La ville est un corps. Aussi, lorsque, lassée des clignotements artificiellement séducteurs des néons des façades impeccables exhibant fièrement leur bien portance, j’ai bifurqué dans cette venelle sombre, peu reluisante, exposant à l’air moite sa machinerie alambiquée et d’ordinaire invisible, j’ai eu l’étrange sensation d’avoir trouvé le chemin vers les entrailles de cette fascinante Hong Kong et de la goûter, de l’intérieur.
Les abords des gares sont des livres ouverts : ils débordent de messages et de témoignages en tous genres, plus ou moins pérennes, dont certains appellent de réels développements. A l’instar de celui-ci, « Bienvenue o’ zoo ! », que le passager très attentif peut découvrir en s’approchant de la Gare Saint-Lazare à Paris. D’emblée, ce statut public édité sur ce mur lui-même public – encore faut-il être ami avec le transilien ou le train pour le voir – fait sourire et même glousser. On en lèverait presque le pouce ! Sauf que l’assertion pose plusieurs questions auxquelles l’auteur, désirant manifestement être concis et efficace, en plus d’être déjà un fervent défenseur de la réforme de l’orthographe, ne répond pas. Car de quel zoo s’agit-il au juste ? Et qu’a-t-il voulu dire exactement ?
De fait, la première fois que je l’ai lue, cette équation très simple s’est affichée sur mon prompteur interne : zoo = sauvage. C’était déjà le fruit d’une interprétation voire d’une pico-analyse : Paris est une ville agressive, les parisiens ne sont pas les citadins les plus hospitaliers, Paris et ses habitants sont des sauvages et il faut être bien armé pour y survivre. Sauf qu’il n’y a pas que des animaux sauvages dans les zoos… En revanche, il n’y a que des animaux. Est-ce donc cela que l’auteur a voulu partager ? Que les parisiens sont tous des animaux ? Biologiquement parlant, l’homme est en effet un animal presque comme les autres. Mais alors, son message ne serait pas spécifiquement destiné aux parisiens, et peut-être existe-t-il d’autres « Bienvenue o’ zoo ! » aux portes d’autres villes, petites ou grandes, en France ou ailleurs. Peut-être existe-t-il même un avion à moteur traînant derrière lui un drapeau de 10 mètres sur 6 avec ce slogan et enchaînant, sans interruption, les tours du monde, pour nous rappeler qui nous sommes et prévenir d’éventuels visiteurs de ce qui les attend s’ils posent le pied à terre et sur Terre ?
Il y a une troisième piste de réflexion : toutes les espèces animales vivant dans un zoo sont enfermées, dans des cages, des boites, des abris, des forteresses, des ménageries, des habitacles, des espaces, grillagés, vitrés, murés, plus ou moins grands, plus moins que plus d’ailleurs. Alors, s’agirait-il d’une forme aiguë d’empathie immobilière face à la taille – ridicule – des appartements parisiens et de la quantité réduite d’espaces verts dans lesquels ces habitants peuvent s’ébattre et se débattre ? Ou ne serait-ce pas plutôt une métaphore, avec cette idée que nous sommes tous enfermés et que nous vivons un simulacre de liberté ? Physiquement – à passer d’une case à l’autre : métro, boulot, dodo – et psychiquement – notre incapacité, volontaire ou pas, à nous extraire de nos schémas de pensée, des rails qui nous mènent d’un point A à un point B chaque matin, de nos modes de vie, de nos habitudes, ce qui, peu à peu, réduit notre champ de vision et nous fait voir l’altérité comme un danger potentiel.
Reste que pour ces trois hypothèses, je suis partie du principe que le train allait dans le sens Banlieue – Paris. Or, il serait un peu trop hâtif de rejeter celle selon laquelle ce message s’adresse en fait à ceux qui quittent la capitale, la banlieue devenant alors ce zoo tant annoncé, et Paris cette ville qui la scrute comme une bête curieuse…
Les plus attentifs d’entre vous noteront une ressemblance manifeste et symbolique avec la photo publiée hier dans Faites vos jeux ! Une ambiance verte, des marches, un piège et une vague théorie sur la gestion du risque que je pourrais également développer ici, mais de façon plus poétique. C’est totalement fortuit. Du moins, cette juxtaposition. Le sujet l’est sûrement un peu moins puisque, dans les deux cas, je suis l’auteur de la photo. Devrais-je pour autant en déduire que mon inconscient cherche à communiquer avec moi par l’intermédiaire de mon appareil photo ? Laissons ce sujet majeur de côté pour l’instant car j’ai prévu autre chose pour ce soir. Oui, ce soir, c’est le grand déballage ! Photographique, rassurez-vous… Même si, comme nous venons de le voir, une photo n’est jamais simplement une photo…
Pas de déménagement cette fois-ci, ni de stand de bric-à-brac à installer dans un quelconque vide-grenier, mais un grand besoin de faire le vide. Ce qui revient un peu au même. C’est bientôt le printemps, la saison officielle du nettoyage, ça tombe bien ! Naïvement, je me dis que prendre un nouveau départ s’accompagne forcément d’une remise à zéro des compteurs. Idéalement, je me débarrasserais bien des piles de vieux magazines qui traînent à gauche et à droite (mais je ne les ai pas encore triés), ou je rangerais bien mon bureau (mais je n’y retrouverais plus rien), ou j’apporterais bien ce sac de vêtements végétant dans un coin depuis plusieurs mois à l’association du coin (un autre : que de coins, je suis d’accord !). Arrêtons de fantasmer : je vais me contenter de faire le vide dans mes dossiers. Sur mon ordi. C’est une grande satisfaction que de réussir à le faire. Malheureusement, supprimer 1 ou 1000 fichiers de votre ordinateur ne change absolument rien à l’état de votre appartement ! Ou les désavantages du virtuel…
Ceci n’est pas tout à fait correct. Je ne vais pas les supprimer, je vais vous les montrer. Pour mieux m’en débarrasser et faire d’autres choix donc, puisque j’ai décidé d’écrire à nouveau sous/sur ces images. Ces images que je traîne dans le dossier des photos potentielles de la semaine, dans lequel je pioche parfois, et que je transvase dans un nouveau dossier si je ne l’ai pas diffusée. Je vous les livre d’un coup, d’abord pour la raison évoquée juste au dessus, et aussi parce que, comme pour les piles de vieux magazines, je suis fatiguée de les voir chaque semaine dans ce fameux dossier. Si elles pouvaient prendre la poussière, on ne les verrait déjà plus. Donc, les voilà, dans leur désordre naturel, sans autre lien les unes avec les autres que ceux que vous pourrez imaginer en les découvrant.
En pratique, toutes les photos figurant sur ce site sont en vente. N'hésitez pas à me contacter pour plus de renseignements !
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