tags: banc, citation, confinement, coronavirus, covid-19, gandalf, le seigneur des anneaux, nouvelle zélande, pandémie, virus, wellington
L’autre jour, en faisant la queue pour entrer au New World, à Wellington donc (j’ai presque déjà l’impression que c’était dans une vie antérieure), connectée au wifi ouvert du centre ville, j’ai découvert cette citation d’Osho Rajneesh sur la page FB « Psychologie Jungienne » à laquelle je ne suis pas abonnée mais dont certains de mes contacts relaient par moment les posts composés par je ne sais qui d’ailleurs : « Un rebelle est celui qui ne réagit pas contre la société. Il observe et comprend tout le manège et il décide simplement de ne pas en faire partie. Il n’est pas contre la société, il est plutôt indifférent à ce qui s’y passe. C’est la beauté de la rébellion : la liberté. Le révolutionnaire n’est pas libre. Il est constamment en train de se battre, de lutter avec quelque chose. Comment pourrait-il donc être libre ? ».
D’abord, vérifier ses sources. Les citations apocryphes sont légions et je ne sais exactement ce qu’il en est de celle-ci. Par exemple, Galilée n’aurait jamais dit : « Et pourtant, elle tourne ! », Malraux n’a jamais annoncé que « le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas », Marie-Antoinette ne s’est jamais exclamée « Qu’ils mangent de la brioche ! », ni Schopenhaeur que « la femme est un animal à cheveux longs et idées courtes »… Figurez-vous qu’Andy Warhol n’aurait même jamais prononcé sa phrase pourtant la plus célèbre : « Dans le futur, chacun aura droit à 15 minutes de célébrité mondiale ». C’est terrible, non, d’être célébré pour une phrase dont on n’est même pas l’auteur. Pire, Sherlock Holmes ne s’est jamais adressé à son ami par un « Elémentaire mon cher Watson ! »… Que dire également de Lavoisier à qui l’on prête, faussement donc puisque tel est l’objet de ce paragraphe, cette phrase que j’ai moi-même colportée sans savoir : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » ? Et une dernière, supposée de Darwin, mais non : « Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements » alors que selon un spécialiste de l’auteur de « L’origine des espèces », il privilégiait plutôt la chance – encore un drôle de concept que celle-ci, du même acabit que la question « le hasard existe-t-il ? » à laquelle elle est d’ailleurs intimement liée – et le fait de disposer déjà des « bonnes caractéristiques physiques pour les transmettre à la génération suivante ». C’est tout de même bien différent… C’est fou comme le temps et ceux qui l’habitent distordent les faits. C’est fou comme l’Histoire peut être subjective et relative quand on la pense naïvement objective et absolue.
Je reviens cependant à ma citation liminaire. La suite, s’intéresser un minimum à leur auteur – j’apprends donc que le sieur en question, dont le nom n’est pas exactement celui-là, a eu un parcours plutôt controversé… Me faut-il de fait séparer le penseur de l’homme ? Ce n’est pas drôle. Je me contenterai donc d’explorer le contenu. Je me suis arrêtée sur ce raisonnement pour au moins deux raisons. La première est totalement conjoncturelle, la seconde entièrement personnelle et/ou identitaire. Commençons par celle-ci. Je ne me définis pas comme étant une personne engagée. Et par engagée, j’entends politiquement et/ou socialement – je sais qu’il revêt une forme bien plus large que cela et que ma vie n’est pas dépourvue d’engagements. De fait, je n’ai commencé à voter que tardivement – parce que je pensais que le pouvoir pervertissait tous les idéaux… ce serait faux d’affirmer que je ne le crois plus, mais je vote, plus pour éviter ce que j’estime être le pire que parce que j’y vois une porte d’accès au meilleur. Dans le même esprit, j’ai rarement participé à des manifestations, quand bien même j’en partageais les revendications. Pour compenser ou comprendre, je ne sais pas vraiment mais cela n’a jamais été calculé, j’ai remarqué qu’au fil du temps, je m’étais naturellement entourée de personnes qui, à mes yeux, incarnaient cet engagement social et politique me faisant a priori défaut. Et je les admire sincèrement pour cela, pour leurs colères, leurs luttes, leurs exaspérations, leurs « tu te rends compte, on ne peut pas laisser faire ça ! », leurs indignations, leurs banderoles, chants, cris, danses et poings levés, pour toutes ces façons qu’elles ont de proclamer qu’elles ne sont pas d’accord avec ce que l’« on » veut leur faire avaler… J’écris « on » mais c’est « nous » en fait. Je les admire et je les trouve magnifiques, justes et légitimes dans leurs combats. Et ces derniers mois, voire ces dernières années, il me semble que les raisons de se rebeller – pas au sens d’Osho donc – contre l’ordre établi n’ont pas manqué. Elles se sont même multipliées. Mais pourquoi donc suis-je partie dans cette direction aujourd’hui ? Bref… Toujours est-il que ce pseudo ou faux détachement de ma part à l’égard d’une certaine manifestation de la réalité – disons, la plus concrète, celle qui agit le plus directement sur notre quotidien – m’a longtemps fait culpabiliser et m’interroger. J’ai finalement réussi à me défaire de ce sentiment – ce qui n’est pas une mince affaire – car je comprends aujourd’hui à quel point chacun est sur son chemin. Que ce chemin-là n’est pas le mien. Et que le mien est parfait. Parfait ne veut pas dire qu’il est sans défaut et sans reproche, qu’il ne pourrait rien y avoir de meilleur. Non, il est parfait parce que c’est le mien.
Je ne sais pas encore tout à fait ce que je construis – j’espère transmettre et partager du beau, des étincelles dans les yeux, des sourires sur les lèvres, ma passion en toutes choses, de la joie, mais aussi de la légèreté, peut-être un peu d’espoir et de lumière quand certains ne voient plus que des ombres, ou encore des pistes de réflexion, l’envie d’y croire ou de voir les choses autrement ; plus que tout, un amour de la vie et des autres… Ce serait déjà beaucoup. Mais je sais que je ne m’oppose pas à la société. La société est ce qu’elle est. Elle aussi est sur son chemin, à une échelle macroscopique. Ce n’est pas simple d’écrire cette phrase en ayant conscience de tout ce qui est bancal et inacceptable sur cette planète. Enfin, ce n’est pas « sur cette planète » car on pourrait croire qu’elle est fautive alors qu’elle est simplement l’hôte de nos ignominies.
Je me reconnais donc dans cette propension à observer de loin, à essayer de comprendre ce qui motive telle ou telle action, à décider de la laisser vivre sa vie sans m’en offusquer, et à continuer à chercher le beau, le pur, l’harmonie sans me laisser polluer par un certain visage de la réalité. Car, comme je l’écrivais précédemment, elle n’est pas unique. Elles sont des milliards à coexister. Aucune réalité n’est objective même s’il nous est essentiel de nous entendre sur certains éléments pour communiquer et nous comprendre. Et j’ai la candeur de croire que chacun a le pouvoir de décider, non sans effort certes, voire douleur, la réalité dans laquelle il souhaite évoluer.
A l’heure où l’Après se prépare en théorie – car nous sommes toujours limités dans nos mouvements et que la concrétisation de nos velléités de changement se heurtent, pour l’heure, à la réalité du confinement –, ma priorité ne sera donc pas, lorsque les portes seront rouvertes, de me battre contre le régime en place. Ce ne sera pas de l’indifférence pour autant, bien au contraire. De mon strict point de vue, qui n’est en aucun cas un jugement, j’aurais le sentiment de m’épuiser en vain à lutter contre un système dépassé et du passé. Et donc de grignoter inutilement une énergie positive que je préfère dédier à des actions sur lesquelles j’ai la main et comme je l’écrivais précédemment également, dont la réussite ne dépend pas de tiers aux règles illogiques, incohérentes, contradictoires, injustes mais presque que de moi, ou plutôt d’un groupe, même petit au début, de personnes partageant les mêmes valeurs, les mêmes envies, les mêmes idéaux, les mêmes rêves, et cheminant vers eux en (se faisant) confiance… Nous avons les moyens d’écrire le futur que nous souhaitons. Le croire, c’est déjà le faire exister. Alors, nous serons libres. Et peut-être même, des rebelles…