Un fond pas très profond en apparence, mais très lointain, pour une forme un peu difforme à première vue, mais très jolie… A une rotation de 33° près dans le sens anti-trigonométrique, j’ai bien failli la manquer, cette rencontre élémentaire, obnubilée comme je l’étais par ce parterre – doit-on dire « pareau » ou « sureau » dans des circonstances si aqueuses ? – de nénuphars ambigus s’épanouissant royalement dans un hors champ oriental. Mais comment croire, en les voyant ainsi magnifiques et magnifiés par cette atmosphère lumineuse et ouatée, que ce qu’ils nous répètent à l’envi, c’est « vous ne savez pas aimer » ?
Je ne le sais pas encore, mais dans quelques minutes, au détour d’un virage à 90 degrés, je serai moi-même sur cette portion de route semblant jaillir de cette terre ocre pour mieux y retourner un peu plus loin, effrayée qu’elle est sûrement par ce ciel menaçant l’Atlas proche, et qu’actuellement je m’évertue à saisir. Je ne le sais pas encore mais il y aura de la neige sur les cols que je passerai à l’horizon montagneux. A ce moment, je ne sais pas encore non plus que, amusée par le contraste, je prendrai une photo d’une borne kilométrique indiquant la distance jusqu’à Marrakech recouverte d’une fine couche de cette neige inattendue après dix jours de marche dans un désert chaud, sec et aride. Comme s’il me fallait ramener une preuve. Et sans les images, prises il y a une bonne dizaine d’années, aujourd’hui, je ne saurais probablement plus rien de tout cela. Souveir du Maroc. Pardon, souvenir.
Sourire volontairement à un(e) inconnu(e) arrive parfois, en dehors de tout contexte de séduction. Je précise « volontairement » car parfois, perdus dans nos pensées, nous nous mettons à sourire sans nous en rendre compte, ce qui peut être source de malentendu pour toute personne croisée à ce moment précis. Cette dernière peut en effet prendre la marque de sympathie pour elle, et, selon son humeur, y répondre de la même manière en pensant – « ils sont sympas dans cette ville ! » – ou l’ignorer en se disant – « mais pourquoi est-ce qu’il me sourit ? c’est à moi qu’il sourit ? j’ai un bout de salade coincé entre les dents ? ». Dans ce cas, il s’agit d’un sourire involontaire dont le porteur est bien incapable de mesurer les conséquences.
Revenons au sourire volontaire que l’on peut interpréter comme un témoignage de soudaine et éphémère complicité. Les circonstances dans lesquels il peut survenir sont très particulières. Par exemple, lorsque deux personnes, chacune de leur côté, viennent d’assister à un spectacle naturel à couper le souffle – au hasard, un intense arc-en-ciel sur une ville éclairée par la lumière dorée rasante d’un soleil faisant sa révérence, le tout sur un fond d’atmosphère électrique, alors que, de l’autre côté, un grain saisit l’horizon lumineux -, et que, une fois le rideau baissé, repues de bonheur et de satisfaction, elles reprennent leur route, redescendant progressivement sur Terre, et se croisent. A cet instant précis, les yeux encore pétillants et le cœur tambourinant, elles sont incapables de ne pas s’échanger d’abord un regard, puis un sourire. Ce sourire béat de celui qui a conscience de sa chance et qui murmure : « C’était magique, n’est-ce-pas ? » « Oui ! » répond l’autre dans sa tête comme si l’une pouvait entendre… Comme le miel sur les doigts, ce sourire reste accroché au visage pendant plusieurs minutes encore, alors que vous êtes déjà loin de la scène. Et c’est alors que vous remarquez qu’une personne arrivant en face de vous, vous regarde étrangement. En fait, elle vous sourit… Mais pourquoi donc ?
Comment ces deux-là ont-ils réussi à s’échapper de la couverture cotonneuse dont ils faisaient, sans aucun doute, partie, et ainsi accéder à leur rêve le plus fou de voler de leurs propres ailes ? A moins que cela ne soit l’inverse… Peut-être ces petits nuages plats navigant en parallèle, comme un couple d’inséparables, se sont-ils égarés, cherchant, depuis des milliers de kilomètres, un endroit où se reposer, une ouverture dans un sol ouaté ne laissant même pas passer la lumière, pour ainsi refaire partie de ce tout… Qui est à la fois rien. Rien qu’une mer de nuages à la houle légère et s’étendant à l’infini, comme si rien n’existait, en-dessous.
La photo de route, un genre en soi, que l’on soit conducteur ou passager ? « Faire de la route » peut en effet conduire à voir des paysages qu’en d’autres circonstances, par exemple pédestres, l’on immortaliserait. La route. Parfois véritable tranchée dans un paysage uniforme dont on se lasse assez rapidement (ou pas). Parfois chemin serpentant à travers des espaces vallonnés laissant, à chaque virage, entrevoir de magnifiques et inédites perspectives. Le paysage. Parfois, il nous accompagne des kilomètres durant, laissant à chaque observateur, le temps de bien s’en imprégner. Parfois, ce qui attire l’œil est furtif, presque subliminal. Une petite rivière gelée en contrebas s’enfonçant dans des bois épars, des chevaux dont la silhouette se dessine au sommet d’une colline… Le temps de les montrer aux autres et il a déjà disparu.
Trois solutions se présentent à soi : avancer et garder en mémoire ces espaces admirés ; s’arrêter – ce qui peut difficilement se faire sur une autoroute sauf si l’on se trouve au Nouveau Brunswick notamment – pour rattraper au vol cette image filante – une opération qui peut se répéter un certain nombre de fois dès lors que l’on s’est auto-autorisé à le faire une fois ; et enfin, déclencher, tant bien que mal, depuis derrière la vitre, soit en confiant le volant au copilote pendant quelques secondes lorsque l’on est conducteur (si, si) tout en veillant à ne pas accélérer car la scène est vraiment exaltante, soit, plus simplement, parce que l’on est passager et porté par un flux sur lequel on n’a aucun pouvoir. Ce qui est le cas de cette image, prise derrière une vitre teintée et striée de traces de poussière orientées dans le sens du mouvement d’un bus nécessitant 72 heures pour traverser un seul et unique pays…
« Petite bourgade côtière classe et paisible. (…) En contrebas du phare, jolie plage avec des bancs de sable blanc. (…) C’est là que Mary Higgins-Clark situe son roman Souviens-toi. » Je l’ai lu, ne me souviens plus vraiment de l’intrigue, mais j’ai conservé intacte l’envie de venir voir à quoi ressemblait ce fameux bras de mer, et en lequel on pourrait presque voir un bras d’honneur fait à l’Amérique… Cape Cod donc. Présente, de façon très agitée dans nombre de films et romans noirs. Dernier en date, même si c’est une illusion, The Ghost Writer de Roman Polanski. Interdit de présence sur le territoire américain, le réalisateur a tourné son film, dont l’intrigue se déroulait originellement sur Cape Cod et l’île de Martha Vineyard, en Mer du nord, sur les côtes allemandes. Pour celui qui n’y est jamais allé autrement que par la fiction, la supercherie est parfaite.
Bref, égarement en vue. Retour aux premières lignes de ce texte. Une citation. Recopiée d’un guide, indispensable outil du touriste au temps compté. Leur existence est un vrai gain de temps. Le guide dit : « arrêtez vous à ce marché, achetez quelques copieux sandwichs et allez les manger sur la plage de Nauset à quelques kilomètres de là ! ». Et vous le faites ! Le guide vous liste les hôtels où dormir, les restaurants où manger, les sites les plus remarquables, les petits coins de paradis perdu… Parfois, allez, souvent, le guide a raison. Mais parfois, le guide est un peu léger. Sur Chatham donc. La petite bourgade perdue au niveau du coude de Cape Cod, côté océan Atlantique. A en croire le guide, plage jolie mais sans plus, la plus belle (d’Amérique du Nord presque) étant située plus au nord. La beauté est évidemment un concept très relatif. En l’occurrence, dans mon échelle de beauté, la plage de Chatham, sinueuse, balayée par le vent, est bien plus belle que sa voisine, longiligne. Combien de voyageurs suppriment le détour par Chatham – parce qu’il y en a un – pour cette mention peu enthousiaste de « jolie plage » ? Combien de sites écartés à suivre les critères de beauté et d’intérêt d’un(e) autre ? Ceci dit, le guide est futé (mais ce n’est pas lui) : il a compris qu’il fallait laisser croire au touriste qu’il avait lui-même trouvé quelque chose d’exceptionnel. Et puis, une ville trop encensée amène du monde. Un monde qui vient inévitablement rompre la tranquillité locale, et donc, contredire mes premières lignes. « Petite bourgade côtière classe et paisible. » Une chose est sûre, désormais, je me souviendrai de Chatham.
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