Vous est-il déjà arrivé d’oublier que vous aviez tel livre ou tel DVD (oui, je suis has been… même cette expression est has been d’ailleurs) ou telle perceuse ou tel appareil à raclette (combien d’entre vous ont salivé en s’imaginant en manger une prochainement ?) ou telle valise (je suis plutôt sac à dos) à rapporter à Bidule que vous voyez justement ce soir alors que vous y avez pensé pendant toute la journée (un peu comme les anniversaires que vous zappez le jour J quand bien même ils ont occupé votre esprit la veille) ? Cela m’arrivait tout le temps jusqu’à ce que je n’instaure une règle anti-oubli quasi infaillible : mettre ledit objet en plein milieu du couloir, de la pièce, du sas, de l’entrée, enfin, de ce point particulier où, dans des conditions normales de vie, tous les pas convergent inévitablement avant de pouvoir s’extraire de chez soi. Evidemment, quand j’ai échafaudé ce plan machiavélique contre l’oubli, j’ai totalement oublié que je pouvais également oublier que j’avais mis tel objet à cet endroit précis (très gênant en général) pour ne pas oublier que je ne devais pas oublier de l’emporter. Agacée par ce qui pourrait s’apparenter à un capharnaüm embryonnaire, il m’est en effet plusieurs fois arrivé de le récupérer pour le ranger. Et donc de l’oublier…
Si je voulais être schématique, je dirais, sans que cela soit totalement grossier pour autant, que les différentes routes que j’ai empruntées jusqu’à présent – scientifique, journalistique, sociologique, artistique, « voyagique » – n’avaient (et n’ont) qu’un seul objectif : me permettre de comprendre un peu mieux – et sous différents prismes donc – le monde dans lequel nous vivons. Depuis la soupe primordiale à la naissance d’une émotion forte en passant par les raisons qui poussent telle ou telle personne à agir de telle ou telle sorte. Bien sûr, je ne comprends pas tout. Je devrais même dire qu’il y a beaucoup de choses qui m’échappent. Malheureusement. Et heureusement aussi, car cette incompréhension face à certaines choses de la vie, loin de me rendre fataliste, m’invite à chercher encore plus, à rester éveillée et alerte, prête à cueillir des réponses, même infimes, même instables, le tout, sans perdre de vue l’optimisme que je m’impose, bien écorché ces derniers temps il faut l’admettre.
J’aime la science-fiction. J’aime les films de science-fiction, et peut-être encore plus ceux d’anticipation. Et au sein de cette catégorie, les dystopies. Ces films nous plongent dans le chaos dès leurs premières minutes d’existence, mettent en scène des mondes totalitaires et sclérosés dans lesquels toute personne sensée ne voudrait pas mettre ne serait-ce que le petit orteil gauche. Figure récurrente de ces films dont il fait régulièrement l’introduction, un montage vidéo de fausses images d’archives montrant, comment, progressivement, la situation – économique, sociale, politique, écologique dans tel pays, sur tel continent, dans le monde entier même si ça ne se dit pas – a irréversiblement dégénéré, devenant totalement hors de contrôle au bout d’un moment. Un magma d’images énervées, de déchaînement de haine, de montée des inégalités…, devant expliquer, si ce n’est justifier, a posteriori, – car au présent, on ne voit pas ou on ne veut pas voir, on ne connecte pas les faits les uns avec les autres ou si, mais sans y croire -, l’origine du chaos liminaire présenté, dès lors, comme un état de fait. Et bien, malgré mon optimisme que je prends soin de cultiver au quotidien, j’ai de plus en plus la douloureuse sensation que la réalité a rejoint la fiction – qui n’est d’ailleurs qu’une réalité parmi d’autres – et que nous pourrions, dès aujourd’hui et sur la base de vraies images d’archives glanées ça et là dans le monde, produire de tels montages annonciateurs… Et là, je ne peux m’empêcher de me poser cette question : quand allons-nous atteindre le « bout d’un moment » ? et quel en sera l’événement déclencheur ?
Je serais presque en train de virer pessimiste… Mais je réalise dans le même temps que j’en ai oublié une, de route. Qui, en fait, est la matrice de toutes les autres. Même de cette réflexion. C’est bête dit comme ça, mais c’est celle de l’amour. De la vie, des autres. Alors je vais m’y accrocher car il ne peut en être autrement. Et j’enverrais bien quelques livres ou DVD quand même…
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