Pourquoi faut-il toujours sourire quand on nous prend en photo, et spécialement sur les photos de famille ? La photo de famille… Il semble toujours y avoir deux catégories de personnes : celles qui acceptent volontiers d’être sur ces photos et qui arborent un sourire franc et naturel, et puis, celles pour qui ces moments font partie des simulacres de la vie et qui ne peuvent offrir qu’un sourire pincé au bout du troisième « Madeleine, s’il te plaît, fais un effort ! »… Ce qui est remarquable, avec les photos de famille, et c’est le deuxième effet clic-clac, est que l’on a toujours l’impression, en les regardant quelques années après, que la famille était heureuse et très unie. L’espace de quelques dixièmes de secondes, et la magie s’opère : toutes les tensions qui peuvent exister sont gommées du fait de la seule présence de cet appendice de bras. Est-ce à dire que la photo de famille est potentiellement un mensonge transmis de génération en génération ?
Quoi qu’il en soit, cette dame-là, japonaise, prise en photo par son mari, ne feignait pas son sourire, qui ne traduisait qu’une chose : j’y étais ! Ce qui, parfois, semble ne pas être la conséquence logique de l’existence même de la photographie. Il faut être « sur » la photo. Au pied de la Tour Eiffel, le bras tendu ; à la base de la pyramide de Gyzeh, le bras tendu ; devant la cage des gorilles au zoo, le bras tendu… Quel est le rôle de la photo dans ce cadre ? Une anti-sèche pour les vieux jours, une preuve pour les autres d’être bien allé là où on a prétendu être ?
Je m’égare… Cette dame, comme des milliers de ses compatriotes, était venue exceptionnellement gonfler les rangs de Longchamp pour une course tout aussi exceptionnelle. Un Grand Prix d’Amérique où concourait un cheval japonais, Deep Impact, ce qui, vraisemblablement était chose rare. A tel point que 200 journalistes japonais avaient fait le déplacement… Une ferveur sans précédent, diront les habitués. Drapeaux nippons flottant au vent, tension extrême dans les gradins quand arrive la course, cris incessants quand le cheval s’élance puis mène. Combien de photos ont été prises à cet instant ? Un jour de fierté nationale pour cette dame, et pour tous les autres, malgré la défaite. Deep Impact avait fini 3eme. Une grande déception pour ceux qui le voyaient déjà sur la première marche du podium. Une seconde est tombée quelques jours plus tard quand Deep Impact a été déchu de sa 3eme place pour cause de contrôle anti-dopage positif. La claque ! Le déshonneur ! Qu’est-ce qui reviendra en premier à l’esprit de cette dame lorsqu’elle compulsera son album dans quelques années ? La formidable journée que cela a été ou le sentiment d’avoir été trompée par un équipage qui, fasciné par lui-même et l’attention qu’on lui portait soudainement, a voulu offrir à ses fans exactement ce qu’ils attendaient, en faisant fi des règles élémentaires de l’éthique(-ation) ?
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