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Dans la vie, en vertu de ce principe réducteur et volontairement absurde selon lequel nous sommes des êtres dénués de complexité, il y a trois catégories de personnes : celles qui s’organisent a priori et celles qui s’organisent a posteriori. Vous avez entièrement raison, ces dernières ne s’organisent pas. Elles se laissent porter par le hasard ou le destin, selon qu’elles croient en l’un ou en l’autre, se décident le jour même sur un coup de tête, une envie fulgurante ou une chance à saisir, et pensent ainsi être entièrement libres. Celles-là sont incapables – et elles en sont fières – de vous dire ce qu’elles feront demain ou après-demain, et ne vous confirmeront parfois leur venue à un éventuel rendez-vous qu’à la dernière minute, après s’être bien assurées qu’il n’y aurait vraiment rien de plus intéressant au même moment. Parti pris qu’elles assument totalement mais qui peut-être très vexant pour ceux qui les attendent.
Vous avez à nouveau raison, il manque une catégorie dans mon énoncé. J’y reviendrai rapidement, mais pour l’heure, marquons une courte pause sur le premier groupe de personnes : celles qui s’organisent a priori. Là aussi, ce n’est pas aussi simple, car il y a « a priori » et « a priori ». Et si certaines se contentent de planifier à 10 jours, d’autres ont déjà une vision semestrielle voire annuelle de leur agenda, tout en se sentant aussi libres que les premiers, voire plus dans certaines circonstances. Parmi elles, il y a également des obsédés de la planification objectivement effrayants quand ils ne sont pas en mesure de penser en dehors du cadre qu’ils ont prédéfini.
Et puis, il y a ce troisième groupe donc, qui, je l’avoue, me fascine complètement d’autant que ses membres ne sont pas si rares : il s’agit de ces personnes refusant catégoriquement de se projeter dans le futur et de s’organiser trop en amont – pour un concert, une pièce de théâtre, un voyage pour citer des exemples plus agréables qu’un rendez-vous chez le dentiste – sous le prétexte extrêmement étrange qu’elles ne savent pas ce qu’elles feront à cette époque alors même qu’elles admettent être libres, le tout en regrettant, a posteriori, de ne pas s’être organisées plus tôt pour assister à ce concert, à cette pièce, ou faire ce voyage car au moment où elles acceptent enfin de les envisager, c’est complet ou bien trop cher… C’est là que mes connexions neuronales peinent lamentablement… Car, quelle est cette force invisible qui les empêche de décréter qu’elles assisteront justement à ce concert ou à cette pièce ou bien mettrons en place ce voyage ? Quelle est cette force invisible qui réussit à les persuader que prévoir, c’est s’enfermer ; qu’anticiper, c’est se mettre soi-même au cachot ; que préméditer, c’est mal alors qu’au fond, elles veulent aller à ce concert, voir cette pièce, visiter ce pays ?
Ceci étant dit, quelle que soit la catégorie dans laquelle on évolue, le plus important est de savoir dans quelle temporalité vivent les personnes avec lesquelles on souhaite passer du temps, pour pouvoir effectivement en passer. Si les anti-organisations se croiseront à une soirée prévue par une tierce personne après s’être mutuellement proposés de la passer ensemble ; les pro-organisations se verront dans 7 semaines dans un lieu et à une heure arrêtés 3 semaines plus tôt tandis que les anti-à-regret se décideront toujours trop tard et ne réussiront pas à se voir. Pour les métissages amicaux enfin, il faudra faire des compromis et preuve de patience…