Il arrive assez régulièrement que l’on me dise que je me pose d’étranges questions. Je suis quasi sûre que celle-ci en ferait partie. En cherchant le sommeil, ce qui est assez récurrent après une soirée partagée avec mes pixels préférés, il y a toujours un moment où je me demande ce qui se produit dans mon corps pour qu’à l’instant t, je sois encore réveillée, consciente du monde qui m’entoure et qu’à l’instant t+1, je dorme, perdue dans un ailleurs auquel je n’ai pas toujours accès. C’est comme si, chaque soir, après avoir tenté le coup du décompte des moutons dans le ciel ou des cailloux sur la digue, j’étais frappée d’amnésie. Bien sûr, le fait de se poser ce genre de question alors même que j’aspire au vide et au silence n’est pas indiqué. Et en même temps, cela me semble totalement inévitable puisque justement, j’aimerais comprendre ce qui se passe tout en attendant impatiemment que Morphée fasse une halte par ma chambre et m’emporte quelques heures, dont le nombre diminue à vue d’œil. Miracle, malgré les interrogations quotidiennes, le blackout finit toujours par arriver, sans prévenir ! Mais d’où peut-il bien venir ?
Rue des petits hôtels. Un couple de touristes chinois, l’air perdu. Une feuille à la main. Probablement un plan du quartier. Jette un regard désespéré, donc plein d’espérance, dans ma direction. Egarés, ils sont, en effet. Ils cherchent un hôtel. « Au 89. » Au 89 de quelle rue ? « Au 89. » Point. Comme si le 89 était une adresse en soi. Comme le 55 (L’Elysée) ou le 38 (Quai des Orfèvres) voire le 104 (rue d’Aubervilliers, dans un autre genre, plus culturel). D’ailleurs, il insiste. « Mais on a trouvé le 89. »
Quelques explications s’imposent pour que la suite de leur séjour ne se transforme pas en chasse aux trésors géante. En anglais (ils viennent de Shangaï) : il peut y avoir des numéros 89 dans toutes les rues – premier haussement de sourcils – ; le plus important, pour se retrouver, est le nom de la rue – deuxième haussement de sourcils – ; ensuite, vous cherchez le numéro – petite lueur dans le regard, mais furtive. Ce qui nous semble totalement évident – la récurrence du numéro : comment faire plus simple ? – ne l’est pas dès lors que d’autres frontières viennent à nous, et inversement, quand nous nous extrayons de nos périmètres habituels. Leur désarroi m’a instantanément renvoyée à celui que j’ai pu ressentir, il y a quelques mois, à Kyoto, en plein cœur d’un enchevêtrement de petites rues, sans nom ni numéro. « A partir de là, il faut demander son chemin… » lâchent-ils, nonchalamment, dans les guides.
Demander son chemin, demander son chemin… Cette lapalissade requiert que l’une des deux hypothèses suivantes soit vérifiée : la première, que le visiteur parle japonais ou soit au moins en mesure de bafouiller quelques mots, ou, à l’inverse, que la personne interrogée parle une langue qui soit commune aux deux parties. C’est définitivement l’option la plus simple. Le premier cas peut néanmoins conduire à une impasse, tant urbanistique que linguistique, car en faisant l’effort de poser une question dans la langue locale, le questionné peut lui-même faire l’hypothèse que vous la connaissez et donc vous répondre comme il le ferait à un voisin. C’est-à-dire, sans prendre les précautions qui s’imposent lorsque l’on s’adresse à un étranger non polyglotte – débit plus lent, mots plus simples… Là, deux options sont à nouveau possibles : acquiescer et faire comme si vous compreniez tout – faire semblant donc, au risque de partir dans la direction opposée à celle indiquée une fois les explications terminées – ou interrompre la personne dans ses explications ultra-détaillées – à la boutique de chaussures, prendre à droite jusqu’au restaurant de nouilles, puis tourner à gauche à la maison au toit vert avant de reprendre à gauche au poteau électrique sur lequel est fixé un panneau : attention enfants ! – pour lui faire comprendre que vous n’y entendez strictement rien, au risque d’être à l’origine d’un fâcheux incident culturel – cela se fait-il d’interrompre quelqu’un là-bas ? (inutile de vous dire que cela ne se fait ici non plus…) Dans de telles circonstances, on se demande surtout comment font les facteurs ! En quoi l’absence de repères peut-elle être plus claire que leur présence ? Et pourquoi ce choix d’anonymiser les rues ? Un résidu de tradition ancestrale où tout le monde se connaissait, une façon de savoir qui arrivait dans le quartier, une philosophie altruiste, un manque d’imagination face au maillage de la ville ? A San Rafaël, dans la Baie de San Francisco, ils ont aussi sacrifié l’exercice consistant à baptiser les rues, mais d’une autre manière : en les appelant par des chiffres, 1st street, 2nd street, 3rd street – jusque là, rien d’étonnant aux Etats-Unis – et, pour les rues perpendiculaires, par des lettres – A, B, C, D… donc. De telle sorte que vous avez l’impression d’être sur un plateau de bataille navale quand vous vous y promenez. « Rendez-vous à l’angle A6-B5 ! » « Touché coulé ! … Oups, pardon ! Réflexe hexagonal ! »… Bref, avec un peu de temps, à Kyoto, San Rafaël ou Paris, on finit toujours par trouver ce que l’on cherche… 89 ou pas…
Ce qui me conduit presque naturellement au off des photos ci-dessus, faites aujourd’hui, spécialement pour l’occasion de ce duo. Force est de constater que le numéro 89 n’est pas si systématique que cela à Paris… Loin de là ! Sur un trajet d’1h30, pédestre et à vélo, ma moisson n’a pas été plus épaisse que ce qui figure là-haut. Et ce, pour diverses raisons… Je ne parle pas du bus de touristes coincé à un carrefour étroit et bloquant la circulation sur des dizaines et des dizaines de mètres, ou de la gigantesque manifestation condamnant des quartiers entiers et qui a fait regretter à tous les motorisés de l’être… Il y a certes de longues rues dans la capitale mais nombreuses, parmi elles, changent de nom à chaque passage de carrefour. Il y a aussi beaucoup de rues relativement courtes finalement. Il y a des rues qui s’arrêtent au 83, si près du but… D’autres où le 89 existe bien mais est occupé par une boutique de vêtements, une boulangerie, une banque, en somme, un commerce qui n’a pas jugé bon de laisser le numéro visible… J’ai même vu, juste avant de poser pieds à terre et après un détour non négligeable par une rue que j’estimais sûre, un saut de numéro : la plaque du 87 était bien fixée à l’immeuble qu’elle incarnait et cela passait directement au 91 ! Aucune trace du 89 ! Je me suis retournée, cherchant le petit lutin chargé de contrecarrer mes plans photographiques du moment, mais je n’ai rien vu. Il devait déjà être en train de garer son Vélib à la dernière place de « ma » station… Pour que je tourne encore un peu !
« Après les avoir tant attendus – le soleil et son corolaire, la chaleur -, et à peine une semaine après les avoir enfin eus, nous en sommes tous là ! A vouloir mettre les pieds dans l’eau pour faire un tant soi peu diminuer la température de notre corps absorbant… Peu importe le costume ou le tailleur, la chaleur bannit les réserves sociales ! Pour ceux qui n’ont pas la mer à portée de pieds, les villes regorgent de canaux, bassins et de fontaines publics, pris d’assaut dès les premières heures de la journée ! En dépit de toute règle élémentaire d’hygiène, on s’y jette, on s’y noie, on y boit la tasse, on s’y asperge dans une allégresse quasi juvénile, avant de s’allonger sur une serviette de plage comme si on y était… De doux moments de légèreté pour compenser la lourdeur atmosphérique ! »
Ceci est une expérience de vérification de la reproductibilité d’un phénomène singulier. Ce duo aura peut-être d’ailleurs un air de déjà-vu pour les plus attentifs. Et ils auront raison. Je l’ai publié le 26 juin dernier. Et la raison qui me pousse à le remettre au goût du jour est purement statistique. Toute personne créant un site ou diffusant des informations sur un réseau quelconque attend forcément une manifestation concrète de ses invisibles visiteurs. Jeter ses mots, ses vidéos, ses images ou toute autre chose en pâture dans cette jungle tentaculaire où l’on peut aisément se perdre si l’on ne s’y aventure pas avec un but précis, trouve, à mon sens, sa justification dans cet espoir, un peu fou et un brin mégalomaniaque, que quelqu’un les attrape au vol, s’y accroche et réagisse. Des commentaires dans le meilleur des cas, des petits pouces levés ou des « plus » actionnés parfois, rien souvent. Ce qui n’est pas totalement déstabilisant. Car le transmetteur a un mouchard. Des tableaux lui délivrant des quantités de chiffres qu’il ne comprend pas toujours. Et ce n’est pas grave non plus car celui qui l’intéresse est bien mis en avant : le nombre de visiteurs par période choisie. En l’occurrence, www.loucamino.com peut se féliciter d’un nombre croissant de visiteurs quotidiens. Un chiffre passé de 22 personnes en février dernier à 120 aujourd’hui (dont mon plus grand fan peut-être, le géantissime robot de Mountain View…). Donc merci à vous, chers zieuteurs, les vrais ! Lire ces statistiques revient cependant un peu à interpréter l’électrocardiogramme d’un patient au pouls souvent régulier, mais souffrant d’une légère arythmie, faisant ainsi apparaître, de temps à autres, des pics très élevés. Indépendamment du fait que cela biaise les statistiques, ces artefacts posent surtout des questions : pourquoi cette affluence en août où la Terre tourne plutôt au ralenti ? Et quel est ce duo qui a suscité une telle convergence des internautes vers lui ? 510 visiteurs en une seule journée (le record, à battre, de ce présent site). Je pense aux rares duos où le mot sexe est apparu, notamment à L’un des sens de la libellule où, au final, le mot n’est même pas utilisé. En fait, ce record a été atteint le 26 juin dernier, avec, vous vous en doutez probablement maintenant, le duo ressuscité ci-dessus (j’ai remis les mêmes mots clés aussi, une recherche sur la juxtaposition des deux mots en « f » ayant pu aussi, en pleine chaleur estivale, conduire à ce post…). Ce qui suscite une nouvelle interrogation. Pourquoi celui-ci plutôt qu’un autre ? D’où cette réédition, afin de vérifier si ce chiffre est vraiment lié à ce duo. Je serais d’ailleurs reconnaissante à ses adorateurs de m’expliquer en quoi elle se démarque tant des autres. Evidemment, si tel n’est pas le cas, cela fera naître une autre question : comment s’explique l’inexpliquable ?
Ceci est un homme fumant une pipe. Et même mieux, c’est un agent de nettoyage de la Ville de Paris s’offrant une petite pause pour tirer sur sa pipe. Dans le Marais. Même des années après l’avoir prise, cette photo me fait sourire. D’abord du fait de la concordance des couleurs entre sa tenue (et […]
Share on FacebookJe suis en train de filer un mauvais coton : j’écris ces textes la nuit venue et me retrouve à me coucher tard, ou tôt, c’est selon. Et ce n’est pas bon pour mon équilibre physique, a fortiori mental puisque tout est lié (j’y reviendrai). Cela me rappelle les années où j’alimentais quotidiennement mon site de […]
Share on FacebookJ’ai rédigé deux nouveaux articles dans le dernier numéro de « U » magazine… Le premier, en réduction ci-dessus, est une chronique, graphique comme vous pouvez le constater, sur « Le porteur d’histoire », une pièce de théâtre d’Alexis Michalik… Il vous suffit de cliquer là pour la découvrir en taille lisible ! Voilà comment une formation sur le […]
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