Il est des cimetières que l’on n’oublie pas. Celui de Bonifacio, arpenté pour la première fois il y a quasiment 20 ans et instantanément adopté, en fait partie. Grâce à son emplacement : posé sur un plateau à la pointe sud de la ville, il surplombe majestueusement la bleue Méditerranée dansant à ses pieds. Grâce à ses tombeaux mitoyens également : d’un blanc pur et joyeux qui font de ce cimetière marin un espace harmonieux gorgé de lumière où la tragédie de la mort semble presque accessoire. A l’issue de notre seconde rencontre, j’ajouterai désormais : grâce à ses sombres ombres. Qui, par l’entremise remarquée du soleil, viennent sublimement habiller et habiter ses bas fonds, et ainsi rendre l’invisible visible : une croix manque…
Les pages santé des guides de voyage sont l’équivalent des notices des boîtes de médicaments recensant, et c’est tout à leur honneur (en plus d’être obligatoire), tous les effets secondaires possibles et imaginables susceptibles de survenir en les prenant, alors même qu’ils sont sensés nous guérir, parfois de maux bien moins graves que les affections qu’ils pourraient générer. De telle sorte que, parfois, nous préférons ne pas les prendre plutôt que de risquer, même si cela ne se produit qu' »exceptionnellement » car rien n’indique en effet que la banalité de notre corps ne puisse être l’hôte d’un « cas exceptionnel », un arrêt cardiaque ou des pensées suicidaires…
En lisant ces pages santé, nous nous imaginons donc, avant même d’avoir décollé, déjà atteint d’une combinaison autant cataclysmique qu’improbable de maladies auxquelles nous attribuons une dangerosité proportionnelle à l’exotisme et l' »imprononçabilité » de leur nom : choléra, encéphalite japonaise, fièvre typhoïde, maladie de Chagas, filariose lymphatique, onchocercose, leishmaniose, schistosomiase, trypanosomiase, rickettsiose, bilharziose…
Nous nous rassurons alors en nous promettant de nous badigeonner de répulsif anti-Anophele Funestus dès la tombée du jour, de n’accepter aucune boisson qui n’aurait été ouverte devant nos yeux, de ne caresser aucun animal que nous aurions vu se gratter, ou encore de ne pas mettre le pied dans les eaux stagnantes, voire même dans des rivières pourtant animées comme celle-ci, signalée comme vectrice potentielle d’une bilharziose inattendue ici par des affiches A4 aux couleurs passées plantées dans les arbres alentour, histoire de décourager les visiteurs fantasmant déjà sur un bain revigorant dans ses piscines naturelles au charme irrésistible, en quelque sorte, les Aglaophème, Thelxiépie, Pisinoé et Ligie auxquelles a pu résister Ulysse lors de son odyssée, non pas grâce à une pancarte flottant telle une bouteille à la mer, mais aux avertissements de Circé, la version mythologique des pages santé des guides touristiques…
Dans quelles proportions les souvenirs se déforment-ils avec le temps ? Lorsque, exemple parmi d’autres, entré dans le monde adulte, nous retournons en des lieux visités ou habités ou aimés enfants, nous nous faisons souvent cette réflexion commune et quasi universelle : « c’était plus grand dans mon souvenir… ». Une simple phrase ou une phrase simple qui illustre la relativité des impressions, comme si elles étaient proportionnelles à notre taille, nous plonge dans les abîmes d’un monde à jamais envolé (au moins de façon temporelle), et nous force à douter de la réalité de tous ces autres souvenirs qui viennent, parfois, faire scintiller notre mémoire comme des lucioles éclairent la nuit.
Ainsi, en arrivant sur cette plage corse en fin de journée, face à cette mer calme habillée d’un camaïeu de bleu et à cette masse rocheuse à l’horizon, que la distance au rivage rend petite alors qu’elle est, contrairement aux souvenirs d’enfants, bien plus grande en vrai, ai-je décrêté que c’était celle vers laquelle nous nous étions élancés, avec quatre amis, un peu inconsciemment – jeunes quoi ! – quasiment 20 ans auparavant. Le soleil avait sans doute un peu trop chauffé nos têtes, pourtant raisonnablement bien cortiquées, pour que, non seulement, nous fomentions ce plan d’aller nager en pleine mer vers un îlot sans grand intérêt à quelques centaines de mètres du bord, mais surtout que nous ne nous arrêtions pas à l’idée de le faire. Car si l’atteindre semblait être l’objectif premier de ce défi que nous nous étions lancé à nous-mêmes, en revenir en était un autre que nous lancions à nos corps plus habitués aux allers-retours en piscine avec pause au pire tous les 50 mètres qu’à un long trajet sans répit possible dans des eaux dont nous ne voyions pas le fond…
Finalement, tout s’était bien passé, nous avions croisé quelques plaisanciers étonnés en chemin, nous demandant si nous avions besoin d’aide, nous avions fait plusieurs fois la planche pour nous reposer, nous nous étions agrippés tant bien que mal à une roche coupante ne se laissant pas aborder avant de refaire le chemin en sens inverse, et de débarquer sur la plage de sable blond, tels des explorateurs, pour nous allonger et faire une sieste bien méritée. Ou peut-être pas. Comme ce rocher, là, au fond, en est sans doute un autre. Mais qu’importe au final. Il sera désormais celui de nos exploits de jeunesse.
C’est un peu comme avec les blockbusters américains qui égrènent, les uns après les autres, tous les clichés des films de ce genre – au hasard, le pouvoir de l’amour, le mythe de la seconde chance, le sacrifice d’un couple de personnes âgées, la renaissance après les épreuves, la bravoure, le patriotisme, le dépassement de soi, la bannière étoilée sous toutes les coutures… – , comme si un assistant avait sa liste pré-établie et veillait à ce que toutes les lignes soient rayées à l’issue du tournage : parfois, c’est amusant d’en faire des tonnes ! Comme ici, avec ces nuages, un peu plus discrets dans le monde réel….
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Pour (re)découvrir en un clin d’œil et sur une seule page les micro-histoires photographiques publiées en ces lieux virtuels :
- entre le 22/02/2010 et le 22/02/2011, voici Un tour du Soleil en duos…
Grande nouvelle : le premier cœur artificiel totalement implantable pourrait être disponible dès 2013, c’est-à-dire demain dans l’espace-temps de la médecine ! Un espoir, sûrement, pour les 17 millions de personnes qui meurent chaque année d’insuffisance cardiaque. Et l’aboutissement d’une carrière dédiée à notre pompe interne pour Alain Carpentier, qui, pour ce projet, s’est allié […]