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Ce matin, comme beaucoup de transportés, j’attrape un gratuit au vol et plonge dans la lecture en diagonale des nouvelles du week-end que je connais déjà. S’y trouve un petit billet hommage à Daniel Balavoine, décédé un 14 janvier dans un stupide-accident-d’hélicoptère-mais-ça-arrive au Mali. Je m’en souviens et contrairement aux apparences, je tiens à préciser que je ne cherche pas à faire remonter tous les souvenirs de mon enfance à la surface… Je m’en souviens à cause de ma prof d’histoire géo de l’époque. Moi, Balavoine, je l’écoutais. Elle, elle le connaissait. Très bien même. Et quand nous étions entrés dans la classe, encore ignorants, ce sont ses yeux rougis et gonflés par les larmes et la tristesse de la perte d’un être cher qui nous avaient accueillis.
Dans ce billet, ils ont soigneusement évité une formulation que j’estime totalement absurde et que l’on trouve pourtant régulièrement dans la presse, qu’elle soit de papier ou de 0 et de 1, sérieuse ou légère. Vous allez vite comprendre… « Maria Callas aurait 88 ans aujourd’hui » (2010)… si elle n’avait été assassinée ou victime d’une embolie pulmonaire (ils ne sont pas certains). « Marguerite Yourcenar aurait eu 100 ans en 2003″… si elle n’était morte de vieillesse. « André Malraux aurait eu 100 ans » (2001)… s’il ne s’était éteint de mort naturelle. « Marlene Dietrich aurait 111 ans aujourd’hui » (2013)… si elle ne s’était pas suicidée. « Marie Curie aurait eu 144 ans aujourd’hui » (2011)… si elle n’était pas morte d’une leucémie. « Claude Debussy, Arthur Rimbaud, Sigmund Freud auraient 150 ans aujourd’hui » (2012, 2009, 2008)… si un cancer ne les avait pas emportés. « Charles Dickens aurait eu 200 ans aujourd’hui » (2012)… s’il n’était mort d’épuisement. « Charles Darwin aurait eu 200 ans aujourd’hui » (2009)… s’il n’avait cédé à une maladie du cœur. « Frédéric Chopin aurait 202 ans aujourd’hui »… s’il n’avait a priori pas succombé à une mucoviscidose (une hypothèse assez récente). « Robespierre aurait 250 ans aujourd’hui » (2008)… s’il n’avait été guillotiné ! « Marie-Antoinette aurait 257 ans aujourd’hui » (2012)… si elle n’avait été décapitée. « Jean-Jacques Rousseau aurait eu 300 ans aujourd’hui » (2012)… s’il n’avait vraisemblablement pas été victime d’un AVC (qui ne s’appelait pas comme ça à l’époque). « Corneille aurait 400 ans aujourd’hui » (2006)… s’il ne s’était pas éteint des suites d’une longue maladie. « Jeanne d’Arc aurait 600 ans » (2012)… si elle n’avait péri sur le bûcher…
Bref, je comprends de ces hommages que toutes ces illustres personnes seraient donc encore vivantes si elles n’étaient pas mortes (il faudra alors que quelqu’un se dévoue pour me dire si nous avons vraiment le choix) et/ou si l’homme avait une espérance de vie dépassant tout ce que nous avons connu jusqu’à présent (jusqu’à 600 ans donc). Quel sens alors donner à toutes ces phrases liminaires, quel sens donner à ces soustractions que ces calculateurs font pour quantifier ce qui n’aura jamais lieu, quel sens à mettre Paris en bouteille ? Car, comme le rappelle indirectement, mais ironiquement quand même, le panneau de ce superbe cimetière posté sur une colline de Big Island et faisant ainsi face aux vagues de l’océan pacifique, la vie ne va que dans un sens… Ce qui ne lui empêche pas d’en avoir plusieurs !