Cela m’est revenu il y a quelques jours sans trop savoir pourquoi… Une moquerie d’une de mes anciennes profs de français au lycée à l’égard d’une de ses collègues, en l’occurrence ma prof de physique. Ma prof de physique avait en effet un tic verbal qui ne plaisait absolument pas à ma prof de français, facile à contrarier il faut l’avouer… Elle disait : « J’vous dis pas ! » Et évidemment, elle enchaînait en nous disant, ce qui bien sûr, était contradictoire avec le fait d’annoncer qu’elle n’allait pas nous dire. Voilà ce qui agaçait furieusement ma prof de français au point qu’elle allait parfois jusqu’à l’imiter en plein cours. J’aurais bien voulu voir comment elle gérait la cinétique et la thermodynamique… Bref, si, après un voyage spatio-temporel vers le futur, ma prof de physique avait atterri sur cette plage de Cu Daï près de Hoï An au Vietnam, elle aurait naturellement lancé : « J’vous dis pas ! Il y avait un de ces mondes ! Et un de ces bruits ! ».
La vraie surprise n’est pas toujours celle que l’on croit… Un exemple tout frais : direction le Hollywood Bowl à Los Angeles, comme son nom le laisse supposer. A en croire leur site Internet, le Hollywood Bowl, autrefois appelée le Daisy Dell, est le plus grand amphithéâtre naturel des Etats-Unis. Ceux qui suivent se souviendront peut-être de Super(re)latif : preuve que la tradition ne date pas d’aujourd’hui… Bref. Un édifice rappelant vaguement la forme d’un coquillage, dont l’architecture a beaucoup évolué depuis son inauguration en 1922 et qui peut accueillir pas moins de 18 000 personnes ! Une ville en soi… Une broutille pour cette cité titanesque !
Le concert – Les 4 saisons de Vivaldi – est à 20h mais la foule arrive par grappes dès 18h. Car, comme l’indique la page 148 du guide, on peut pique-niquer au Hollywood Bowl. J’imagine de grandes étendues vertes et visualise quelques tables à s’arracher. En voyant les uns et les autres débarquer avec leurs paniers chics, je relève que le guide a raison même si le mot « pique-niquer » n’est sans doute pas le plus approprié, et décide de suivre le mouvement (le simple sandwich est dans le sac !). Dispositif de sécurité passé, billet tamponné, mes yeux suivent les paniers… Où peut bien être cette étendue verte ? Nulle part ! Car c’est à leurs places que tous ces gens dînent ! Sur des bancs en bois, les assiettes sur les genoux pour certains ; sur des tablettes amovibles fixées aux rebords de boxes classiques de salle de concert pour d’autres : que des serveurs débarquent avec des assiettes joliment garnies ou que les mélomanes – généralement par groupes de 4 : deux sont donc temporairement dos à la scène – apportent leur propre repas incluant le grand cru, le spectacle est saisissant et un brin surréaliste ! On se croirait dans un immense restaurant à ciel ouvert, à ceci près que le très réputé Orchestre Philarmonique de Los Angeles sert de toile de fond.
Le gong approche, ça continue de siroter son verre de vin, de piocher dans son assiette, de parler de la pluie et du beau temps (de circonstance avec le programme musical de la soirée) ; les lumières s’éteignent progressivement, les bouchées se terminent, les paniers se ferment, les tablettes sont retirées, les dos-à-la-scène retournent leur chaise, le violoniste Joshua Bell entre en scène – Applause -, dit évidemment que le Hollywood Bowl est le plus bel espace de ce type au monde, délivre quelques informations sur la pièce du soir et se met en place. L’orchestre est prêt, la salle retient sa respiration, je m’attends à entendre les premières notes du Printemps… Mais ce sont celles de l’hymne américain qui arrivent à mes oreilles ! En une seconde, d’un seul homme, la foule se lève, et, la main sur le cœur, se met à chanter l’hymne national accompagné, aux cordes, par le-dit orchestre ! Stupéfaction ! Ahurissement ! Comme pour le pique-nique, je suis le mouvement et me lève… pour prendre une photo ! Tout le monde est debout, tout le monde entonne les paroles en chœur. Tout le monde. Le devoir accompli, le concert peut alors commencer. Médusée, il me faut plusieurs minutes pour réaliser ce qui vient de se produire, un laps de temps pendant lequel je me projette sur un siège de l’Opéra Garnier ou de la Salle Pleyel à Paris et imagine l’orchestre du jour se lancer dans une interprétation très solennelle de La Marseillaise avant de débuter le programme officiel. L’image se brouille presque instantanément, j’entends – virtuellement – des gens siffler, crier au scandale, je vois – toujours virtuellement – déjà les gros titres dans la presse : une telle chose me semble tout bonnement impensable et impossible en France, hormis pour une finale de coupe du monde de football ! Mais pourquoi donc ?
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