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– Redresse-toi un peu, je ne te vois pas bien !
La jeune femme s’exécute et se met sur la pointe des pieds. C’est mieux. Elle prend aussi la liberté de poser sa main sur le visage de l’homme. Pierre. Il s’appelle Pierre. Avec les autres, ils attendent l’interurbain. Cela fait longtemps qu’ils attendent. 33 ans précisément. Juste le temps de se fossiliser. Et de se murer dans un silence de plomb. Non, d’aluminium.
Au début, les automobilistes les regardaient lorsqu’ils arrivaient au feu. Aujourd’hui, ce ne sont plus les sculptures qu’ils observent, mais les innombrables touristes qui ne peuvent s’empêcher de se mettre en scène avec ces personnages à la docilité légendaire. C’est une étrange manie d’ailleurs qu’a l’homo touristicus de s’infiltrer ainsi dans l’art urbain. Car, si, généralement, il se contente d’une immortalisation numérique devant ladite sculpture (« j’y étais »), il semblerait que dès lors que celle-ci soit une représentation de ses congénères (des êtres humains donc), il ressente le besoin irrépressible de se joindre à eux. De s’intégrer à la communauté. De les imiter. Quoiqu’ils fassent. Au risque de paraître ridicule. Mais, comme on le dit pour se rassurer, le ridicule ne tue pas… En voilà un autre ! Au pied de La Foule illuminée qui, le bienheureux ne le sait sûrement pas, représente la dégradation et la fragilité de l’espèce humaine…