Comme ce serait bien de pouvoir déplier sa vie comme une carte géographique ! Ainsi serions-nous en mesure de trouver notre route plus facilement. Il suffirait de définir un point de départ, un autre d’arrivée et de suivre le fil rouge sans se laisser dériver…
« Activité récente : Lou Camino a éternué dans son salon avec Jepietavie. » Nos faits et gestes, aussi futiles soient-ils, sont-ils tous destinés à se retrouver, à notre insu, sur nos murs – je parle du bleu, à l’entrée en Bourse tumultueuse -, aux yeux de tous, même si « amis », alors même que l’on n’a strictement rien demandé et que personne ne nous a envoyé de courrier avec accusé-réception pour nous annoncer que, désormais, notre vie privée ne l’était plus ? « Activité récente : Lou Camino est très contrariée sur Humeurdujour ». Voir des bandeaux apparaître quasiment instantanément sur la page de ma messagerie électronique faisant grossièrement écho aux dernières recherches effectuées sur la Toile m’agaçait déjà, tout en me fascinant aussi un peu : Hôtels à Kyoto à partir de 28 euros, 100 cartes de visite gratuites, faites vos livres photo facilement pour pas cher je te dis, dites-le avec des fleurs, vol pour Kuala-Lumpur à partir de 635 euros… Mais, que l’on nous laisse vivre tranquillement ! Qui est-il d’ailleurs, ce on qui veut tout savoir de nous, ce on qui estime qu’il est intéressant de livrer à la Terre entière qu’à 15h52, j’ai écouté Igloo de Karen O and the kids sur Onzer ? Si, pour les premiers appels de l’œil, l’intérêt est purement publicitaire donc financier, qu’en est-il du second ? Indirectement mercantile, bien entendu, puisque on se sert de ce qui compose les moments de notre journée pour faire à nouveau de la pub, de cette pub qui fait tourner le système comme un hamster, sa roue. Mais cette porosité croissante de l’information est très préoccupante, d’autant qu’elle semble totalement inéluctable voire imparable… Par défaut, notre vie n’est donc plus privée, elle est publique. « Activité récente : Lou Camino a fini son mot du jour sur loucamino.com »
Qu’ont en commun ces quatre photos hormis leur auteur ? Une même dénomination barbare, un même numéro matricule dont les propriétaires d’une certaine marque nippone (ce qui n’est pas un vrai indice compte tenu de leur nombre) identifieront facilement l’origine : DSC_0299. DSC_0299 une fois, DSC_0299 deux fois, DSC_0299 trois fois, DSC_0299 quatre fois. Adjugé, vendu ! Coup de marteau sec sur la table en bois de charme ! Vous là-bas, au fond, elles sont à vous ! Quatre photos différentes faites en des temps non simultanés et en des lieux distants de milliers de kilomètres.
Avec certains appareils, l’incrémentation semble possible à l’infini : le compteur avance sans réfléchir ni fléchir, ne rencontrant aucune limite sur son chemin. De fait, le preneur d’images sait exactement combien de photos il a faites, si tant est que cette information numérique ait à la fois un sens et un intérêt. Partons du principe que c’est le cas. Ma boîte à images, de seconde main, n’est pas de ces machines-là : elle a une frontière ultime au-delà de laquelle tout recommence… 9 999. Je peux en effet prendre 9 999 photographies avant que la boucle ne reparte, non pas à zéro mais à un… Logique, au fond, et même en surface, le zéro incarnant le vide alors qu’il s’agit justement d’un premier acte de naissance voire de métempsycose iconographique. Ainsi cette numérotation cyclique, à l’image d’un calendrier, délivre-t-elle aussi quelques informations temporelles, que, telles des crevettes roses, je me sens d’humeur à décortiquer.
Première donnée : disposer de quatre photos homonymiques signifie qu’entre la première et la dernière, j’ai pris 9 999 + 9 999 + 9 999 photos, soit, au total, 29 997 photos. J’en conviens, c’est absolument indécent et prouve – ce que j’avais déjà saisi – que j’ai totalement été aspirée par le gouffre du numérique, véritable invitation à la démesure. Car, évidemment, sur ces 29 997 photos, je n’aurai pas la prétention d’affirmer qu’elles ont toutes un intérêt. Ce qui soulève une question de poids : une photographie doit-elle avoir un intérêt ? Et si oui, pour qui ? Celui qui la prend, celui qui la regarde ? Quoiqu’il en soit, beaucoup de ces photos n’ont eu qu’une durée de vie très courte, ne faisant qu’un subliminal séjour dans la mémoire de ma boîte à images, heureusement – ou malheureusement en cas de mauvaise manipulation – amnésique. Nouvel examen de passage pour les rescapées suite au transfert sur ordinateur… Un face-à-face, qui gagnerait à être plus impitoyable, mais en entraîne néanmoins une nouvelle fournée à la poubelle virtuelle. Bref, si j’ai bel et bien déclenché 29 997 fois, un contre-maître recenserait bien moins d’images au final.
Deuxième donnée : la première DSC_0299 date du 21 mai 2010, la deuxième du 7 avril 2011, la troisième du 24 juillet 2011 et enfin la dernière, du 24 mars 2012. Un savant calcul mathématique – certainement faux – nous apprend donc qu’il s’est écoulé 321 jours entre les deux premières DSC_0299, 108 jours entre les deux du milieu, et 244 jours entre les deux dernières… C’est là que thermomètres, métronomes, baromètres et autres podomètres s’affolent ! 9 999 photos en 108 jours ! Certes, les circonstances étaient très particulières – année à vagabonder hors de mes frontières habituelles à découvrir, presque chaque jour, de nouvelles cachettes terrestres -, le constat n’en est pas moins inattendu. 9 999 images en 108 jours, c’est une moyenne de 92,58 images par jour, soit – si l’on considère que la fenêtre moyenne de prise de vue sur une journée est de 12 heures – fait 7,71 photos par heure. Admettons maintenant qu’il faut en moyenne 2 minutes pour prendre une photo – incluant le choix du cadrage, de l’angle, la mise au point, les réglages – cela signifie que, pendant ces circonstances très particulières, je passais près de 16 minutes par heure ouvrable à prendre des images. Autant dire que je vivais en parfaite symbiose avec elles. D’aucuns pensent sûrement que s’octroyer autant de temps pour capturer le présent empêche de vivre au présent. Puisque cette frénésie photographique me plaçait dans l’anticipation d’un futur où j’aurais souhaité revisiter un passé qui, pour l’heure, n’était encore que du présent. Ceux-là ont en partie raison, même si je veux croire le contraire. Car je me souviens clairement de tout ce qui entoure ces quatre images.
Errance solitaire – un piège car aucune autocensure consécutive à la présence d’une autre personne ne vient rompre la dynamique photographique – dans les rues de Sliema, en face de La Valette à Malte. L’omniprésence du catholicisme s’impose à tous ceux qui n’y sont pas habitués. Un instant, à force de lire ce « in god we trust » que je n’avais vu qu’outre-atlantique, je crois à une colonisation américaine de l’île méditerranéenne… Icônes à chaque coin de rue, églises démultipliées, pratiquants proclamés, jusqu’à ces invitations de porche là où, sous nos latitudes, nous nous contentons d’un laconique « pas de publicité »… Direction Vancouver pour ce cerisier japonais en fleurs. Cela ne fait que quelques jours que je suis dans cette ville envoûtante où je vais séjourner un trimestre. La ville est parsemée de ces arbres magnifiques dont les fleurs éclosent début avril. Les jours précédents, j’ai observé les bourgeons gonfler, s’épanouir, puis s’ouvrir jusqu’à atteindre cette incroyable, mais naturelle, explosion vitale. Quelques jours après, leurs pétales, aidés par la bise, sont tombés par grappes, tapissant l’herbe verte d’une neige qui ne fond pas, et de jeunes feuilles les ont progressivement remplacés. 24 juillet, Crater Lake. Reflet quasi parfait de cette caldera préservée sur les eaux à la pureté unique au monde où a poussé une petite île, s’évanouissant parfois dans la brume ou l’éclat solaire. On en fait le tour, l’observant de haut, de loin, avant de se frayer un chemin vers cette surface pacifique que l’on a presque honte de déranger… Enfin, là, très récemment, l’une des installations de Yann Kersalé, mon J-1 du 24 mars, transposition miniature et sèche d’une expérience artistique dans un bassin breton rempli d’algues géantes pour l’occasion. Vision qui me replonge quelques années en arrière, dans les eaux glaciales d’une baie située au delà des quarantièmes rugissants, frigorifiée dans une combinaison trop grande pour moi mais subjuguée par cette valse de laminaires entre lesquels se faufilent les rais du soleil. A l’époque, faute d’appareil insubmersible, je n’avais pas pris de photo. A l’époque, j’utilisais un argentique. Mais les circonstances étaient aussi très particulières…
Alors même que la sage-femme vous lance une petite tape dans le dos pour vous aider à pousser votre premier cri et à prendre votre première bouffée d’air, passant ainsi du statut primitif d’amphibien à celui, plus évolué il paraît, de terrien ; alors même que, d’une certaine manière, vous commencez juste à vivre et que vous ne savez strictement rien de la planète sur laquelle vous venez de vous réveiller, celle ou celui que vous allez désormais devenir et être est déjà défini, quelque part. Enfin, c’est ce que l’on pourrait penser si l’on s’avançait à interpréter les conséquences combinées de trois éléments. Il y en a bien plus, mais les conclusions n’en seraient que plus effrayantes.
Donc, le premier : votre date de naissance. Disons, au hasard (car il manquera plus tard), un 3 janvier. Cela fait de vous un Capricorne. Inutile de froncer les sourcils : s’il y a autant d’horoscopes dans les journaux et les magazines, c’est qu’ils sont attendus, et si ce n’est crus, lus. Et puis, il y a toujours quelqu’un autour de nous pour lâcher « Oh, un(e) petit(e) Capricorne ! Ils ne sont pas toujours faciles les Capricorne… » « Preuve » qu’il y a bien « quelque chose », même si c’est purement spéculatif. Bref, en tant que Capricorne, « vous serez donc raisonnable, d’un tempérament calme, vous aurez un sens aigu des réalités et ne prendrez jamais une situation à la légère. Fiable, honnête et sincère, on pourra compter sur vous. Détestant l’improvisation et l’incertitude, vous serez un adepte de l’organisation ». Et cætera et cætera. Il y en a des pages et des pages. Même si ce sont des traits de caractère grossiers, vous y trouverez toujours quelque chose qui vous ressemble. Le plus amusant est que, depuis l’époque où les signes du zodiaque ont été arrêtés, l’axe de la Terre a bougé et ne pointe plus vers les constellations à la période où il le faisait il y a 2 500 ans : il y a un mois de décalage. Pourtant, une personne née en janvier reste Capricorne, alors qu’en théorie, elle devrait être Sagittaire. Mais intégrer cette variation compliquerait grandement une situation qui l’est déjà.
Bien, votre premier cri poussé, vous pouvez ouvrir les yeux. Il serait faux de dire que vous découvrez le monde qui va vous héberger à cet instant-là car vous ne voyez pas encore, mais votre mère, et peut-être, votre père, s’il a voulu chaperonner votre première sortie du territoire, eux, vous dévorent des yeux. Et après s’être extasiés devant vos tous petits pieds, vos tous petits doigts, votre toute petite tête fripée (tout en comptant bien que vous les avez en autant d’exemplaires que commandé, 10, 10, 1) échangent un regard avant de lancer, en chœur : « Oui, Camille, ça lui va très bien ! ». Sept mots simples et une montagne de sous-entendus alors que vous existez à peine. Evidemment, ce n’est pas comme si vous arriviez du jour au lendemain, votre arrivée a été mûrement préparée, parfois réfléchie, mais techniquement, c’est votre premier jour. Votre petite tête, qui ne ressemble alors à rien (si, si, et c’est pareil pour tout le monde…), dégage suffisamment de choses positives dans l’esprit de vos parents pour qu’ils soient convaincus de leur choix de vous nommer Camille et non Béatrice. Faites l’essai si vous connaissez l’une ou l’autre : imaginer-les en Béatrice et Camille et vous conviendrez que cela ne colle pas. Bref, le prénom qui vous a été donné est le deuxième élément. Car chaque prénom, ayant sa propre signification, est corrélé à des traits de personnalité très précis. Les livres sur le sujet ne se comptent plus et font partie de la bibliothèque minimale des futurs parents désireux de donner toutes leurs chances à leur progéniture à venir dans ce monde de brutes. Camille, entre autres choses, vous serez donc « énergique, vous aurez une autorité naturelle et une grande force de persuasion ; vous serez malgré tout réservée et discrète ; votre puissance d’action sera considérable même si parfois irrégulière à cause de votre émotivité. (…) Les professions susceptibles de vous intéresser seront celles qui exigent le sens du détail, de la précision. (…) ».
En croisant ce qui se dit sur les Capricorne et les Camille, vous en savez donc déjà beaucoup sur « vous », enfin vous toutes. Bien sûr, cela ne vous plaît pas de penser que toutes les Camille Capricorne sont comme ci ou comme ça, qu’en somme, vous n’êtes pas unique. Mais, heureusement, arrive le 3e élément. S’il ne vous apportera pas forcément votre liberté, au moins, il fera de vous une personne singulière : l’histoire de vos parents, des leurs, et encore des leurs, leurs joies, leurs peurs, leurs névroses, leur chance, leur malédiction… qui se transmettent, s’unissent, se mélangent, se heurtent, consciemment ou inconsciemment, de génération en génération, et qui vous feront avoir une peur bleue des coffres en bois fermant à clé alors que vous n’aurez jamais de problèmes avec eux (vous apprendrez bien plus tard qu’un drame a eu lieu avec un tel objet il y a 3 ou 4 générations et que depuis, il est interdit d’en avoir un chez soi). Et encore, cette histoire de coffre est juste l’entrée de la boite de Pandore.
Voilà ainsi Camille, née un 3 janvier, à peine quelques heures et déjà une vie derrière elle. Par chance, les tests ADN à la naissance ne sont pas encore banalisés car vous sauriez alors peut-être quand et comment vous attendra la fin. Fort heureusement, au quotidien, vous ne penserez pas à tout ça. D’ailleurs, vous ne croyez pas à ces balivernes. Vous avancerez, vous ferez vos choix sans toujours les comprendre et, dans ce paysage aux allures déterministes, creuserez votre propre sillon…
Des tunnels, nous en avons tous traversés, même s’il n’est pas question ici de tunnels au sens où nous l’entendons classiquement, à savoir, ces constructions architecturales relativement complexes permettant de passer de l’autre côté d’un obstacle – une mer, une montagne, une zone habitée… – non pas en le contournant mais en allant droit devant. Dans tous les cas, le dispositif est identique : une bouche dans laquelle on s’engouffre sans avoir la capacité de voir ce qu’il y a à côté, au-dessus, autour avant de s’en extraire. Ce tunnel-là nous fait passer d’un point A à un point B de façon assez pratique puisque, allant au plus court, il fait gagner du temps.
Le tunnel auquel je fais écho joue aussi avec le temps, mais de façon plus radicale, voire plus perverse. Vous savez, c’est celui qui peut vous faire lâcher : « Depuis que je suis rentré(e) de vacances, je n’ai pas vu le temps passer, je n’ai rien pu faire d’autre que gérer le quotidien. Je sors à peine du tunnel ! » Autrement dit, vous êtes passé d’un temps A à un temps B sans avoir pleinement conscience du délai qui s’est écoulé entre ces deux dates, ni la main sur ce que vous avez fait. Et pour cause : pendant cet intervalle, vous avez foncé tête baissée, enchaînant, l’une après l’autre, les tâches qui vous incombaient. Le hic avec le tunnel, c’est que vous ne connaissez que trop rarement sa longueur, même si, parfois, il vous arrive d’apercevoir la lumière vous attendant patiemment au bout. Mais le tunnel est malin, car à géométrie variable. Parfois, alors même que vous abordez la dernière ligne droite, que la lumière se fait de plus en plus vive et l’air plus frais, la paroi s’ouvre, vous entraînant immanquablement dans un nouveau tunnel, dont, malheureusement, vous ne voyez pas la fin. Vous n’avez même pas eu l’occasion de relever la tête que c’est reparti pour un tour ! Pas facile de vivre dans un tunnel. C’est étroit, souvent sombre, sans réelle perspective ni choix. On y respire mal, on s’y abîme les yeux, on s’y fatigue, on s’y perd, et enfin, on s’y sent seul, piégé. Et lorsque, enfin, vous réussissez à vous en extraire – non sans mal, vous l’avez compris -, que vous reprenez quelques couleurs et renouez le contact avec ceux que vous avez laissés de côté la durée de votre traversée du tunnel, on vous répond : « Désolé, je suis en plein tunnel ! » C’est le problème, les sorties des tunnels ne sont pas toujours coordonnées…
Sur le fameux Walk of fame à Hollywood, il y a deux catégories d’étoiles carrelées : celles autour desquelles tout le monde se presse, se fait prendre en photo et/ou s’extasie en revivant intérieurement le moment où ladite star a effectivement inauguré son étoile – Michaël Jackson, Daniel Radcliffe, Steven Spielberg, Sharon Stone, Will Smith, Woody Woodpecker … – et celles à côté desquelles ce même monde passe sans s’arrêter ou pire, en les piétinant comme si elles n’existaient pas. Il ne s’agit pas là de dénigrement, seulement d’ignorance : le nom inscrit en lettres d’or au centre de l’étoile ne résonne plus ni dans le cœur ni dans l’esprit des visiteurs d’un XXIe siècle à la mémoire cinématographique courte et sélective. Has been. Raison plus que suffisante pour s’attarder sur ces étoiles abandonnées ne recevant plus aucun regard admiratif depuis des lustres ou pas d’ailleurs.
Ainsi en est-il de Doris Roberts, que l’on ne confondra pas avec Julia, toute seule sur son bout de trottoir noir pailleté réfléchissant les éclairs de notre astre brillant. Doris pas Julia même si Julia a été Viviane, qui a arpenté un bout de trottoir voisin. Le coup de projecteur est fortuit, motivé par cette injustice faisant rage sur ces quelques mètres linéaires : je ne sais pas qui est Doris Roberts, j’en sais donc autant sur sa vie d’artiste, c’est-à-dire rien. D’abord, née en 1930, Doris Roberts, actrice de télé, cinéma et de théâtre, est toujours vivante. C’est une information importante. Elle dira d’ailleurs sûrement quelque chose aux amateurs de la série comique « Tout le monde aime Raymond » (Everybody loves Raymond en VO) pour lequel elle a remporté 4 Emmy Awards – même si la probabilité pour que ces derniers tombent sur cette page est assurément minime -, son plus grand succès en 60 ans d’une carrière ininterrompue. Il est aussi dit dans sa bio qu’elle a écrit un livre de cuisine avec une autre personne, littéralement « As-tu faim chéri ? Vie, rires et lasagnes », tout un programme alimentaire sur lequel je ne m’étendrai pas ! Et on sait, depuis le récent L’homme invisible, ce que signifie réellement ce subtil « écrit avec »… Enfin, Doris Roberts, très impliquée dans des œuvres humanitaires, vit actuellement dans une maison anciennement possédée par James Dean. Au sens premier du terme. D’ailleurs, il a une étoile, James Dean ? Oui, au 1719 Vine Street, autant dire, du côté des oubliés…
Et bien, ne faites pas cette tête ! Quoique, pendant 2 microsecondes, je me suis profondément interrogée sur le statut de ce vieux monsieur inanimé, ton sur ton, affalé dans un de ces fauteuils en cuir sombre qui parsèment les six étages du MoMa où défilent, dans un ballet incessant, touristes en quête des Demoiselles d’Avignon et locaux aspirant à un peu plus de retenue… Courte ou longue sieste ? Personne en panique autour de lui, il doit encore respirer. D’ailleurs, un livre, probablement trop lourd pour être porté à bout de bras, est posé sur ses genoux hiboux joujoux poux. Ceci dit, il y a pire que mourir sous le coup de la beauté d’une œuvre en compulsant un livre d’art !
Question de point de vue évidemment et d’interprétation, l’idéal étant quand même de finir le livre, de le refermer, et de se relever, même difficilement, pour s’extraire de cet antre où de vraies natures mortes sont placardées sur les murs blancs. Vous savez, les fruits directement sur la table ou savamment agencés dans des coupes, les lapins morts, les bouquets de fleurs colorées, les pichets de vin, parfois un crâne ou deux pour mieux justifier le style… Mais, lorsque l’on se penche sur le cartel pour découvrir l’auteur de la pièce en question, à côté du nom, ce n’est pas « nature morte » qui est inscrit mais « still-life ». Une traduction, pourtant tri-centenaire, qui transpire ce point de vue culturel sur le trépas et, qui, à la mort, mot tabou, trop sec, trop brutal, trop vrai outre atlantique, préfère l’espoir de la vie, encore là même si silencieuse, immobile… Comme ce vieux monsieur, là, avachi mais toujours en vie… Enfin, il faudrait peut-être aller vérifier quand même.
Il n’y a pourtant rien de drôle à découvrir une nouvelle ride chez quelqu’un. C’est beau, une ride. Et il faut bien que le temps qui passe et ce qui s’est passé pendant qu’il passait laisse sa trace d’une manière ou d’une autre. Comme un miroir déformant de nos vies, autant de stigmates de nos bonheurs, de nos douleurs, de nos tics, de nos frustrations, de nos fous rires, de notre enfermement, de nos éclats, de notre folie, et aussi, au fur et à mesure, de la somme de tout cela. Rides montantes ou descendantes, profondes ou légères, symétriques ou pas, on les interprète en croisant leurs porteurs comme si on était un devin à rebours. En fait, ce qui faire sourire, c’est de réaliser que l’autre vieillit aussi, comme si le temps pouvait nous oublier. « Oups, tiens, je suis passé à côté de celui-là ! Allez, hop, je lui mets tout d’un coup ! Y a pas de raison ! » Effroi au réveil ! Parce que le temps, on le voit plus passer sur les autres que sur soi.
– J’ai compris !
– Tu as compris quoi ?
– J’ai compris d’où venait cette ride.
– D’où ?
– Quand tu fermes l’œil gauche en prenant une photo…
Je la baptise « la ride du photographe », asymétrique donc. Une ride prestigieuse, en fin de compte, qui va continuer à creuser son sillon, et faire rire les voyeurs, pour mieux marquer les leurs…
En pratique, toutes les photos figurant sur ce site sont en vente. N'hésitez pas à me contacter pour plus de renseignements !
Un tour du Soleil en duos : 6e année en cours
Pour (re)découvrir en un clin d’œil et sur une seule page les micro-histoires photographiques publiées en ces lieux virtuels :
- entre le 22/02/2010 et le 22/02/2011, voici Un tour du Soleil en duos…
Je suis ici mais je suis aussi là-bas. Les onglets de mon navigateur web relatifs au covid-19 en Nouvelle Zélande sont toujours ouverts. Il y a notamment la page dédiée au virus sur le site du Ministère de la Santé qui relaie essentiellement les statistiques du jour – cette crise mondiale nous montre d’ailleurs à quel point […]