La première boite mystère croisée dans ce parc était seule, isolée, au pied d’un arbre. Je l’ai remarquée immédiatement, la trouvant étrange instantanément. Il y en avait deux autres un peu plus loin de part et d’autre d’un chemin de terre. C’est sûrement à ce moment là que j’ai commencé à m’interroger sur leur fonction, me demandant en premier lieu ce qu’elles pouvaient bien cacher. Des caisses en bois, grises, toutes, ou presque, de taille identique, sécurisées, souvent disposées de façon symétrique et en tout cas, très ordonnée… Ma lente progression dans le parc s’accompagnait, virage après virage, allées après allées, de nouvelles rencontres avec ces boites intrigantes disposées dans des configurations différentes à chaque fois. Il m’a fallu un temps fou rempli de mille questions pour arriver à la conclusion que ces caisses n’étaient pas si mystérieuses et qu’elles n’étaient là que pour protéger du froid hivernal glacial les classiques sculptures du jardin, fragiles même si au coeur de pierre… C’est incroyable comme certaines évidences peinent, parfois, à trouver leur chemin vers la conscience quand celle-ci n’y est pas préparé et cherche plutôt la complexité…
Lorsque vous faites la queue à la caisse d’un super/hyper/méga-marché, où que vous soyez dans le monde, on continue à essayer de vous vendre des choses… La queue, c’est du temps, le temps, c’est de l’argent. CQFD. Donc, selon l’endroit, on vous met des friandises, des livres, des bons d’achats, des médicaments, des cigarettes, des revues sous les yeux et surtout, à portée de main… Il suffit de la tendre et hop, c’est dans le caddy, ni vu ni connu… Des magazines donc que certains ouvrent le samedi matin pour lire leur horoscope de la semaine suivante avant de les reposer aussitôt sur le présentoir. Vous n’y trouverez jamais Le Monde Diplomatique, Polka Magazine ou le National Geographic. En revanche, pour les derniers potins, la file d’attente est the place to be.
Vous voilà donc au premier rang d’un one mag’ show improvisé et jouissif où le ridicule ne tue pas. A l’instar de ces deux couvertures se faisant face de part et d’autre de la queue-salle de spectacle. Vous regardez à droite : « oulala, ça va mal entre Brad et Angie ! Ah bon, elle l’a trompé avec des filles ? de toute manière, un couple comme ça, ça ne peut pas durer éternellement, il n’y a que les étoiles qui ont ce privilège et encore, certaines implosent, d’autres explosent et puis, l’éternité, c’est long à la fin » et là, subrepticement, un ricanement vous incite à regarder à gauche : « Brad et Angie se marient secrètement en France, tout va bien alors, et puis, ils sourient sur la photo, c’est dire s’ils sont heureux, mais, quand même, qu’est-ce que c’est que cette histoire, je croyais qu’ils se séparaient ! ils le disent là, juste de l’autre côté… »
Là, le spectateur en train de faire la queue – n’oublions pas que c’est pour cette unique raison qu’il se trouve entre ces deux allées de magazines – ne sait plus où donner de la tête – il balaye à gauche à droite comme s’il assistait à un Match de tennis -, il ne sait plus qui croire – est-ce vraiment important ? -, il est perdu et se réconforte en attrapant une petite barre chocolatée sur le côté… Tout devient alors très subjectif et dépendant de l’humeur du jour. C’est un peu comme le verre à moitié vide ou à moitié plein. Au final, il y a la même quantité de liquide, mais tout est toujours une question de Point de vue… « Si vous préférez la version romantique, tapez 1 ; si vous préférez la version trash, tapez 2 ; sinon, avancez d’un mètre, des caissières attendent ! » Bon, évidemment, là, la presse people, ses énormités et ses paradoxes, ça saute aux yeux, car tout et son contraire existent dans le même temps, rappelant que la vérité importe bien moins que le divertissement que l’imagination ou la surinterprétation peuvent faire naître chez le lecteur-voyeur.
Mais il suffirait de se plonger dans des magazines un peu plus sérieux et de recenser, par exemple, les articles sur une période de 3, 4 ans parlant de vin – alternativement bon et mauvais pour la santé -, de régimes – manger des fruits, arrêtez les fruits ! -, des téléphones portables – dangereux, mais non pas du tout… ! – pour réaliser que les contradictions ne sont pas l’apanage de la presse à 4 sous. La comparaison est excessive, mais le résultat est le même : comment se faire une opinion juste sur les choses de la vie quand tout fluctue en permanence pour des raisons obscures ? Moralité, ne jamais tourner la tête quand vous faites la queue à la caisse ! Cela conduit beaucoup trop loin !
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