Photo-graphies et un peu plus…

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Si, si, le voyageur peut avoir la pression ! En particulier, lorsqu’il sait qu’a priori – après, dans l’absolu tout est possible – il n’ira qu’une seule fois dans sa vie – concept totalement différent du CAFAMUFODAVI – à l’endroit qu’il s’apprête à découvrir. Une fois, c’est déjà une grande chance parfois, mais cela reste peu malgré tout. Cette hypothèse est souvent liée à la distance qui sépare ladite destination de son lieu de résidence. Car, qui dit loin, dit généralement coûteux. Au moins pour le transport.

Certes, le voyageur peut aussi être riche, auquel cas, la pression ressentie sera toute autre, peut-être au moment de choisir entre un massage californien et un massage suédois… Insupportable dilemme à la solution évidente : les deux bien sûr ! Non, je parle du voyageur lambda, celui qui a travaillé toute l’année, qui a éventuellement économisé sur ses sorties, ses cigarettes, ses tenues pour s’offrir une aventure au bout du monde (le bout du monde étant une notion toute relative).

Ce voyageur-là, au moment même où il pose les pieds sur le tarmac, le quai, le trottoir, au moment où il respire l’air de ce nouveau pays pour la première fois, il sait que le temps est désormais compté. Conscient de l’unicité du moment, une partie de lui cherchera donc à voir un maximum de choses dans le temps imparti, de quelques jours à quelques semaines au mieux pour un séjour classique. Une gageure évidemment, le « vite fait bien fait » ayant ses limites, notamment en voyage. Mais la pression – celle de ne rien manquer – est trop forte… Et à l’issue de son tour bien organisé, il en aura probablement plus vu que les locaux eux-mêmes pensant avoir le temps de visiter leur propre pays ou ville puisqu’ils y vivent. Cela ne l’empêchera pas de ressentir une légère frustration en remontant dans l’avion, le train, la voiture car, forcément, il n’aura pas « tout » vu ou n’aura pas pu faire « tout » ce qu’il aurait voulu faire… Il arrive aussi parfois que la raison l’emporte sur ce désir d’exhaustivité et de consommation d’ailleurs : le voyageur décide volontairement de réduire ses ambitions, indépendamment d’événements naturels tels qu’une coulée de lave susceptible de lui bloquer  irrévocablement la route, acceptant ainsi d’en voir moins mais de le faire mieux. Sans doute est-ce dans de tels moments qu’il gagne en maturité et en sagesse…

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Parfois, je me dis que les équipes chargées de définir les scenic point ou points de vue remarquables d’une route devraient s’offrir les services d’un photographe avant d’arrêter leur choix… Certains sont faciles, évidents, ils sautent aux yeux de tout le monde. Mais de temps en temps, quelques erreurs d’appréciation sont à relever. Les conseils d’un amateur d’image permettrait notamment d’exclure, encore que cela relève tout simplement du bon sens, tout panorama comportant un arbre en plein milieu du dit scenic point ou une végétation un peu trop abondante, venant ainsi obstruer la vue supposément époustouflante. Surtout, le photographe choisirait probablement d’autres sites. Je ne compte plus en effet le nombre de fois où, les deux mains sur le volant mais les yeux à côté de la route, je lance un : « mais c’est ici qu’il aurait fallu un scenic point ! » S’en suivent un soupir de dépit, et, en fonction du paysage aperçu et du nombre de fois où l’on s’est déjà fait cette réflexion sur le trajet, un coup dans le rétro, une embardée maîtrisée et un arrêt sec sur le bas côté, herbe, sable, terre, bande d’arrêt d’urgence… L’appareil est prêt, attendant sagement sa sortie sur la banquette arrière, voire sur les cuisses. Il faut être prompt pour ce genre d’expédition hors des sentiers balisés. C’est un peu comme si on se créait son propre festival off des scenic point. La porte s’ouvre, on sort rapidement, on cadre, on déclenche, et on reprend les commandes après quelques secondes, ni vu ni connu. Les passagers des quelques voitures nous dépassant dans ces circonstances ont alors souvent le même réflexe : nous regarder ainsi que la scène photographiée, et dans le lot, on sait que certains se disent : « c’est vrai que c’est pas mal d’ici ! »…

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Je ne le sais pas encore, mais dans quelques minutes, au détour d’un virage à 90 degrés, je serai moi-même sur cette portion de route semblant jaillir de cette terre ocre pour mieux y retourner un peu plus loin, effrayée qu’elle est sûrement par ce ciel menaçant l’Atlas proche, et qu’actuellement je m’évertue à saisir. Je ne le sais pas encore mais il y aura de la neige sur les cols que je passerai à l’horizon montagneux. A ce moment, je ne sais pas encore non plus que, amusée par le contraste, je prendrai une photo d’une borne kilométrique indiquant la distance jusqu’à Marrakech recouverte d’une fine couche de cette neige inattendue après dix jours de marche dans un désert chaud, sec et aride. Comme s’il me fallait ramener une preuve. Et sans les images, prises il y a une bonne dizaine d’années, aujourd’hui, je ne saurais probablement plus rien de tout cela. Souveir du Maroc. Pardon, souvenir.

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Perchée sur mon bicycle, une question fait quelques tours dans ma tête. La fierté de l’adulte réussissant, pour la première fois, à guider son vélo sans s’aider de ses mains est-elle la même que celle qu’il a ressentie lorsque, enfant, son père a estimé qu’il était grand temps d’enlever les petites roues de son vélo, et qu’il a enfin pu en faire comme un grand ?

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Vous êtes là. Il fait chaud. Une chaleur inhabituelle même si annoncée. 48°C peut-être. La clim’ est éteinte, les fenêtres sont ouvertes. Juste un conseil, presque un ordre en fait, comme ça, donné à l’entrée de la Vallée. Vallée de la mort, c’est son nom. Tout est dit, ou presque, dans ce nom. Il faut la traverser. Il faut traverser ce no man’s land. Il faut traverser ce vide qui n’en est pas un. Vous roulez, vous n’en pouvez plus de cette chaleur suffocante, de cet air brûlant qui entre et sort de la voiture sans vous rafraîchir. Vous parlez, vous commentez, vous parlez du rien. De ce rien immense qui s’étend  et que vous êtes en train de traverser, l’air de rien. Et puis, vous ralentissez jusqu’à vous arrêter complètement. Vous stoppez le moteur. Sortez de la voiture. Vous vous avancez au milieu de la route. De cette route à sens unique qui semble elle-même déclarer forfait avant la fin. Vous patientez là, quelques secondes, sans rien faire, si ce n’est scruter l’horizon. Et tout d’un coup, vous réalisez. Vous réalisez que vous n’entendez rien. Strictement rien. Pas un craquement de sel, pas un brin de vent, pas un moteur lointain, pas un cri d’oiseau, pas un souffle de vie. Le silence. Le vrai. Celui que, la plupart du temps, vous ne pouvez qu’imaginer, nos vies étant tellement bercées par le bruit. Cela détonne, le silence. Ce silence-là dans cet espace-là. Qui donne à la fois l’impression d’être seul au monde et en même temps, d’être enfin en communion avec lui. Une sensation à la fois réconfortante et inquiétante. Soudain, l’ambiguïté vous bouscule. Vous commencez par bouger un pied. Un mouvement qui fait crisser quelques cailloux sous votre semelle. Vous l’avez entendu. Vous êtes rassuré. Vous vous sentez mieux. Vous n’avez pas encore ouvert la bouche pour parler, mais vous savez déjà que la première chose que vous allez dire, juste avant de remonter dans votre voiture et de faire vrombir le moteur, est : « c’est fou ce silence quand même ! ».

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Oui, mais laquelle ? La vie serait vraisemblablement totalement différente avec quelques centimètres de plus… Certes, d’en bas, le point de vue est tout autre, mais sans doute plus amusant… Carpe Diem !

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Pendant quelques secondes, j’ai bien cru qu’un seul et unique architecte était à l’origine de cet immeuble hybride où se côtoient cariatides et colonnades faussement anciennes et balcons bétonnés flanqués de quelques traces de patriotisme réellement récents. Heureusement  – car l’ensemble ne me semble pas très heureux -, il s’agit de deux bâtiments différents, même si l’on a l’étrange impression que le clair s’est intercalé entre la route, son arrêt d’autobus et la barre, comme une enveloppe glissée dans une boîte aux lettres.

Ceci dit, le soulagement est de bien courte durée : qui a bien pu autoriser cette juxtaposition et proximité entre ces deux édifices aux styles si opposés ? Opposés vraiment ? L’un comme l’autre fonctionne en effet par la symétrie et la répétition d’un même motif : un triptyque balcon, fenêtre et porte-fenêtre pour le plus récent, un triptyque de fenêtres intercalées de sculptures ou de colonnes pour le plus ancien. Et entre ces motifs, des montants de pierre lisse découpant les façades en parties égales.  Ainsi, même si emprunts d’époques différentes dotées de ses propres codes, ces deux-là sont bien plus proches que l’on voudrait le croire au premier regard… Ce n’est pas une raison suffisante pour en faire des voisins. Mais est un exemple parmi tant d’autres dans cette ville de Winnipeg, centre géographique du Canada, où les belles constructions érigées en des temps plus prospères sont tristement abandonnées aux caprices du temps et doivent coexister avec une architecture plus modeste…

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