Je suis sûre que cela vous est déjà arrivé à maintes reprises… Vous venez de passer une super soirée chez des amis, au théâtre, dans un parc, au ciné, sur la plage, au concert, autour d’un feu… Bref, hors de chez vous. Ceci dit, ce qui suit fonctionne aussi si ladite soirée s’est révélée désagréable, mais je préfère l’hypothèse optimiste. Poursuivons donc. Il fait nuit, il fait froid, vous êtes fatigué, vous n’avez pas vraiment envie de vous frotter aux transports en commun à cette heure tardive, vous lâchez à voix haute : « Si la téléportation existait, je me jetterais directement dans mon lit ». Fantasme auquel a minima une personne répond toujours : « Moi aussi ! ». Comme si, ce saut de puce, c’était la panacée. Personnellement, je me dois de vous dire que si la téléportation existait, même au faîte de ma fatigue post-bonne soirée, ce n’est pas dans mon lit que j’irais mais bien plus loin… Par exemple, là, sur les bords du Salar de Uyuni, en Bolivie, à l’aube, à admirer le lever de rideau bleu du jour naissant se reflétant dans l’eau du lac et, aux antipodes, l’arrivée solennelle de notre soleil éclairant de ses rais quelques monticules de sel aux allures d’iceberg… Je ne serais assurément pas reposée mais ce serait bien plus beau !
Lorsque vous vous rendez à Londres par exemple, vous savez que, si vous le désirez, vous pouvez voir Buckingham Palace ; dans le golfe du Tonkin, la Baie d’Halong ; si vous allez à New York, vous vous attendez à apercevoir la Statue de la Liberté ; à Gizeh, la pyramide de Khéops ; à Paris, la Tour Eiffel ; à Niagara, les chutes éponymes ; à Yulara, Ayers Rock et ainsi de suite. Même si vous n’y êtes qu’une seule et unique journée. De façon générale, vous savez que, sauf cataclysme totalement imprévisible mais possible, en vous déplaçant sciemment à tel ou tel endroit pour admirer tel monument ou telle merveille de la nature, vous pourrez effectivement observer l’objet de votre désir. Le voyage a ses certitudes et elles sont les bienvenues. D’un certain point de vue, c’est la moindre des choses puisque cet élément convoité – naturel ou créé par l’homme donc – peut être ce qui a motivé l’évasion. Et il est rassurant de pouvoir se reposer sur leur pérennité même si les uns et les autres se dégradent irrémédiablement, du fait du temps qui passe et qui polit tout sur son passage, et de la présence même de l’homme, même respectueux de ce qui l’entoure.
Au même titre que les photos publicitaires sont généralement non contractuelles, cette convergence du désir du voyageur et de la réalité n’est pas garantie, quels que soient les efforts fournis ou les conditions réunies pour y accéder. Elle est certes courante, mais pas certaine. Vous pouvez ainsi planifier une semaine de safari au Kenya et ne voir que d’affreuses hyènes, de banales antilopes ou d’amusants suricates alors que vous rêviez de croiser le regard de lions, de girafes, d’éléphants ou encore de zèbres… Bon, j’avoue, vous n’auriez vraiment pas de chance… Reste que la rencontre avec ces animaux, même évoluant dans un parc et suivis à la trace par des pisteurs dévoués et missionnés pour vous satisfaire, est aléatoire, hors de portée de ce que vous maîtrisez habituellement. Et c’est en partie ce doute, cette attente pleine d’espérance qui rend la confrontation si puissante lorsqu’elle arrive. Et la frustration immense lorsqu’elle n’a pas lieu.
Il en est de même avec les phénomènes extra-terrestres. En particulier, les aurores. Boréales, australes, ne chipotons pas pour les hémisphères… Même lorsque les conditions optimales sont réunies donc — faire l’équilibriste à l’extrême nord du globe (entre 63°N et 70°N) – ce qui n’est déjà pas une mince affaire – ; choisir la bonne période, entre septembre et mars – ce qui laisse une fenêtre assez large – ; privilégier une année où l’activité du soleil, à l’origine de ce spectacle renversant, est à son apogée – en ce moment et pour un an encore ; multiplier les chances d’en voir – en restant plusieurs jours dans ladite zone –, vous pouvez rentrer bredouille de votre pêche au miracle atmosphérique ou avec quelques sardines dans le filet alors que vous rêviez de marlins, d’espadons et autres barracudas. En l’occurrence, cette aurore-là, si belle soit-elle avec le recul, est une sardine. Si déplacé que cela puisse résonner pour qui n’en a jamais vu. Niveau 1 sur une échelle en comptant 10. Ce qui laisse imaginer le séisme sensoriel que peut provoquer la vue de cette danse autant particulière que particulaire de niveau 5, 7 voire plus. Un Graal émotionnel que j’ai, par chance ou malchance, pu ressentir, à l’occasion de mon dépucelage auroral totalement inattendu il y a une douzaine d’années. Un Graal émotionnel que je cherche donc à revivre depuis, que je souhaite à chacun d’éprouver tant il dépasse l’entendement, et qui motivera une nouvelle évasion avec son lot d’aspiration, d’inspirations, de gorge serrée, de larmes versées et d’éblouissement certain… Et finalement, ne pas être sûr de ce que l’on va découvrir ailleurs est une belle façon de ne pas se lasser du voyage…
– C’est tôt… (La motivation prend un coup, mais le désir de le voir se lever sur l’océan l’emporte.) Bon, tu mets ton réveil ?
– Ok.
5h39, 5h39, 5h39, 5h39… je me répète cette heure comme une poésie au vers unique et m’endors… Pour me réveiller à 5h39. Normal vous dites-vous, le réveil a sonné tout simplement. Et bien non. J’ai ouvert les yeux naturellement, me suis redressée promptement sur mon lit comme si je devais prendre mon quart sur le pont dans 3 minutes et ai regardé l’heure. 5h39. Le réveil n’a pas encore sonné. Il ne le fera pas. C’est étonnant comme parfois, notre corps se transforme en horloge, comme il nous sort simplement des bras de Morphée quelques minutes avant l’heure alors qu’il nous sait effrayé à l’idée de ne pas entendre le réveil et ainsi de rater tel entretien, examen ou vol…
Dehors, c’est l’aurore. C’est calme. C’est frais. J’emporte ma veste, empoigne mon appareil et je sors. Car la contrainte est un peu photographique aussi. Une partie de moi se dit qu’il est facile de faire de belles photos lorsque l’on est dans un cadre naturellement splendide. Il suffit d’être là. Alors je m’impose un effort, comme pour mériter de pouvoir assister à ce spectacle magnifique. De cette heure où le soleil a rendez-vous avec la lune, l’un et l’autre séparé par un monde, que dis-je, une terre… Quand notre satellite tire sa révérence derrière l’horizon dans des couleurs pastels, l’astre brillant monte lentement, sortant les grands moyens, des rayons ardents mais pas encore suffisamment pour réellement chauffer cet espace refroidi par la nuit. Chaque minute qui passe met en lumière un nouvel élément du décor, comme s’il était soudainement l’élu des dieux. Ainsi en est-il de ce rocher, bien connu des mouettes locales qui, recroquevillées sur elles-mêmes, attendent cet instant où le soleil daignera leur accorder quelque attention, leur redonnant vie pour la journée par la même occasion. Sur la plage, le cœur est déjà chaud.
Sans additif, sans conservateur, sans solvant, sans colorant… En somme, produit naturel garanti ! Non pas à cause de la brouette et des carottes cuites qu’elle pourrait charrier, mais bien de ce qui occupe le haut de l’image… Les aurores n’ont pas encore atteint Paris – sait-on jamais, peut-être un jour d’ire extrême de l’astre solaire -, mais l’atmosphère dégagée par ces couleurs est digne de ce spectacle céleste magique…
En pratique, toutes les photos figurant sur ce site sont en vente. N'hésitez pas à me contacter pour plus de renseignements !
Un tour du Soleil en duos : 6e année en cours
Pour (re)découvrir en un clin d’œil et sur une seule page les micro-histoires photographiques publiées en ces lieux virtuels :
- entre le 22/02/2010 et le 22/02/2011, voici Un tour du Soleil en duos…
Chacun a dans un coin, rond, de sa tête les fameux dessins alambiqués d’Escher. Maurits Cornelis pour les intimes. Vous savez, ces images très graphiques et d’une grande maîtrise mathématique, de constructions architecturales impossibles et obsédantes car de vrais labyrinthes pour l’esprit. L’analogie paraîtra sûrement un poil tiré par les cheveux à certains, mais, parfois, […]