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“Sur une branche, perchée avec…”, un rendez-vous quotidien avec un membre de l’échomunauté… Tout de suite, Bartlomiej Woznica.
Quelle est la place de la photographie dans ta vie ? La photo, pour moi, c’est d’abord le silence. Celui du moment où on la prend. Celui aussi du moment où on la reçoit. Un silence rare. Un moment suspendu, hors du monde. Mais paradoxalement la photo c’est aussi une tension, un mouvement vers ce monde. C’est dans une ville étrangère où je venais de m’installer pour y rester quelques années que je l’ai ressenti pour la première fois avec force. Il m’était difficile d’y trouver véritablement une place et l’appareil que j’avais emprunté est devenu pour moi un véritable déclencheur, ou mieux, une clé. C’était, offert, le moyen pour moi de nouer un dialogue avec ce qui m’entourait et me paraissait pourtant, à certaines heures, si lointain. Des textures d’abord sont venues, des lignes, des formes, et bientôt des corps, des visages. Et peu à peu, comme un cadeau, la ville s’est ouverte à moi et j’ai pu l’habiter. La photo, c’est donc aussi, comme sur ton arbre, une manière de mêler son chant à celui d’autres oiseaux avec qui nous partageons la même branche, une manière de dire la lumière qui nous baigne et que l’on voit, parfois.
Quelle est l’histoire de cette photo (si loin si proche, G6-101) ? Depuis quelques mois fleurissaient sur les murs de ma ville des visages, des silhouettes. Pas ceux que l’on voit habituellement placardés en 4 par 3. Des visages d’anonymes n’ayant rien à nous vendre que leur simple présence et qui donnaient ainsi une vie secrète à des espaces d’ordinaire invisibles. Un matin d’octobre, il faisait un peu froid, j’ai parcouru les rues pour essayer d’entendre comme je le pouvais ce que, tout bas, ils racontaient.
Quelle association d’idée t’a poussé à choisir cette photo ? La mélancolie d’un soir, et la même, le matin suivant. Et le souvenir soudain d’une partie de la voix qu’on entend dire dans La jetée de Chris Marker : « Le temps s’enroule à nouveau, l’instant repasse. Cette fois, il est près d’elle, il lui parle. Elle l’accueille sans étonnement. Ils sont sans souvenirs, sans projets. Leur temps se construit simplement autour d’eux, avec pour seuls repères le goût du moment qu’ils vivent, et les signes sur les murs. Plus tard, ils sont dans un jardin. Il se souvient qu’il existait des jardins. (…) Ils marchent. (…) Puis une autre vague du Temps le soulève. (…) Maintenant, elle dort au soleil. (…) Est-ce le même jour ? Il ne sait plus. Ils vont faire comme cela une infinité de promenades semblables, où se creusera entre eux une confiance muette, une confiance à l’état pur. Sans souvenirs, sans projets. (…) Elle accepte comme un phénomène naturel les passages de ce visiteur qui apparaît et disparaît, qui existe, parle, rit avec elle, se tait, l’écoute et s’en va. »
Julien Peigney sera le prochain à se poser sur la branche.