauteur, souffler dans un ballon de baudruche est tout sauf un acte insignifiant…
Parfois, pensées picorées ici et là, au gré de lectures, de conversations, de projections, de visites plus ou moins éloignées dans le temps se connectent miraculeusement les unes aux autres pour nourrir des territoires de réflexion encore confidentiels… Ainsi, si l’on reprend le fil de la chronologie, il y a plusieurs mois, j’ai lu que nous nous souvenions de 80% de ce que nous faisions et voyions, et seulement de 20% de ce que nous lisions. Vous savez comme moi que toute information extérieure reçue est passée au crible de nos perceptions, de nos a priori, de nos certitudes. En cela, l’objectivité n’existe pas ou si peu, et nous serons toujours tentés d’interpréter ladite information en fonction de la résonance qu’elle a en nous et, en particulier, de sa façon de nous conforter dans nos propres pensées. Ce « biais de confirmation » est un biais cognitif bien connu… De fait, personnellement, cette répartition statistique du souvenir – ou plutôt de ce qui reste le plus longtemps présent en mémoire – renforce cette idée qu’il faut vivre et voir un maximum de choses, a fortiori, qu’il ne faut pas s’arrêter de voyager, de découvrir le monde et les autres, d’une part pour être à la hauteur de cette chance d’être en vie sur une planète qui ne se résume pas à un simple point, d’autre part, pour essayer de les comprendre. Cette subjectivité est totalement assumée, et laisse même entendre que l’important, dans la vie, est de ne pas oublier. Il faut encore que j’y réfléchisse.
Continuons. Il y a quelques semaines, j’ai noté dans mon carnet du moment cette phrase extraite du dernier livre de Jérôme Ferrari, Le principe : « On essaye de comprendre les choses à partir de sa propre expérience parce que c’est tout ce dont on dispose et c’est, bien sûr, très insuffisant ». Il parle là de physique, le principe du titre étant le principe d’incertitude, ou d’indétermination, énoncé par Werner Heisenberg en 1927, qui stipule qu’il est impossible de connaître simultanément la position et la vitesse exactes d’une particule (quantique). Une vraie révolution scientifique par ailleurs. Mais, là encore, ce que je retiens de cette phrase sortie de son contexte tout à la fois fictionnel et épistémologique, est que pour être en mesure de comprendre les choses, il faut les vivre. Ce qui nous ramène aux statistiques ci-dessus et à ma première conclusion. CQFD. Je pourrais m’arrêter là et acheter mon prochain billet d’avion, de train, ou ma bicyclette, ou de bonnes chaussures de marche pour aller vivre, donc comprendre, puis me souvenir.
Mais peu de temps après, je découvre la belle série d’entretiens de personnalités ou d’anonymes publiée dans Le Monde cet été sur la question, obsessionnelle à bien des égards, du temps. L’exergue-titre de celui du philosophe Patrick Viveret, un nom prédestiné, fait l’office d’une petite bombe à fragmentation (image purement spéculative si l’on relit bien la phrase de Ferrari : d’ailleurs, dans la réalité, bien loin des images littéraires, je ne voudrais pas connaître cette sensation !) : « Il faut accepter de ne pas tout vivre ». Il y a bien sûr un avant et un après à cette phrase, une nouvelle fois tirée de son contexte, comme si elle venait logiquement s’insérer à la suite de celle du Principe, qui elle-même répondait aux statistiques. Alors que tout s’accélère, que nous avons chaque jour l’illusion de pouvoir en faire de plus en plus grâce à des artifices technologiques, que parfois, alors même que nous nous plaignons du temps qui passe, nous nous pensons toujours un peu immortel et donc avec la vie, infinie, devant nous, cette phrase de Viveret est un brutal retour à la réalité. Car elle nous dit tout simplement, même si cela se complique ensuite : il faut faire des choix. Or, faire des choix, c’est accepter de mourir. Et donc, de vivre…
J’ai retrouvé une étrange carte intersidérale holographique dans une boîte de chaussures – des chaussures montantes apparemment, que je n’ai jamais connues par ailleurs -, au fond d’une malle en métal bleu – ma valise pour aller aux Iles Kerguelen il y a quelques années, rien à côté de ce que je m’apprête à vous dévoiler – que j’avais oubliée dans la grange d’une de mes maisons imaginaires. Elle m’a laissée plus que perplexe. Je vous ai scanné le recto (voir ci-dessus). Laissez-moi vous retranscrire le verso :
« Chère Lou,
Nous voici bien arrivés sur Kepler-452b après un voyage de plus de 25 millions d’années. Autant te dire que nous sommes exténués, quand bien même nous avons dormi la plupart du temps. Nous regagnons couleurs et force en reprenant nos bonnes habitudes de terriens : un bain de mer aux couchers des soleils !
Nous t’embrassons bien fort en espérant que tout va bien pour toi,
Lulu et Berlu »
Voilà, c’est tout. Le plus étonnant dans cette affaire est que je ne connais personne s’appelant Lulu ou Berlu, a fortiori Lulu et Berlu, hormis un couple de poissons rouges – enfin, ils n’étaient peut-être pas en couple… ça peut vivre à deux, des poissons ? – que j’avais offert à un couple d’amis – eux l’étaient vraiment – il y a des années de cela et qui sont morts – les poissons – peu de temps après avoir été transvasés dans leur nouvelle maison arrondie – comme quoi, parfois, mieux vaut rester chez soi. J’ai vaguement entendu parler de Kepler-452b aussi… La première fois, il y a quelques mois, lors d’une conférence de Frédéric Ferrer, et plus récemment, dans la presse, la nouvelle de la découverte de cette exoplanète aux allures de Terre, bien qu’un peu plus grosse, gravitant dans la zone d’habitabilité de son propre Soleil s’étant officiellement ébruitée. Qui plus est, si mes souvenirs sont bons, Kepler-452b n’avait qu’un soleil et pas deux ! Bref, que d’imprécisions… Enfin, je vois difficilement comment on pourrait déjà m’avoir envoyé cette carte intersidérale, comment j’ai pu la cacher sans m’en souvenir, et surtout comment je peux être en mesure de la lire aujourd’hui sans être morte depuis belle lurette… A moins, peut-être, que le voyage dans le temps n’existe déjà et que je ne m’en sois pas encore rendu compte !
Je viens de mettre en forme, et du coup, en ligne, un court essai que j’ai rédigé il y a quelques années sur le film Bienvenue à Gattaca, d’Andrew Niccol. Film analysé, pour l’occasion, à travers le prisme de la mélancolie, omniprésente…
Ce film de 1997 me semble d’une actualité brûlante alors même qu’une équipe de chercheurs chinois a annoncé avoir réussi à modifier le génome directement dans l’embryon…
Précision : je fais très précisément référence à certaines scènes du fim, aussi est-il plus facile, a priori, d’entrer dans le texte en l’ayant vu…
Il y a quelques années, une blague courait dans le milieu des étoiles et de l’univers que je convoitais, proclamant en substance et sans peur des répétitions : « Pour devenir astrophysicien, il faut attendre qu’un astrophysicien meure ! ». L’espérance de vie augmentant, même chez les hommes (plus nombreux que les femmes dans ce domaine), cette petite phrase rappelait aux jeunes qui rêvaient d’une aventure cosmique qu’ils allaient devoir s’armer de patience (éventuellement de cyanure), et qu’après tout, cela n’était pas totalement incompatible avec les temps immémoriaux qu’ils allaient chercher à explorer, remontant à des millions voire milliards d’années. Car si, dans notre vie quotidienne, nous devons nous satisfaire du présent et de l’instant d’après, en astro, le voyage dans le temps existe. C’est magique ! Mais c’est lent… En plus d’attendre la mort du vieil astrophysicien, l’apprenti étoilé comprend ainsi assez vite qu’il va devoir se montrer humble, les mystères de l’univers ne se laissant pas approcher facilement. Et donc potentiellement attendre 10, 15, 22, 36 ans pour obtenir un embryon de réponse à la question qu’il se pose. Et là, c’est l’hypothèse optimiste.
C’est précisément à ce moment que je suis définitivement sortie de mon orbite céleste pour aller rêver sur la terre ferme. Si chercher est une chose, ne pas trouver en est une autre. Pire, pour le jeune pressé plein d’espérance, ne pas trouver relève de l’échec. Cela évolue avec le temps… Voilà donc que la mort de John Mainstone il y a quelques semaines, dont j’ai appris l’existence à cette funeste occasion, m’a plongée dans une sorte d’admiration dubitative et de colère visqueuse. Le chercheur était le dernier responsable de la fameuse « expérience de la goutte de poix », présentée partout comme la plus longue au monde puisqu’elle a commencé en 1927. L’hypothèse : des substances a priori solides sont en fait des liquides à la viscosité très élevée. La matière test : la poix. L’expérience : en verser dans un entonnoir en verre et observer son « écoulement », ce qui devient possible dès 1930. Indéniablement excitant ! Car comme les étoiles aux confins de l’univers, la poix se fait désirer. Il faut ainsi 8 ans à la première goutte pour qu’elle daigne se désolidariser du bloc dont elle était issu. La suite est du même tonneau : la 2e choit en 47, la 3e en 54, la 4e en 62, la 5e en 70, la 6e en 79, la 7e en 88 et la 8e en 2000… Mainstone, mort à 78 ans (l’espérance de vie des australiens mâles est de 79 ans…), faisait la vigie depuis 1961. Le temps de cinq gouttes. Et pourtant, celui qui a prédit la 9e avant la fin de l’année n’en a jamais vu aucune faire le grand saut ! Je trouve cela affreusement ironique, terriblement machiavélique et cruel de la part des gouttes de poix ! Elles auraient pu avoir la décence de s’effondrer au moins une fois devant lui. Un étudiant aurait fait résonner Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss et la goutte serait tombée au ralenti. Cela aurait été beau, puissant ; Mainstone aurait pleuré à grosses gouttes (c’est plus rentable, elles coulent plus vite !), puis pensé qu’il n’avait pas attendu toutes ces années pour rien ; le soir, il aurait ramené un bouquet de pétunias mauves à sa femme qui n’y croyait plus et le lendemain, il serait retourné au labo en osant rêver d’autre chose…
Je ne reviendrai pas sur cet état de fait malheureux : une journée fait 24h, pas une minute de plus, pas une de moins. Comme nous n’avons pas – l’espèce humaine – ce pouvoir surnaturel d’augmenter la durée d’une journée, nous nous sommes contentés de faire ce qui était dans nos capacités, à savoir multiplier ce que l’on pouvait faire en un jour. Des gens brillants ont inventé des machines volant à 1 000 km/h, raccourcissant les distances, et donc le temps, entre deux destinations lointaines ; d’autres ont créé des machines lavant et séchant le linge automatiquement, permettant à celles qui s’en occupaient de faire autre chose pendant ce temps ; certains ont même conçu des machines destinées à penser et à calculer à leur place, pour aller encore plus vite. Ces dernières génèrent d’ailleurs tellement de données que le cerveau humain n’est plus capable de les analyser, mais il est suffisamment malin par ailleurs pour créer d’autres machines qui se chargeront de trier les données pertinentes voire de les pré-interpréter.
A chaque fois que du temps est gagné sur la journée de 24h, c’est qu’il y a technologies. Ces dernières années, elles ont massivement inondé les modes de communication, de telle sorte que nous sommes, à tout instant, en « contact » avec les autres – connus ou inconnus -, avec ce qui se passe ici et surtout ailleurs, hors de notre portée visuelle, auditive, olfactive ou sensorielle. « Contact » est d’ailleurs un abus de langage hérité de cette époque où les gens se voyaient réellement, cette phrase n’étant pas aussi rétrograde qu’il n’y paraît… Et si ce n’est pour communiquer, c’est au moins pour s’informer. Des plus futiles aux plus fondamentales, les informations tombent, non hiérarchisées, à un rythme effréné. Ce déluge de savoirs et de connaissances, – deux notions à redéfinir ? – diversement intéressantes donc, est véritablement effrayant dès lors que l’on accepte de prendre un peu de recul (sans celui-ci, on est dans la phase d’incompétence inconsciente que j’évoquais dans Et la lumière fut). Et le rythme n’est pas destiné à décélérer, bien au contraire. D’ici 4 ans, les pros du secteur estiment en effet que le trafic Internet annuel de notre chère planète bleue atteindra les 1,3 zettaoctet. Vous ne savez pas ce que cela signifie ? Moi non plus ! Pour ne pas finir la journée plus bête que ce matin, voici : un zettaoctet, c’est un 1 suivi de 21 zéros. On ne se le figure pas plus pour autant : c’est en fait près de quatre fois plus qu’aujourd’hui… Toujours en 2016, 45% de la population mondiale devrait être connectée à cet informateur universel ! On imagine que l’on s’active déjà dans les tuyaux pour que tout ce monde en quête d’échanges ait réellement accès à un débit digne de ce nom, le très haut-débit, voire la fibre optique (on ne pourra en effet pas aller plus vite que la lumière même si des physiciens l’ont cru l’an passé suite à un excès de zèle mal calibré de neutrinos).
Des champs d’investigation totalement nouveaux et aux noms emplis de mystères – au quasar, glycobiologie, épigénétique, bioinformatique, enthéobotanique, biologie synthétique, NBIC (convergence des nanotechnologies, des biotechnologies, de l’intelligence artificielle et des sciences cognitives) – s’ouvrent à nous comme la Mer Rouge et nous serons pourtant à jamais inaccessibles (même si nous en exploiterons les applications sans savoir qu’elles en sont à l’origine). Cette inaccessibilité-là n’étant pas liée au fait d’accéder à l’information – nous avons vu que, de ce point de vue là, l’affaire était réglée – mais plutôt à la pleine compréhension de cette information. Sans doute n’est-ce pas absolument grave de ne pas tout comprendre pour vivre correctement – admettons même que la chose est impossible – mais de réaliser que l’évolution des sciences et techniques va plus vite que notre capacité à les maîtriser, à les appréhender, à se les approprier, à en mesurer les implications me donne le tournis. A la fois à titre individuel – une petite mort, quand même -, mais aussi collectif : où se dirige un monde qui ne peut plus comprendre ce qu’il crée lui-même ?
Ce mouvement ne peut évidemment s’inverser : on ne rétrograde pas, dans notre monde moderne, sauf cette andouille d’indice triple A. Et même quand on veut faire plus simple, gommer l’ostentatoire technologie, il faut des trésors d’intelligence pour y arriver. C’est compliqué de faire simple, surtout quand on veut aussi faire mieux. Plus efficace, plus rentable, plus direct, plus rapide, plus fiable, plus truc que ce qui se faisait « avant ». Vous savez, cet « avant » que l’on brandit en général pour dire qu’il était mieux, ce qui est un peu facile. Mais je me demande sincèrement comment les personnes de plus de 80 ans – celles qui ont connu les opératrices (presque centenaires donc) et peuvent aujourd’hui se skyper avec leurs arrières-arrières-petits-enfants à l’autre bout du monde tout en s’envoyant des photos du petit dernier – perçoivent ce monde d’hyper-connexion un brin abstrait… Monde qui donne la désagréable sensation de frôler la chute en permanence : la déconnexion ! Laissez passer une nouvelle techno grand public et vous êtes potentiellement à la traîne pour le reste de votre vie… Ce monde – j’écris ça comme s’il y en avait un autre, qu’il y avait le choix ou que je lui étais étrangère – est comme un train en marche – un shinkansen, ultra-rapide donc – dans lequel il faut forcément sauter, indépendamment du besoin et de l’envie, deux notions à revisiter tout comme le savoir et les connaissances sus-cités. Celui qui n’a ni smartphone ni tablette aujourd’hui est-il un has been, un obscurantiste ? Risque-t-il de manquer son entrée dans le futur comme ceux qui ont résisté à l’outil informatique à l’aube des années 1980 ?
Impossible de suivre ce rythme qui nous empêche de penser, de réfléchir, car réfléchir, c’est s’arrêter et s’arrêter, c’est louper la station ! Personne n’a le don d’ubiquité et pourtant, tout semble se passer au même instant. Je n’ose même pas écrire « moment » qui, en lui-même, suggère une certaine durée. L’instant, c’est cette unité furtive du temps qui est déjà finie sitôt qu’elle débute. Bref ! Le présent, notre présent, nous donne l’illusion d’une omniscience tout en nous confrontant à notre ignorance croissante sans que cela paraisse paradoxal. Le présent, où tout change vite, où l’on est témoin de la disparition d’outils créés par nos parents (la K7 par exemple), où tout tourbillonne autour de l’homme lui fait aussi croire qu’il est lui-même plus rapide, qu’il est lui aussi temps-flexible. Qu’il peut, comme il a réussi à le faire avec les 86 400 secondes de la journée, se subdiviser, se démultiplier, se … cloner ? La grande illusion ! Car cela lui prendra toujours le même temps de nouer ses lacets, de prendre une douche, de se plonger dans un livre, de faire la cuisine, d’aller voir un film, de faire des longueurs, de dormir parfois, de voir ses amis, de rêver… Et, même si je passe mon temps à pester contre le temps qui passe trop vite, qui file entre les doigts comme le sable blanc ultra fin de Jervis Bay en Australie, je suis partiellement soulagée que l’homme ait des limites. Mais, jusqu’à quand ?
Corneille, qui n’y connaissait pourtant rien à Einstein, et pour cause, les deux hommes n’ayant pas vécu à la même époque, ils ne se sont jamais croisés, encore que ?, en a la toque en toc ! Noyée dans un salmigondis de scandales, au choix, politiques, économiques, industriels ou de mœurs, la nouvelle n’en a pas fini de faire vibrer le lanterneau, parfois terre à terre, des scientifiques de tous bords et de ceux qui ont gardé en mémoire de leurs obscurs cours de physique cette petite phrase, irréfutable, aux allures de poème mystique : « rien ne va plus vite que la lumière ». A savoir, 300 000 km/s. Oui, c’est extrêmement rapide.
Une vitesse, évidemment autant inimaginable pour les humains que nous sommes que les parachutes dorés des grands patrons. Mais une certitude depuis des décennies, à force de vérifications, sur laquelle s’est bâtie toute la physique moderne. Autrement dit, le spectre avec lequel « nous » appréhendons le monde, allez, l’univers, dans lequel nous évoluons et avec lequel nous interférons. Et pourtant, un excès de vitesse a été constaté à maintes reprises ces derniers mois par les radars affutés du CERN. Le bolide : des neutrinos, des particules élémentaires au même titre que le sont les électrons, que nous connaissons bien, ou les quarks, que « nous » connaissons moins. Et au compteur, 300 006 km/s. Une broutille, pensez-vous ! Bien moins, en tout cas, que la marge que l’on s’autorise en voiture sur une autoroute limitée à 130 km/h pour éviter l’amende !
Une différence qui pourrait néanmoins tout changer si elle venait à être confirmée ! Une révolution en soi qui rappelle un autre passage de ces mêmes cours, cher à Gaston Bachelard : la science avance par ruptures épistémologiques… Et donc à travers ce type de « démentis » largement documentés qui font abandonner certaines théories au profit d’autres, susceptibles de mieux décrire la réalité. C’est assez excitant d’en vivre potentiellement une, mais cela n’atténue en rien l’angoisse que cette brèche creuse dans nos friables certitudes qu’elle remplace par autant d’inconnues. Malgré la réelle révolution qui se trame en souterrain, cette découverte ne changerait absolument rien à notre vie quotidienne. Et c’est là sans doute le plus fou : nous continuerions, demain, à vivre exactement comme hier et aujourd’hui. Car, à ce niveau-là, il faut bien admettre que tout est relatif !
Comme il est parfois difficile de savoir si certaines découvertes scientifiques sont réellement des progrès pour l’homme ou pas. L’information circule, il serait « bientôt » possible, via une technique bien particulière, de détecter un cancer grâce à la simple analyse d’une goutte de sang ou d’urine qui renfermerait de l’ADN tumoral… Evidemment, c’est une excellente nouvelle car cela permettrait, notamment, d’initier des traitements de façon plus précoce, d’augmenter les chances de succès des thérapies et donc de sauver de nombreuses vies.
Mais une partie de moi ne peut s’empêcher de penser aux dérives que pourrait engendrer cette petite révolution. Une partie de moi est immédiatement propulsée dans une salle obscure, bercée par une lancinante et répétitive composition de Michael Nyman, et totalement absorbée par des peaux mortes, des cheveux, des cils venant s’échouer avec fracas sur le sol carrelé de la maison du « dégénéré » Vincent Freeman. Bienvenue à Gattaca ou bienvenue dans un monde eugénique, où l’analyse d’une simple goutte de sang donc détermine votre avenir… Fiction, fiction… Pas si sûre quand on sait, par exemple, que plusieurs sociétés proposent déjà des tests ADN, bien sûr controversés et mis en doute, « prédisant » l’espérance de vie de ceux qui s’y prêtent. Et si, dans un futur proche, avant toute embauche ou toute souscription à une assurance, on nous demandait de passer par l’infirmerie pour faire une anodine petite prise de sang ? Question indépendante d’une autre, qui touche à la définition même de l’homme : comment vivre en sachant quand on va mourir ?
La science d’un film de science-fiction doit-elle être juste ou pas ? La question pourrait aussi se poser pour les films historiques. La réponse, dans les deux cas, est d’ailleurs la même. Revenons à la science. Depuis toujours, Hollywood, qui a les moyens des grands moyens (dans ce contexte, des effets spéciaux), est la grande pourvoyeuse de films de SF, fantastiques et d’anticipation. Le propre de la SF est, notamment, d’exacerber des tendances et des évolutions contemporaines, le tout en jouant sur des peurs collectives. Ainsi, les films catastrophes (climatique, invasion extraterrestre, menace intersidérale, guerre…), les films sur les manipulations génétiques (conduisant, en général, à la création de monstres), sur l’emprise des machines sur l’homme et son cerveau, se sont-ils multipliés comme des copies, avec plus ou moins de réussite. C’est, de prime abord, une très bonne nouvelle que le 7e art s’empare de ces sujets à l’actualité brûlante. Le cinéma peut aussi avoir un rôle d’alerteur ou d' »éveilleur » de conscience.
Encore faut-il que ce qui est à la base de ces scenarii comporte une certaine justesse scientifique, histoire de ne pas tromper le spectateur avec une science de pochette surprise. C’est là que le bas blesse. Car, souvent, malheureusement, la véracité des éléments scientifiques de ces films n’est pas la priorité des scénaristes – même si, pour se donner bonne conscience, ils font de plus en plus appel à des experts scientifiques pour les aiguillonner -, encore moins des producteurs – plus familiers des billets verts que des publications de rang A, en quête de spectateurs et donc, de spectaculaire. Ainsi, la Nasa, épaulée par SEE (Science & Entertainment Exchange) qui promeut une science-fiction authentique, s’est-elle livrée une relecture des films de SF depuis une trentaine d’années sous l’angle de leur pertinence scientifique. 2012 de Roland Emmerich, réalisateur des fameux Independance Day et Le Jour d’après, remporte la palme du film écorchant, de toute l’histoire du cinéma, la vérité scientifique. Ceux qui sont allés le voir, et ils sont nombreux puisque 2012, est l’un des gros succès de 2009, s’en seront (jespère !) doutés. Dès les premières minutes, 2012 se présente en effet non pas comme un film de SF mais comme une dramatique comédie. Tout y est si gros que l’hilarité finit par prendre le dessus sur le désespoir.
Sauf que la propagation de ces grossières approximations et énormes erreurs scientifiques, dans ce qui reste de la fiction, a un impact sur le monde réel et sur la façon dont, les spectateurs, hors des salles obscures où l’impossible devient possible, interprètent et appréhendent les événements, les nouveautés et évolutions scientifiques auxquels ils sont indirectement confrontés. Car, que l’on parle de clonage reproductif (ce dont il est essentiellement question dans les films), de cataclysme climatique, de disparition de l’humanité, on reste dans une projection (sans jeu de mots) à long terme. Quelque chose d’impalpable pour le commun des mortels, donc, qui fait peur, sans vraiment angoisser. Tout cela ne serait qu’un détail amusant si, dans la vie réelle, une vraie éducation scientifique était dispensée à chacun. Pas uniquement lorsque l’on est à l’école. Une éducation scientifique pour tous. C’est loin d’être le cas ! Et le fait que la technique aille plus vite que l’éthique ne facilite pas la tâche. De fait, combien de personnes sortent d’une salle en pensant qu’un clone est une exacte photocopie de nous-mêmes pouvant se créer en quelques secondes, ou que la Terre peut geler en quelques heures (les fins limiers reconnaîtront d’ailleurs, ci-dessus, la magnifique bibliothèque de New York où se réfugient quelques rescapés du Jour d’après, alors qu’un méta-tsunami déferle sur la ville, vague titanesque qu’ils voient arriver dans la rue en face) ? Combien sont sortis de 2012 en se demandant si, toutes proportions gardées, c’était possible ? On aimerait croire que ce ne sont que des sornettes. Et pourtant, la Nasa, assaillie de questions après la sortie du film sur une potentielle fin du monde le 21 décembre 2012 (bientôt donc), a dû créer une page sur son site Internet pour rassurer ces êtres humains un brin (d’ADN) naïfs… La première question / réponse de leur FAQ montre tout le travail qu’il reste à accomplir. Je ne résiste pas à traduire le duo. Question : « Y a-t-il une quelconque menace sur la Terre en 2012 ? De nombreux sites Internet prétendent que la fin du monde aura lieu en décembre 2012 ». Réponse : « Rien de mal (nothing bad) n’arrivera à la Terre en 2012. Notre planète va très bien depuis plus de 4 milliards d’années et des scientifiques mondiaux crédibles n’annoncent aucune menace associée à 2012. » Indépendamment du fait que l’ensemble semble avoir été écrit pour un enfant de 5 ans, il est intéressant de voir comme, même la Nasa, emprunte le vocable du bien et du mal pour répondre à ces angoisses d’adultes. Toutefois, la bataille n’est pas perdue d’avance et il n’y a pas que du négatif dans ce palmarès. Blade Runner, qui commence à dater (pas dans la forme ni dans le propos, mais dans le temps), a été salué pour son « authenticité ». Plus récemment (et encore, le film remonte à 1997… que s’est-il passé depuis ?), Bienvenue à Gattaca est celui dont le propos est le plus scientifiquement crédible. Un film d’une subtile beauté rétro-futuriste et d’un discours extrêmement pertinent sur les discriminations d’hier qui ne font que revêtir un visage génétiquement modifié à un présent, indéfini. Un film d’ailleurs injustement passé inaperçu car sorti au moment de la déferlante Matrix, et qu’il serait de bon ton de revoir aujourd’hui, voire d’étudier de près, car il nous dit beaucoup de choses sur la société qui nous attend probablement…
En pratique, toutes les photos figurant sur ce site sont en vente. N'hésitez pas à me contacter pour plus de renseignements !
Un tour du Soleil en duos : 6e année en cours
Pour (re)découvrir en un clin d’œil et sur une seule page les micro-histoires photographiques publiées en ces lieux virtuels :
- entre le 22/02/2010 et le 22/02/2011, voici Un tour du Soleil en duos…
Je l’avais annoncé il y a quelques semaines dans La véritable histoire des zébrures, dans mon Top 10 à établir de mes « zanimos » préférés, il y a aussi les éléphants. Une masse sage avançant sereinement et que rien ne peut arrêter. Dans le Top 10, aussi à définir, des sites urbains que j’affectionne particulièrement, il […]
Ho ho ho ! J’élargis la proposition lancée mercredi dans le cadre d’une opération Hans Lucas, en ajoutant 4 autres photos à ma petite boutique de Noël… Ces tirages sont proposés au prix unique de 50€ au format maximum de 15x21cm, avec marges, sans encadrement. Ce prix s’entend hors frais d’expédition (mais nous […]