Au début, je n’y ai pas cru… C’est un peu comme lorsque vous regardez dans une direction mais que vous percevez malgré tout un mouvement dans votre champ visuel élargi. Ou alors une partie d’1, 2, 3 soleil ! Rien ne bouge, ou presque, lorsque vous vous retournez après avoir claironné la ritournelle, et pourtant, quand vous réitérez la chose peu après, deux ou trois manchots se sont rapprochés de vous. Et ainsi de suite jusqu’à ce qu’ils vous donnent une bonne tape dans le dos en jabotant bruyamment ! La première fois que j’ai posé mon regard sur cette plate-forme, attirée par ses quatre immenses poteaux verticaux, elle était à l’horizon. Une erreur d’interprétation a suivi : j’ai pensé à une plate-forme pétrolière et me suis étonnée d’en voir une à cet endroit, dans cette Mer du Nord et si près de la côte surtout. Mais pourquoi pas…
Après quelques minutes à contempler ce dernier terrain vague, j’ai à nouveau regardé dans sa direction. Ce qui m’a laissée un brin dubitative car la plate-forme n’était manifestement plus à l’endroit où mon souvenir l’avait fixée. Sans pour autant être réellement ailleurs… Elle était juste légèrement plus grosse, le symptôme d’un objet se rapprochant dans le même axe. J’ai rapidement conclu à une illusion d’optique, ayant spontanément décrété qu’une plate-forme pétrolière ne bougeait pas. Tous ces câbles que l’on imagine sous la surface de l’eau, plantés dans la terre nourricière, forcément, ça ne se déconnecte pas comme ça… Mes yeux s’en sont donc retournés à leur vague terrain se dotant de belles couleurs vespérales. Jusqu’à ce que je ne puisse plus me mentir à moi-même : la barge avançait vraiment. Elle rentrait même au port, empruntant sagement le chenal comme un banal bateau après une journée de pêche…
Bien longtemps après (ce soir en fait), mon petit doigt m’a appris qu’il ne s’agissait pas de puiser un quelconque or noir avec ce vaisseau vert et blanc, mais d’installer un parc éolien offshore à quelques encablures des côtes. Neptune, c’est son petit nom, est ce que l’on appelle, dans le milieu (pas le mien), un navire jack-up DP2, DP pour Dynamic Position (ça, cela signifie qu’il bouge !). Mes poteaux, dans ce même jargon, sont des « pieux », et figurez-vous que la plate-forme peut coulisser le long de leurs 90 mètres de hauteur. Pourquoi faire, cela reste à creuser… Je sais, je sais, vous êtes épatés par tant de découvertes en une fois ! Personnellement, je ne pensais pas conclure ce duo ainsi, mais les idées empruntent parfois des chemins inattendus. Evidemment, comme vous, j’aurai tout oublié demain au réveil. C’est le risque avec les informations trop déconnectées de notre quotidien…