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Au même titre que la décrépitude architecturale a un effet revitalisant sur moi, allant jusqu’à me rendre presque euphorique, tomber, par hasard, sur une casse par 62°27′ Nord, autrement dit, proche du bout du bout du monde, m’a mise particulièrement en émoi. En revanche, ce n’était bien sûr pas par hasard que j’ai atteint ces latitudes polaires : j’étais en chasse… Il faut croire que je suis attirée par la déliquescence des choses, et en particulier, de ces lieux – maison, immeuble, train, voiture… – qui ont accueilli la vie pour un temps et qui l’ont vue se faufiler vers un ailleurs, plus clément ou pas. Même si j’ai bien conscience que ces autos, soumises à des températures extrêmes pendant leur période d’activité – températures qui ont probablement contribué à réduire leur espérance de vie – sont condamnées à rester là, à s’entasser les unes sur les autres, au fil des années, jusqu’à ce l’après-mort s’en suive – qui viendrait dépenser un copec pour les rapatrier vers la civilisation et au moins les démanteler ? – et que cette pollution métallique est un paradoxe dans un endroit où l’air est si pur, je ne peux m’empêcher de trouver ce paysage incroyablement beau et fascinant. Cela tient beaucoup à son immobilisme, à cet aspect figé qu’accentue la neige immaculée, mais aussi à la présence de spécimens ayant disparu de la circulation depuis plusieurs décades – ce qui corrobore l’hypothèse précédente -, à la précarité de l’équilibre de ces carcasses imposée unilatéralement par une main de fer géante férue de Puissance 4 dont les doigts puissants ont fait exploser les vitres ; et enfin à leur état, brisé, plié, déchiqueté, rouillé, stigmate d’un abandon total…