Photo-graphies et un peu plus…

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C’est étonnant comme certains mots venant innocemment à l’esprit se révèlent être en fait des pistes de réflexion. J’ai de fait envie de remercier les énergies passagères pour celui-ci, rebours. Tout est parti d’aujourd’hui. Lundi 4 mai. Je me dis, soulagée mais pas vraiment pour tout vous dire : « ouf, plus qu’une semaine avant la libération ! ». Je pense au décollage d’une fusée, ignition 7, 6, 5, 4… mais j’ai déjà usé de la métaphore spatiale et au même titre que je n’aime pas faire demi-tour en empruntant le même chemin, je préfère éviter les redondances stylistiques (j’en fais quand même). Ce qui me conduit à sa signification, le « compte à rebours » – il y en aura eu beaucoup ces dernières semaines bien que nous ne soyons allés nulle part –, dont je supprime rapidement le premier mot, pour me contenter d’« A rebours »… Cela fait instantanément écho au livre éponyme de JK Huysmans, que, il me semble, je n’ai pas lu, ou en tout cas pas entièrement, mais qui m’est néanmoins familier car ma mère, une grande lectrice, m’en a parlé à plusieurs reprises. Ainsi, poussée par la curiosité, je lance quelques requêtes pour rafraichir ma mémoire…

Jean des Esseintes, l’anti-héros du roman de Huysmans publié en 1884 – je vais finir par croire en une symbolique du nombre 84 – était-il un confiné volontaire avant l’heure ? « Esprit désabusé de la fin du XIXe siècle » (1), dégoûté de l’humanité après une vie bien remplie et décadente, il se retire en effet dans une maison à Fontenay, où il vit seul avec ses livres, ses peintures, ses parfums, son jardin, ses voyages imaginaires en quête d’une sorte de perfection intérieure, qu’a priori, il n’atteindra pas puisqu’il devra finalement retourner à la capitale pour soigner ses névroses, sa solitude et son ennui : « Dans deux jours, je serai à Paris ; allons, […], tout est bien fini ; comme un raz de marée, les vagues de la médiocrité humaine montent jusqu’au ciel et elles vont engloutir le refuge dont j’ouvre, malgré moi, les digues ».

Ah ah, suis-je en train de fantasmer le même voyage avec ce projet de migration annoncée ? Non, car la misanthropie n’est pas mon moteur, bien au contraire. Je n’ai pas encore évoqué Henry David Thoreau dans mes textes de confinement, qui, je l’ai récemment appris avec une certaine surprise, se rendait à Concord, la ville où habitaient ses parents et ses amis, tous les jours ou quasi quand il vivait dans sa fameuse cabane, celle de « Walden ou la vie dans les bois », mais je pense à lui et m’inscris plus dans sa démarche.

Donc, dans une semaine, a priori, car tout peut encore changer si les chiffres ne sont pas bons, si les indicateurs ne passent pas au vert, digues et frontières seront ouvertes en France. Nous pourrons étendre notre territoire (mais pas trop quand même), retourner au travail (mais pas tout le monde), reprendre le métro (mais pas aller à la plage), sortir sans attestation (mais ce sera quand même contrôlé), remettre les enfants à l’école (mais pas tous non plus)… D’ailleurs, je me demande sincèrement ce qui restera de cette curieuse période, loin d’être finie, dans leur mémoire. Qu’en ont-ils compris, comment l’ont-ils vécue, quelle traces laissera-t-elle sur leur parcours ?

Et comment vont-ils vivre leur éventuel retour à l’école la semaine prochaine et dans quelles conditions ? Ah, sur ce point, je me permets de partager une partie du mail qu’une amie a récemment reçu de l’école primaire de son fils : « Au-delà de la sécurité, une journée « d’école » le 12 mai ne ressemblera en aucun cas à l’école d’avant le confinement.  Ce sera avant tout une journée d’accueil des élèves qui sont prioritaires. Elle sera contraignante pour les enfants, les familles, les personnels et les enseignants vues les règles sanitaires à respecter. En classe, les enfants seront assis seuls, en rangs (sans se faire face) à une table attribuée à laquelle ils resteront toute la journée à distance des autres enfants et de l’enseignant. L’enseignant ne pourra pas aider les enfants à moins d’un mètre de distance pour répondre aux difficultés scolaires ni corriger les cahiers avec les enfants.
Tout contact sera proscrit (le contact qui rassure, sécurise, protège et soigne).
Les enfants seront confrontés à des rappels constants aux règles sanitaires de la part des adultes voire à des sanctions s’ils ne respectent pas les gestes barrières et les distances de sécurité en « récréation » comme en classe.
Il faudra faire comprendre aux enfants que tout ce qu’ils font habituellement est potentiellement dangereux : prêter un crayon à son camarade, jouer ensemble, aider son ami qui est tombé, chuchoter à l’oreille, donner la main à un camarade de classe pour se mettre en rang …
Les enfants n’auront pas non plus accès au matériel collectif de la classe : livres, jeux mathématiques ou de la classe, ballons, petit matériel de manipulation d’apprentissage, matériel de sport. Les jeux collectifs et de contact seront interdits, les passages aux toilettes règlementés, de même que le lavage des mains répété à de nombreuses reprises tout au long de la journée. Les parents devront expliquer et préparer psychologiquement toutes les contraintes et faire répéter les gestes barrières essentiels ».

Clairement, l’après ne ressemblera pas à l’avant. Et je suis bien contente de ne pas avoir à retourner à l’école la semaine prochaine ! La simple lecture de ce message me déclenche presque une crise d’angoisse, alors même que je ne suis plus une enfant et que je n’en ai pas ! Qui seront donc les parents indignes qui y abandonneront leurs enfants dans ces conditions de terreur, d’anxiété et de culpabilisation que tous les pédo-psychiatres disent nécessaires d’éviter en cette période déjà bien chargée émotionnellement ? Nouvelles règles de conduite qui semblent, par ailleurs et « heureusement », totalement inapplicables par les institutrices/teurs et autres personnes impliquées, et dont la seule justification semble être de dissuader tout retour à l’école avant septembre…

La situation est d’une complexité inédite, ce message n’est qu’un exemple parmi d’autres de ce que nous recevons individuellement ou collectivement ces jours-ci concernant la suite des événements car des priorités incompatibles se télescopent – relancer l’économie rapidement et assurer la sécurité des citoyens –, ce qui se traduit par un magma de recommandations contradictoires et/ou irréalistes – 10 mètres de distance entre deux joggeurs ou deux cyclistes ; 1 mètre d’intervalle entre passagers dans le métro ; 15 élèves autorisés par classe mais pas de rassemblement de plus de 10 personnes… – faisant dire à certains que nos politiques ne vivent décidément pas sur la même planète que nous. Alors que l’hypothèse de l’existence d’une vie extraterrestre est formulée depuis l’Antiquité par Epicure ou encore Lucrèce, que les astronomes et exobiologistes sondent l’espace en quête de preuves depuis quelques décennies grâce à des outils technologiques de plus en plus puissants, je prends cela pour une nouvelle historique ! Comme souvent, nous ne regardions pas où il faut ! Reste que j’aurais sans doute préféré un contact avec une civilisation plus avancée…

 (1) https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-auteurs/joris-karl-huysmans-24-huysmans-trouble-fete

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Il fait nuit tôt à Wellington. 17h46 aujourd’hui. Quelques étoiles nageaient dans le ciel immense avant même que le soleil ne disparaisse totalement. Mais Vénus était la première reine de la nuit à faire sa sortie. Oui, je sais, c’est une planète… En France, vous pouvez aussi la voir en ce moment. Je trouve ça magique – bien sûr, ça ne l’est pas – qu’en étant si loin les uns des autres, nous puissions tout de même voir briller Vénus en même temps, ou presque ! Tout d’un coup, c’est comme si l’univers se recroquevillait sur lui-même pour nous rapprocher encore plus.

Le soir, à Wellington, on voit donc les étoiles dans le ciel. Beaucoup. J’ai même cru voir l’ombre de la voie lactée tout à l’heure, en rentrant de notre promenade, encore plus tardive qu’hier. Cela nous a permis de découvrir, d’en haut, la ville dans son costume de nuit. Il était temps ! Je ne sais s’il en est toujours ainsi ici, ou si c’est une conséquence heureuse de la baisse de pollution de l’air. Mais pouvoir voir les étoiles depuis une ville ne devrait pas être un privilège…

Sinon, le départ se prépare, lentement mais sûrement. Evidemment, c’est un peu ce qui occupe nos esprits en ce moment. Des choses très terre à terre – c’est donc d’autant plus important de pouvoir voir les étoiles le soir. Ranger, nettoyer, prévoir la suite. Par exemple, on nous suggère vivement de nous procurer des masques. Nous espérons en trouver demain dans une pharmacie où, a priori, ils en avaient encore la semaine passée. Et sinon, nous choisirons l’un des tutos transmis ces derniers jours pour transformer nos chaussettes ou foulard en masque de fortune !

Ce matin, en cherchant des précisions sur le déroulement de notre vol sur le groupe FB des Français en NZ – une vraie mine d’informations, plus complète que les canaux officiels ces dernières semaines –, j’ai appris que notre avion devrait s’arrêter à Perth (Australie) puis Doha (Qatar) pour deux escales techniques et de changement d’équipe. Escales pendant lesquelles nous ne pourrons pas sortir. D’un côté, c’est rassurant : personne d’autre ne montera dans cet espace ultra confiné où nous ne savons pas encore si nous serons les uns sur les autres, ou espacés d’un siège. Partir de Nouvelle Zélande, où la circulation du virus a donc été limitée, se révèle être un avantage dans ces circonstances : a priori, probabilité faible que quelqu’un soit contaminé… De l’autre, cela signifie aussi que nous nous apprêtons à passer 28h dans un avion. A ce stade, je ne compte même plus le vol intérieur du matin pour rejoindre Christchurch. Cela risque d’être un peu long… C’est sûr, les hublots, ça ne s’ouvre pas ?

Et puis, nous avons aussi décidé de rentrer chez nous. Et non d’aller finir le confinement en un lieu moins urbanisé comme nous l’avions envisagé pendant 36h. J’irai simplement coller des photos de paysages sur les immeubles ou les trottoirs pour avoir l’impression d’être un peu plus entourée de nature. Mais mon imprimante est cassée. Des dessins alors ? Une solution, je trouverai !

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La tête dans les étoiles

Inutile de tourner le bouton de votre téléviseur, d’une part, cela fait belle lurette que vous utilisez une télécommande, d’autre part, cela ne changera rien à l’affaire ! La neige a décidé de prendre ses quartiers sur votre écran : elle a beau fondre, elle est tenace. Et puis, grâce à elle, indirectement, j’ai enfin pu faire un peu d’astrophotographie en plein jour et en pleine ville, ce qui, vous vous en doutez, est une double gageure… Evidemment, les corps célestes protéiformes que j’ai réussi à capter avec mon modeste objectif ne manqueront pas d’intriguer les spécialistes à qui j’enverrai ces images dès le poitron-jacquet. Ils crieront cependant rapidement au scandale voire à la supercherie, ruinant ma réputation avant même que je ne m’en fasse une, en découvrant qu’il ne s’agit là ni plus ni moins que d’agrégats de cristaux de glace ! Mais peu importe, en suivant du regard tous ces flocons jetés de façon totalement anarchique par des garnisons de micro-gouttelettes en surfusion ayant perdu la connexion avec le service qualité chargé de vérifier qu’ils sont au bon calibre, c’est bien une pluie d’étoiles filantes que j’ai eu l’impression d’admirer !

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La guirlande humaine vous souhaite un joyeux Noël

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Depuis la nuit des temps

Cela fait bien longtemps que je souhaite vous parler d’elle, et, par ricochet, du temps. De lui, en réalité, j’en parle tout le temps… « Depuis la nuit des temps » donc – environ 492 000 occurrences en 0,38 seconde dans un moteur de recherche dont l’ambition est de vous prouver qu’il peut répondre à toutes vos questions en un rien de temps, et même moins que ça – fait partie de ces expressions légèrement sur-évaluées à mes yeux et un brin démagogues. Elle est sublime, indéniablement poétique en plus de nous transporter dans les « confins des sphères étoilées » chers à Baudelaire, mais enfin, la nuit des temps, concrètement, c’est quand ?

Je vous taquine… J’ai bien conscience que ces quelques mots font écho à un événement, une action, un comportement qui se reproduit et perdure depuis très très longtemps, si longtemps en fait, que nous avons l’impression qu’il ou elle existe depuis toujours. C’est-à-dire, quoi, 14 milliards d’années ? Une vision bien réductrice de l’univers qui laisse entendre qu’il n’y avait rien avant le Big Bang, ce qui relève du même anthropocentrisme que de penser que nous sommes seuls dans cet incommensurable univers, même si, dans les deux cas, nous n’en savons fichtrement rien. Par ailleurs, cette impression de permanence induit aussi que le temps a lui-même toujours existé… alors même que les théories de la relativité restreinte puis générale ont conduit Albert Einstein – dont, petite parenthèse, le cerveau a été prélevé, subtilisé et caché des années durant par le Dr Thomas Harvey, le médecin légiste qui avait procédé à son autopsie, post-mortem je précise, et qui croyait y trouver les stigmates de son incroyable intelligence – à déclarer que le temps n’existait pas en tant que tel, c’est-à-dire indépendamment de l’espace. D’où la consécration du nouveau couple espace-temps. Je vous rassure immédiatement, cela ne remet absolument pas en question la réalité des rendez-vous que vous avez pris pour demain matin, ni celle, moins glorieuse, de vos retards récurrents.

Le plus déconcertant reste d’être obsédé – et je pèse mes mots : la perception du temps qui passe peut être une obsession, même si c’est inexact d’en parler en ces termes, car le temps lui-même a toujours la même durée, c’est simplement la façon dont nous utilisons cette durée qui évolue et crée cette impression de temps qui s’accélère – par « quelque chose », une entité impalpable, invisible, inodore, silencieuse qui n’existe pas « en vrai ». Mais encore faudrait-il ensuite s’assurer de ce qu’est le vrai. Difficile d’en sortir indemne…

Revenons donc à nos moutons. Ceux que l’on compte le soir dans l’espoir de s’endormir plus rapidement. Cette méthode a d’ailleurs un petit quelque chose de suranné en 2015, puisque, comme partout sur cette Terre, les populations ont opéré une profonde translation des campagnes vers les villes, où, comme chacun sait, nous avons plus de probabilité de croiser les moutons débités dans des barquettes sous film plastique que bêlant dans des champs qui ne sont plus qu’un vaste souvenir. Imaginez un peu le cauchemar : une côte, deux côtes, trois côtes… Pas très convaincant pour trouver le sommeil ! Et finalement, cette expression renvoie elle-même à des temps lointains, moins urbains, où compter les moutons avait un sens… Mais faisons fi des bouleversements planétaires et autres redistributions humaines… Que nous ne soyons plus entourés de moutons n’a pas de réelle importance, c’est une image. Ce qui lui suffit amplement à générer l’effet escompté. La preuve ? Depuis, la nuit détend.

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La nuit est claire

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L'attrape-étoile

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L'arbre à lumière

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