Photo-graphies et un peu plus…

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Je suis ici mais je suis aussi là-bas. Les onglets de mon navigateur web relatifs au covid-19 en Nouvelle Zélande sont toujours ouverts. Il y a notamment la page dédiée au virus sur le site du Ministère de la Santé qui relaie essentiellement les statistiques du jour – cette crise mondiale nous montre d’ailleurs à quel point elles sont un instrument de manipulation politique alors même que les chiffres sont sensés traduire des faits indiscutables : 5 cas aujourd’hui, dont 4 liés à un cluster ; plus que 7 personnes à l’hôpital ; 1118 personnes guéries sur les 1461 touchées ; 115 015 tests réalisés… Cela me réjouit de lire ça.

Je crois que j’aurais aimé être sur place le jour – prochain a priori – où, pour la première fois, la case des nouveaux cas des dernières 24h affichera un zéro pointé. J’en aurais eu des frissons, car je l’aurais vécu comme une victoire collective, celle d’une population unie et disciplinée (sans le côté péjoratif associé parfois à cet adjectif) et d’un gouvernement rationnel et empathique, sur une menace invisible à l’œil nu mais potentiellement ravageuse. J’utilise le conditionnel passé – soit dit en passant, un temps qui permet d’évoquer un fait dans le futur, donc pas encore passé, qui aurait pu avoir lieu si le présent, donc ni le passé ni le futur, avait été différent – mais je pourrai évidemment suivre tout cela à distance et en différé de 10h. Simplement, j’aurai moins la sensation – et satisfaction – d’en faire partie. Ce n’est pas grand chose mais j’avais fini par embrasser les slogans efficaces du gouvernement, qui a articulé sa communication autour de messages simples et forts, à l’instar de son « Stay home. Save lives » diffusé partout dès le début du confinement il y a un mois. Un message facile à comprendre et touchant droit au cœur : à contrainte exceptionnelle, effet exceptionnel. Voilà qui s’affiche presque comme une illustration de la 3eloi de Newton, celle d’action / réaction. Quand, dans notre vie, avons-nous réellement l’occasion de sauver d’autres vies aussi facilement ? Il y a une part de naïveté dans cette approche – la réalité est toujours plus complexe –, j’en ai conscience. Et en même temps, si l’on fait le raisonnement inverse, on se rend aussi compte que de nombreux décès sont imputables au non respect de cette précaution simple et, mais c’est lié, à cette croyance aussi étonnante que commune que cela ne peut pas nous toucher, enfin, me toucher personnellement, et qu’a fortiori, je ne peux être vecteur de la mort… C’est incroyablement compliqué…

Sinon, je parcours encore les messages du groupe FB des Français en NZ, un peu par embryo-nostalgie et aussi pour suivre la situation sur place. Certains se sont virtuellement réunis pour demander un nouveau vol à l’Ambassade alors qu’elle a annoncé que celui du 21, que nous avons pris donc, était le dernier. D’autres parlent de vols retour initialement prévus début juin qui commencent à être annulés par les compagnies aériennes et reportés automatiquement à juillet. Certains se projettent même à septembre, même si, pour l’heure, il n’y a rien d’officiel et que ce sont toujours des rumeurs. Elles sont terribles les rumeurs. D’où émergent-elles, les rumeurs ? Toutes ces informations nous confortent encore plus dans notre décision que, même sans elles, nous n’aurions pas regrettée.

Je suis ici mais je suis aussi là-bas. Dans mon lit, la nuit, au lieu de compter les moutons – en vrai, je tombe comme une masse à 22h depuis notre retour –, je refais mentalement le chemin de notre appartement à « mon » arbre dans la forêt derrière, celui au cœur duquel j’allais, chaque jour, méditer et papoter un peu. Gauche, gauche, gauche, ça monte sec, gauche, attention au tronc, attention aux racines, était-elle cassée cette branche hier ?, la toile d’araignée a disparu, que j’aime ce sol meuble, le voilà, plus que quelques mètres, j’en ai le cœur noué, je m’approche, je le regarde de bas en haut s’évader vers l’infini du ciel, contact, connexion, vibration. Il semblerait qu’ainsi accrochée, j’aie effrayé et intrigué plus d’une personne passant par là. Est-ce vraiment si étrange que cela de communier avec un arbre (en silence, je précise) ? Surtout, dans un pays où les éléments sont si présents et nous appellent autant ? Je ne sais combien de temps je conserverai une vision aussi fine et fidèle de cet univers-là… Aussi, pour retarder l’oubli, je l’ai mis dans ma boite à lumière. Il me suffit donc de l’ouvrir pour le retrouver. Au moins, visuellement.

Je suis ici mais je suis aussi là-bas. Surtout lorsque, comme aujourd’hui, je reçois plusieurs messages m’informant de la diffusion d’un documentaire sur la Nouvelle Zélande ce soir à la télévision. Je suis touchée de l’intention et me dis que, peut-être, certains vont pouvoir découvrir un pays sur lequel ils ne se seraient pas penchés sans ce lien amical entre nous. Ceci dit, je ne sais pas si je le regarderai… Sans doute un jour, pas tout de suite. Le temps de vraiment atterrir et d’être entièrement ici…

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Non que nous soyons au bagne – bien au contraire –, mais des voix – réelles et minoritaires – nous suggèrent de penser, quand même, au retour. Or, le retour, c’est demain, et comme je l’écrivais hier, ma pensée s’arrête à aujourd’hui. Soit. Par acquis de conscience et aussi parce que j’ai bien intégré l’impermanence de la situation, vendredi, je suis donc allée surfer sur le site d’Air New Zealand. La compagnie, très bien au demeurant, qui a dû annuler par deux fois notre retour vers l’Hexagone, a transformé nos places en avoir valable 12 mois avant de remiser la plupart de ses avions au garage pour une durée indéterminée dépendant de la stratégie que le gouvernement néo-zélandais présentera publiquement le 20 avril, soit deux jours avant la fin supposée du confinement. Verdict : en avril, toujours aucun vol vers Paris ; en mai, il faut atteindre la dernière semaine pour en trouver une poignée, à des prix que nous préférerions éviter et/ou avec une/deux escale(s) dans des villes qui, pour l’heure, n’inspirent pas vraiment confiance. A l’instar de LAX, la ville où l’on se lâche, la Ville des Anges de Christa Wolf – je crâne un peu ici en faisant du placement de produit : c’est en effet l’une de mes photos qu’avait choisi Le Seuil pour la couverture de son ouvrage (1) –, Los Angeles donc. Ville fascinante, tentaculaire – même si c’est en partie contradictoire avec ce que je m’apprête à écrire –, déconcertante qui m’avait donné l’impression d’être un archipel d’îles – Santa Monica, Beverly Hills, Venice Beach, Bel Air, Little Tokyo, Downtown LA, Hollywood, Skid Row, Pacific Palissades, Montecito Heights et les autres – entourées par un océan de banlieue aux pavillons identiques obéissant à un plan hippodamien un brin soporifique pour l’adoratrice de rues biscornues que je suis.

Bref, LA, très peu pour nous, même si fin mai, c’est presque au bout du temps à l’échelle du calendrier actuel et que personne n’est en mesure de prédire dans quel état sera le monde. Mieux, espérons-le, même s’il est naïf de croire que ce sera le cas partout. Toujours est-il qu’après avoir inscrit nos critères dans un tableau croisé dynamique afin d’y voir plus clair et appuyé sur « Entrée », nous avons jeté notre dévolu sur un vol début juin passant par Singapour, l’un des pays à avoir le mieux géré la crise en s’y attaquant dès janvier. Bien entendu, personne, pas même la compagnie aérienne, ne s’aventurerait à affirmer que le vol aura bien lieu. Espérons que l’adage « Jamais deux sans trois » ne se vérifiera pas. Et si tel doit être le cas, et bien, nous trouverons une alternative. Le futur n’existant pas encore, inutile de se mettre martel en tête dès maintenant.

Je ne me mets pas d’œillères, je sais pertinemment qu’il nous faudra rentrer. Même si le choix de ce mot – « faudra » – trahit sans doute une légère frustration, a minima une forme d’indécision. Il faudrait – ah ah ! – que je puisse écrire que j’ai envie de rentrer. Mais je crois ne pas être capable de prononcer cette phrase pour le moment. C’est étrange d’ailleurs. Si je n’étais pas partie, je ne me poserais pas cette question. Ce qui n’est pas la lapalissade que l’on pourrait croire… Ce n’est pas que je ne veuille pas retrouver ma famille, mes amis, ma maison. Je ne suis simplement pas sûre de vouloir retrouver la France. Et c’est bien la première fois que je me fais cette réflexion.

De loin, avec tous les biais cognitifs que cela présuppose, en compulsant et croisant les informations véhiculées par les médias – plus connus pour leur tropisme fort pour les mauvaises nouvelles et les polémiques stériles, autant dire qu’ils sont au paradis –, celles attrapées via les réseaux sociaux – qui, dans la continuité de ce que j’évoquais précédemment sur la théorie des bulles (2), sont également biaisées car partant de moi et orientées par des algorithmes dont je ne maîtrise pas les motivations primaires et premières –, et enfin celles – les plus réconfortantes et les moins angoissées finalement, de mes proches –, difficile de se faire une idée juste. Mais c’est évidemment la dérive totalitaire, autoritaire et punitive mise en place par les instances dirigeantes à coups d’attestations, d’isodistances, de tracking, de contraventions, de peines de prison, de recommandations contradictoires, de mensonges déguisés, d’incohérences inassumées, d’infantilisation ridicule… qui me secoue et me fait douter de la France de demain… Même si la France ne se résume pas à un gouvernement, aux pouvoirs limités dans le temps, même si demain n’existe pas encore.

Sauf que si, sauf que chacun y pense tout de même, à l’après. D’un côté, les plus pessimistes – eux s’estiment sûrement réalistes – annoncent que, malheureusement, rien ne changera fondamentalement, que ce sera sûrement pire même, que la machine reprendra son rythme infernal, en premier lieu pour rattraper le temps perdu ces derniers mois – car le temps, c’est de l’argent ! De l’autre, les plus optimistes voient en cet événement mondial bouleversant l’opportunité inédite de basculer vers un monde plus juste, d’instaurer une nouvelle dynamique, de nouveaux espoirs, de repartir à zéro comme si l’on réinitialisait le système Terre-Homme – et imaginent déjà comment atteindre l’autonomie alimentaire, comment moins exploiter les ressources de la planète, comment transformer les avions en bateau… En vrai, nous ne savons pas, puisque demain n’est pas encore arrivé. Mais la vie n’étant ni noire ni blanche, il y a fort à parier que demain sera un mélange des deux. Ce qui, logiquement, signifie que les optimistes auront gagné…

(1) https://www.seuil.com/ouvrage/ville-des-anges-christa-wolf/9782021041019

(2) Pour en savoir plus, lire cet article… https://www.lemonde.fr/blog/fredericjoignot/2016/08/30/comment-les-algorithmes-nous-enferment-dans-une-bulle-intellectuelle/

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Suite à l’ascenseur émotionnel d’hier, bien géré cependant, et une arrivée nocturne mais réconfortante à Wellington, aujourd’hui dimanche, c’est relâche ! Après avoir bavardé avec quelques voyageurs plus ou moins anxieux à l’auberge, nous décidons de ne pas nous poser de questions – ce qui est plutôt une bonne chose et un vrai défi – et de laisser passer la journée tranquillement. D’autant que, de toute évidence, elle ne nous apportera pas plus de réponses. Pour l’heure, le seul fait d’être sur l’Ile du Nord, et en particulier à Wellington, la capitale, nous suffit et nous rassure (non que nous soyons inquiètes). Cela peut en effet être utile de n’être plus qu’à quelques minutes de marche de l’Ambassade, du Service d’immigration, des bureaux de compagnies aériennes, versus de vaines heures d’attente au téléphone, des dizaines de kilomètres et un Détroit à passer.

Voici donc les faits : nous sommes le 22 mars et en Nouvelle Zélande depuis le 10 janvier ; notre vol pour Paris via Singapour, initialement prévu le 30 mars après un premier changement, est annulé ; les alternatives n’existent quasiment plus – l’Australie accepte encore 2 jours les transits de moins de 8h dans sa zone internationale et ensuite, ferme tout – ; les cas augmentent en Nouvelle Zélande – 67 désormais ; il est recommandé aux Français en voyage de rentrer au pays – vos récits et les prévisions pour les prochains jours / semaines ne donnent pas vraiment envie d’insister et puis, techniquement, l’étau se resserre – mais à ceux qui le peuvent de rester ici – on parle d’interruption des vols jusqu’au 30 juin a minima. Tout cela sera encore d’actualité demain car, pour une fois depuis plusieurs jours, nous avons la sensation que le temps s’est arrêté et nous offre un peu de répit pour respirer. A moins que cela ne soit notre posture vis-à-vis des événements qui évolue…

Ceci dit, nous nous extrayons quand même de notre chambre dans l’après-midi pour tâter le pouls de la ville et récupérer la clé de l’appartement où, peut-être, nous devrons séjourner plus longtemps que prévu. Le soleil est au rendez-vous, nous avançons de façon presque insouciante. En février, lorsque nous avions découvert Wellington, les rues étaient très animées. Enfin, au moins jusqu’à 18h, heure à laquelle presque tous les commerces ferment en Nouvelle-Zélande. Voilà qui nous a décontenancées plus d’une fois d’ailleurs mais garantit, a priori, une vie extra-professionnelle plus riche et équilibrée. Aujourd’hui, les rues sont quasi désertes, tout comme les quais, nombre bars et restaurants sont fermés, les musées aussi… Le confinement n’a pourtant pas été proclamé. Seulement, les gens semblent avoir bien intégré le conseil simple donné par le gouvernement : « rester chez vous ». Nous nous disons, naïvement croyez-vous ?, que, même si le virus continue à se développer ici – ce qu’il fera assurément -, la gestion de la crise sera peut-être plus proche de ce qui a été mis en œuvre, avec succès, à Taïwan, Hong Kong ou en Corée du sud, que dans les pays latins…

En fin de journée, avant de regagner notre chambre à l’auberge de jeunesse, nous faisons une incursion dans la forêt toute proche de notre futur refuge. Histoire de prendre le vert et de humer les essences purificatrices des eucalyptus qui nous accompagnent discrètement depuis notre arrivée sur ces îles. Chaque chose en son temps. Demain arrivera bien assez vite !

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Hokitika ! Le nom de certains sites et villes néo-zélandaises résonne comme des gouttes de pluie sur un tambour… Je suis à Hokitika, petite ville de la côte ouest de l’île du sud quand le confinement débute en France. A admirer le coucher de soleil sur la Mer de Tasman. J’ai beau être sur une île, je n’en ai pas vu tant que cela depuis mon arrivée et cela me manquait.

Je dois admettre que celui-ci a une saveur particulière.  Impossible de ne pas penser à tous ceux – en particulier, famille et amis – qui, en quelques heures, ont perdu la possibilité de se déplacer librement. Je pense à eux, je pense à vous, en nous regardant, nous, de ce côté du monde, libres, face à l’immensité de la mer, observer, sans oser tourner la tête une seconde de peur d’en rater un bout, la descente inéluctable et imperturbable de l’astre du jour sur l’horizon. J’ai l’impression que, ce soir, nous le regardons différemment, ce petit cercle jaune. Avec une joie, un émerveillement, une gratitude décuplés, mais aussi une pointe de nostalgie, de mélancolie – beaucoup de ces silhouettes anonymes sont des voyageurs de passage. Avec cette conscience aiguë et peut-être nouvelle que tout peut basculer du jour au lendemain. Que tout a déjà basculé, ailleurs. Qu’ici, ce n’est peut-être qu’une question de temps. Ou pas. On ne sait pas. On  ne peut pas savoir. On ne peut pas pré-voir. Reste que, dans ce nouveau monde plein d’incertitudes, il est rassurant de savoir que, quoi qu’il se passe, le soleil se couche et se lève, même si on ne le voit pas toujours…

Sinon, la Nouvelle Zélande vient de fermer ses frontières à tous les étrangers.

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Les risques du métier

Applaudir, comme cela s’entend parfois quand l’avion dans lequel on se trouve pose les roues sur le tarmac après quelques heures à filer à haute altitude sans filet laisse planer un doute quant aux sombres pensées qui ont traversé les esprits des plus enthousiastes alors même que le vol s’est déroulé sans encombre… Car enfin, applaudit-on un chef qui ne nous cuisine pas un plat cramé, applaudit-on un commerçant qui ne se trompe pas en nous rendant la monnaie, applaudit-on un chauffeur de bus qui ne nous emmène pas à un autre terminus ? Non ! Alors, pourquoi applaudir un pilote d’avion qui ne fait « que » son métier – métier à très haute responsabilité j’entends bien et que je ne minimise évidemment pas ?

N’est-ce pas vexant voire insultant pour ses 12 000 heures de vol ? Car ces applaudissements-là n’ont rien à voir avec ceux que d’autres émettent à l’issue d’un film alors qu’aucun de ses créateurs n’est là pour les recevoir ; ils n’ont rien à voir non plus avec ceux que l’on offre à des artistes en fin de concert quand bien même ceux-ci sont bien présents, ni avec ceux émis pour encourager des sportifs ou encore pour saluer le passage d’une personne admirée… Les applaudissements d’atterrissage sont uniques en leur genre : ils semblent conjurer une peur inconsciente de la catastrophe ou de l’incompétence – ce qui, dans ce contexte, revient presque au même – et ainsi être le fruit spontané et donc un brin mécanique d’un profond soulagement…

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Assister à des conférences est un moyen parmi d’autres d’approfondir des sujets qui nous intéressent, d’en découvrir de nouveaux, de stimuler notre cerveau, d’occuper notre temps… Il arrive parfois que nous n’en retenions rien (phrase assez difficile à dire sans accroc à voix haute : cela fait 6 fois que j’essaye, en vain… mais je la conserve pour l’exercice de diction). Cela peut venir des orateurs pas vraiment passionnants ; du sujet un peu trop abscons ou au contraire, bien plus maîtrisé qu’on ne le croyait ; et bien évidemment de soi aussi : pas concentré, fatigué, absent. Il arrive aussi parfois que nous ne retenions qu’une unique information, une sorte de pépite qui efface instantanément toutes celles que nous avions précédemment mises de côté dans un coin de notre tête avant que celle-ci ne s’extrait de la bouche d’un des invités. Exemple ! Il y a une poignée de jours, je me suis installée au dernier rang de la salle pour entendre parler de l’art comme moyen d’aborder et de présenter différemment des défis sociaux, économiques, environnementaux… auxquels notre monde est confronté. Histoire de les rendre plus abordables et appréhendables – en com’, on dirait « plus sexy » -, de sensibiliser un public plus large dans l’espoir d’amorcer un changement de société. Vaste programme, vous dites-vous. Et vous avez bien raison. Mais il faut bien espérer, sinon, à quoi bon ?

Quoi qu’il en soit, à un moment, proche de la fin, j’en entends un dire : « nous avons 70 000 pensées par jour dont 65 000 sont les mêmes que la veille ». Bingo ! Bic armé, je note sur mon carnet, j’oublie tout le reste, je reste focalisée sur cette nouvelle donnée. Sur CES nouvelles données. « 70 000 ! », je répète, en mimant inconsciemment Doc lorsqu’il apprend que la Dolorean de Marty devra être propulsée à 88 miles à l’heure pour retourner dans le futur ! Les questions se bousculent déjà à l’entrée, brandissant chacune leur petit ticket numéroté pour ne pas se faire doubler par les voisines. Comment a-t-on réussi à compter les pensées ? Mais avant tout, qu’est-ce qu’une pensée ? Et le fait de se demander ce qu’est une pensée, est-ce une pensée par exemple ? Tout le monde est-il traversé par un nombre de pensées identique ? Ou plutôt un nombre identique de pensées ? Ce qui n’empêche pas de partager certaines pensées par ailleurs. Et comment sait-on que 93% des pensées d’un jour lambda sont les mêmes que celles que nous avons eues la veille ? Cela signifie-t-il que ceux qui les ont comptées connaissent également leur contenu ? Et que penser de ces 5 000 nouvelles pensées quotidiennes ? Qui sont-elles ? D’où viennent-elles ? Pourquoi n’y en a-t-il pas plus ? Est-il possible, non pas d’inverser la balance, mais d’équilibrer un peu tout cela ? Ou, sommes-nous à ce point condamnés à ressasser notre passé jour après jour ? D’autant plus que 70 à 80% de ces 70 000 pensées seraient négatives, résidu très encombrant de notre état d’homme primitif menacé par une foule de dangers qu’il a pourtant appris à maîtriser en évoluant. Revivre hier, s’inquiéter de demain chaque jour alors qu’a priori, la probabilité de tomber sur une baie mortelle est infinitésimale, sauf si vous êtes le personnage principal d’Into the wild, quel gâchis ! Dès lors, peut-on se forcer à avoir des pensées positives (si oui, comment ?), pour que, jour après jour, leur nombre croisse et celui des pensées négatives se réduise comme peau de chagrin ? Le positif alimente alors le positif, la donne change, nous allons de l’avant : le « bonheur » serait-il une simple question de perspective ? Le bonheur, serait-ce vivre au présent ? Inspiration, expiration, inspiration, expiration, inspi…

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Danger substanciel

Un nouveau venu du côté des néophotologismes… Comme son nom l’indique, le danger substanciel est un danger venu du ciel – par avion par exemple – sous forme d’une substance – ici, un spray d’ADN – qui menace substantiellement notre intégrité d’être humain et qu’il faut donc fuir en courant avant qu’il ne nous atteigne et ne nous change à jamais. Evidemment, cela suscite un certain nombre d’interrogations à la fois scientifique, technique, philosophique, physiologique, biologique, génétique et tous les autres mots en -ique…

Tout d’abord, comment a-t-on réussi à transformer l’ADN en un liquide pulvérisable ? Quelle couleur ou quelle odeur a un spray d’ADN ou en tout cas, comment le repérer quand on se promène nonchalamment, l’air de rien ? Et à qui cet ADN appartient-il exactement ? Personnellement, si on me pulvérise de l’ADN de génie, genre Einstein par exemple, si tant est que l’on puisse corréler personnalité et ADN, je ne bouge absolument pas : j’absorbe, j’encaisse, je m’offre entièrement à lui ! Le fait que l’on nous exhorte à fuir n’est de fait pas très bon signe… et invite à se poser une autre question : qui envoie cet ADN là ? A quelles fins ? Et qui nous prévient du danger ?

Enfin, une fois touché par cet ADN alien, que devient-on ? Un mutant ? Comment réussit-il à s’intégrer à notre propre génome ? Ce dernier est-il en mesure de résister ? Au bout de combien de temps des modifications apparaissent-elles ? Sont-elles uniquement comportementales ? Ou peuvent-elles être physiques ? Et, surtout, sont-elles irréversibles ? Redevenons-nous nous-même après avoir essuyé les assauts abêtissants d’un spray d’ADN ? Etre ou ne plus être soi-même, telle est la question !

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La métamorphose du billet d'avion

Je me souviens de mes premiers billets d’avion – non pas des premiers au sens strict, j’avais à peine quelques mois pour mon baptême de l’air et je ne m’aventurerais d’ailleurs pas à calculer l’empreinte carbone liée à mes déplacements aériens depuis ma naissance -. A cette époque, on pouvait encore fumer dans les aéronefs commerciaux dont l’interdiction n’a été recommandée par l’OMS qu’en 1996 et globalement adoptée par toutes les compagnies à l’aube du 21e siècle seulement, après une période transitoire d’espaces fumeurs forcément saturés ou de vols non fumeurs. Avec le recul, tout cela paraît insensé et tellement lointain tant les interdictions se sont multipliées depuis, et pas uniquement dans les carlingues de l’air.

A cette époque aussi, on pouvait prendre l’avion avec une valise sans avoir à payer de supplément… Ce à quoi on pourrait me répondre : à cette époque – sans savoir pour autant à quand elle remonte -, les billets d’avion coûtaient plus cher. Mais il y avait moins de compagnies. Et la pression sur les prix était inférieure alors même que le nombre de passagers ne cesse de croître : 3,3 milliards en 2014 soit 2 de plus qu’en 1996 et 3,7 de moins qu’en 2034 selon les prévisions de l’IATA. Mais je m’égare…

Les premiers billets d’avion dont je me fais l’écho bravo alpha charlie delta sont donc les premiers dont je me souvienne. Acheter un billet d’avion n’était pas encore cet acte quasi insignifiant et banal qu’il est devenu. Acheter un billet d’avion, c’était en soi le début de l’aventure. Il fallait se rendre dans une agence de voyages, interagir avec un être humain, éventuellement une première fois pour se renseigner sur les prix, les dates de départ et les horaires, auxquels nous, simples voyageurs, n’avions pas accès. Le prix n’avait d’ailleurs pas particulièrement augmenté lorsque nous venions confirmer notre achat une semaine voire dix jours plus tard après une longue réflexion. On en ressortissait avec une enveloppe contenant le précieux sésame imprimé : un billet d’avion en papier, épais, que l’on chérissait avant, pendant et après le voyage. Il faisait partie intégrante du rêve, puis ensuite, de sa réactivation… Mais c’est bel et bien fini. Aujourd’hui, on s’achète un billet d’avion en 3 clics après avoir, au préalable, consulté des sites comparatifs, dégoté le vol au meilleur rapport qualité/prix et masqué son adresse IP, puis on débarque ainsi à l’aéroport avec carte d’identité ou passeport car nous sommes déjà fichés et attendus pour notre vol, hublot ou couloir ? Ce qui me fait penser que la généralisation du billet d’avion électronique dématérialisé participe, à sa manière et depuis 6 ans maintenant, au triste désenchantement du monde !

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Je sèche !

Ne trouvez-vous pas un brin ironique que E.A.U. soit l’acronyme des Emirats Arabes Unis, rarement cités en exemple pour leur profusion en or bleu ?

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En tapis volant

Qu’ont en commun le pain levé, l’Amérique, les pulsars, la Vénus de Milo, la vulcanisation, l’indigo, les rayons X, l’hélice de bateau, le four micro-ondes, le Kevlar, la draisienne, les Post-it et même le Nutella (oui, le Nutella !) ? Tic tac tic tac tic tac…

Vous séchez ? Et bien, leur découverte s’est faite par hasard ou par accident : par les Egyptiens, qui, 3000 ans avant JC, oublient la pâte dans un coin ; par Christophe Colomb, qui pense débarquer en Inde ; par Bell et Hewish, bien décidés à en découdre avec la scintillation des ondes radio lors de leur traversée, épique faut-il le préciser, du système solaire ; par un paysan de l’île de Milo qui cherche des pierres ; par Goodyear, qui pose malencontreusement un bout de latex et un peu de soufre sur un poêle à charbon ; par Sapper qui, oups, laisse échapper son thermomètre à mercure dans l’une de ses préparations chimiques ; par Röntgen, à l’occasion de banales expériences sur le rayonnement cathodique avec des tubes de Crookes ; par Pettit Smith testant une vis d’Archimède, inopérante, qui se brise en deux lors d’un énième essai et eurêka ! ; par Spencer, dont la barre chocolatée bien cachée dans sa poche de chemise fond alors qu’il s’arrête devant l’un des radars qu’il étudie ; par Kwolek – la seule femme de la liste -, qui, bizarrement, conserve un mélange expérimental de matériaux tout juste bon pour la poubelle ; par Drais, pour, selon la légende, faire face aux conséquences de l’explosion d’un volcan en Indonésie – de l’effet papillon puissance 1000 en somme – ; par Silver qui cherche à créer une colle super puissante et fait fausse route dans ses dosages ; et enfin, par Ferrero, qui, pour pallier la pénurie de fève de cacao, utilise aussi des noisettes pour sa ganache, ganache qui, par une très très chaude journée d’été se met à fondre et on connaît la suite…

Voilà donc qu’en posant bêtement mon téléphone intelligent à même le hublot de l’avion, en le voyant pris d’inquiétants spasmes dignes des plus grands « smurfers » des années 80 – fruit d’une mauvaise traduction par ailleurs -, et en remarquant que ceux-ci étaient partiellement enregistrés et capturés, j’ai eu la sensation, fugace, réelle et réjouissante, d’être à l’origine d’une découverte fondamentale qui allait changer le cours de ma découverte du monde, tout du moins, de ma traversée d’un quart du monde ! Un pur moment de sérendipité personnelle faisant entrer notre belle planète dans une toute nouvelle dimension.

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