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Comme moi, vous avez sûrement entendu, dans votre prime jeunesse, qu’il était méchant de se moquer du physique de vos petits camarades d’école ou de jeu. Car ce n’était pas la faute de Pierre si la nature l’avait doté de grandes oreilles (et peut-être un peu son père aussi, qui devenait indirectement la cible collatérale de la moquerie) ni celle de Nora si elle louchait un peu (ce qui la faisait immanquablement ressembler à votre chat complètement fêlé). A l’époque, vous n’étiez qu’un enfant et vous appreniez juste le pouvoir des mots. Or, pour apprendre, il fallait tester donc se moquer. Vous aviez ensuite appris à tourner sept fois votre langue dans votre bouche avant de lancer des sentences susceptibles de blesser vos interlocuteurs et aviez tranquillement poursuivi votre vie sans subir ni créer de traumatisme inoubliable…
Jusqu’à ce que vous ne tombiez sur cet éléphant à la réserve d’Etosha en Namibie. Franchement, c’est quoi cette trompe ? Vous en avez déjà vu, vous, des trompes qui traînent à ce point par terre ? C’est comme si vos bras touchaient le sol ! Je vous assure, c’est loin d’être pratique au quotidien (est-ce de cette éventualité que vient l’expression « avoir le bras long » ?) Et cela nécessite une logistique que l’on a peine à imaginer. Combien de fois, dans la précipitation, cet éléphant a-t-il marché dessus, puis trébuché, devenant la risée du plan d’eau de récréation dès son plus jeune âge ? Et à quoi est-ce dû : un problème de coordination de la croissance de la trompe et de celle du reste du corps ? « Ach, zut, elle a poussé trop vite » remarque l’ingénieur en chef du rayon éléphant. « Trop tard ! Et puis, on peut bien vivre avec un petit défaut » lui répond laconiquement le sous-chef en sortant néanmoins la bête de la chaîne pour lui éviter la sauvage élimination par l’intraitable responsable du contrôle qualité qu’ils entendent d’ici : « combien de fois devrais-je vous répéter d’arrêter la trompe à 30 centimètres du sol ? Ça vous plairait, à vous, d’avoir les bras qui ratissent le sol ? (Vous voyez !) Et en plus, vous l’avez fait sur le petit aussi ! Allez, aux lions ! » En fait, là, spontanément, vous lui trouvez quand même un avantage à cette trompe anormalement longue : celui de pouvoir l’enrouler autour du cou en hiver, telle une écharpe intégrée ! Oui, je sais, ce n’est pas gentil de se moquer…