Il semblerait que regarder chez « les gens » soit une spécificité française. Je précise : ce n’est pas regarder les gens, et donc faire preuve de voyeurisme, qui importe mais plutôt voir comment ils ont décoré leur bien ! Avec goût ou pas. Tout cela étant bien évidemment très subjectif ! Cette curiosité vis-à-vis de l’aménagement intérieur serait donc culturelle. Et une activité exclusivement nocturne, les habitations devant être rétro-éclairées pour être visitables, comme dans La métamorphose, la mienne, loin d’être kafkaïenne.
Ceci dit, cette manie ne s’applique pas uniquement aux antres des particuliers, mais à toute fenêtre donnant sur un monde nouveau et se donnant à voir. Ainsi en est-il de cette fenêtre de bureau moderne au faux plafond banal blanc tacheté de gris, aux néons aveuglants et grésillants et où l’on imagine sans peine des dizaines de personnes retranchées derrière des petites cases-bureaux ne se distinguant que par le numéro qui est plaqué dessus. Face à cet a priori négatif, voir ces ballons de baudruche colorés accrochés à la vitre grâce à du bolduc et à la porte d’une armoire métallique, preuve d’une fête passée voire en cours, donne instantanément une note d’humanité au lieu. On entend alors les éclats de rire, les chœurs de « Joyeux Anniversaire », la musique d’ambiance mise par l’un des membres de l’équipe sur son PC en fête, les échanges de potins sur le gars du 6e qui s’est enfermé avec… Bref… Tout d’un coup, en un clin d’œil, tout cela prend vie… Et on se dit que cette manie, d’où qu’elle vienne, n’est pas forcément un défaut !
Tomber par hasard sur un feu d’artifice hivernal est un luxe, qui justifie cette petite redondance d’éclats de lumières multicolores zébrant un ciel d’un noir profond en ce jour marqué d’une croix par les petits et les grands. Au-delà du spectacle céleste concocté avec minutie par les artificiers, c’est la musique composée par les explosions répétées des fusées, bouquets et autres cascades, et la vibration concomitante qui se propage dans nos corps fébriles qui rendent ces embrasements si magiques. Quand les uns ont les yeux éblouis rivés au plafond stroboscopique, l’amateur de photo à 5 pattes les a derrière l’œilleton, convaincu qu’il réussira, cette fois-ci, à maîtriser le chemin de la lumière. Une illusion, bien entendu ! Alors, autant laisser ces fines particules d’oxyde métallique en combustion parader librement devant les capteurs photoniques !
Il est certains endroits où les fêtes sont visiblement prises très au sérieux. Cela s’accompagne d’un cortège de décorations toutes plus étonnantes les unes que les autres. Halloween a ainsi permis de voir fleurir des citrouilles et courges musquées masquées et grimées sur les porches des maisons, des banderoles de têtes de mort en travers des fenêtres, des tombes et croix dans les jardins, des sorcières sur balai aux balcons ou encore des toiles d’araignées aux portes. Un bestiaire morbide finalement assez amusant, en passant.
A peine deux mois plus tard, les mêmes décorateurs urbains ont troqué, avec plus ou moins de bon goût, leurs sombres artifices pour des loupiotes bigarrées pendant aux fenêtres, des guirlandes de lumières entourant d’affection les montées d’escalier et autres personnages plutôt gonflés – Père Noël en tête, sapins, nains & co – squattant les paliers. Avec décembre grignotant progressivement ses jours, chaque rue, plongée dans la nuit à l’heure du goûter, s’illuminait un peu plus. Et l’émulation inter-voisinage fonctionnant à plein régime dans ces circonstances, c’est par petites grappes de maisons que ces phares festifs se sont allumés pour souhaiter à tous, du début à la fin de la nuit, un Joyeux Noël…
L’arrivée d’un appareil photo numérique entre mes mains, et d’une manière générale, entre les mains de quiconque, a changé un certain nombre de choses fondamentales. Notamment, la façon de faire des photographies. Je n’évoquerai pas ici la séparation physique de l’appareil liée à la visualisation par écran : on ne fait désormais plus corps avec lui, et cela, c’est une révolution. A mon sens. Mais c’est un sujet en soi.
Non, ce qui a surtout changé, c’est le nombre de photos que l’on s’autorise à faire sous prétexte qu’il n’y a plus de pellicules à acheter. Et donc, que, d’une certaine manière, prendre une photo devient gratuit. Prendre mille photos ne coûte d’ailleurs pas plus cher, dès lors que l’on les conserve au chaud dans son ordinateur bien sûr. Là où la pellicule, payante, incitait à un minimum de retenue, et donc, de réflexion avant déclenchement, la carte mémoire l’efface. Quelle importance, en effet, de prendre dix fois à peu près la même vue pour augmenter ses chances d’en avoir une « bonne », quand il suffit d’effacer les neuf moins bonnes au moment de la sélection ?
Mais, c’est justement à ce moment précis que cela se complique. Car, à y regarder de plus près, sur chacune de ces dix vues, il y a toujours un petit quelque chose que l’on aime vraiment, que l’on ne retrouve pas sur les autres images, argument que l’on se sert à soi même pour ne pas supprimer les neuf images de trop. Car, il ne faut pas fantasmer, sur ces dix images, il y en a toujours neuf qui sont inutiles. Voire dix. Ce non choix est, petit à petit, responsable de l’inflation incontrôlée de notre photothèque. Pour avoir la conscience tranquille face à ces outsiders conservés tout en sachant qu’ils ne seront pas utilisés dans leur entièreté, j’ai trouvé une parade : assembler ces petits bouts si particuliers, et ainsi, recomposer une image, irréelle, significative. Evidemment, aller au bout de la démarche impliquerait de supprimer les parties non exploitées des photos utilisées pour le montage. Ce serait trop simple. D’autres parties de ces images pourraient en effet s’avérer intéressantes ultérieurement. Et voilà comment, malgré ma bonne volonté, ma base photo augmente au lieu de décroître…
« De la photo de parkinsonien ! » C’est un commentaire qui m’a été fait indirectement, un jour, suite à la présentation, par une tierce personne, d’une sélection de photos « légèrement » mouvementées sur Paris. Certaines ont pris ici dans Des fils de lumière… L’image ci-dessus n’en faisait pas partie. Je l’ai captée après. Un soir de pluie. Comme quoi, certains commentaires glissent sur nous comme une goutte d’eau sur une peau bien lisse… Et puis, je ne sais pas pour qui il était le plus désobligeant. Les parkinsoniens ou moi ? Montrer ce que l’on fait expose évidemment à toutes sortes d’avis. C’est la règle du jeu. Et faire la part des choses s’apprend… Mais où ?
Quoi qu’il en soit, j’aime la photo bougée. J’aime – même si, du fait du principe même de l’image fixe, cela peut sembler être une aberration – prendre des photos en marchant, tout en portant malgré tout une réelle attention à ce que je mets dans le cadre. J’aime la danse des lumières sur le macadam luisant, la convergence des courbes colorées ou au contraire, leur fuite organisée, les métamorphoses des éléments capturés. Au final, le nouveau monde qui se crée en secret dans la petite boîte noire, irréel, et que l’on découvre, a posteriori, au sec, avec empressement, telles des friandises dans une pochette surprise. J’aime le côté indéfini de ces images, prises dans la précipitation (c’est de circonstance…) ou pas (certains bougés sont très réfléchis…), comme s’il s’agissait de photos volées. Volées à qui ? A quoi ? A l’instant, je crois.
Cette impression de pluie s’abattant sur les promeneurs nocturnes montréalais est l’une des 18 photos proposées au concours annoncé hier. J’en remets une couche. A tel point que cette image-là n’est d’ailleurs pas tout à fait celle que j’ai envoyée. Mais l’objectif n’est pas de parler de ces photos, mais plutôt de la façon dont Facebook vampirise tout progressivement.
Seuls ceux qui possèdent un compte dans cette nouvelle banque de données mondiales (mais il ne faut pas s’inquiéter, ce ne sont que des amis qui vous veulent du bien…) peuvent en effet dire qu’ils aiment telle ou telle image, voire la commenter. On me rétorquera qu’ils sont quand même 500 millions, ce qui est un public potentiel inespéré pour les 66 627 personnes qui ont déposé, à elles seules, 342 960 photos… Reste que 500 millions d’amis (sûrement plus depuis la sortie du film de David Fincher), c’est beaucoup, mais ce n’est pas tout le monde ! 5 197 254 041 sont mis à l’écart pour d’obscures raisons.
Il est dommage qu’un concours ouvert à tous au départ soit finalement réservé à une frange de la population. Et combien de personnes finissent par s’inscrire, après avoir pourtant résisté à ce nouvel objet de pression sociale (« quoi, tu n’es pas sur Facebook ! mais, comment fais-tu pour communiquer avec le reste du monde ? », quelques années après « quoi, tu n’as pas de portable ! mais comment fais-tu pour vivre ? »), pour pouvoir faire leur devoir artistivique et voter ? Quel argument recevable peut justifier une telle exclusion ? On ne peut être amateur de photo que si l’on est sur Facebook ? Un visiteur avec un carnet d’adresses plein est sans doute plus intéressant qu’un internaute lambda-sans-ami-le-pauvre… Et cet exemple anodin, qui en dit long sur la puissance de cette nouvelle élite de masse, n’est que la partie émergée du Zuckerberg !
Pendant que le cinéma projette son feu d’artifice sur le macadam noir pétrole, un drame se joue. La fin d’un leurre. Que dis-je ? D’un mythe. Une légèreté. L’échange débute, autour d’un café et d’un croissant, par une question toute simple. « Il y a une école de musique à Brooklyn ? » On s’imagine tout de suite la ville, ses immeubles en briques, un peu décrépis… La musique étant souvent associée à la danse, une autre image se dessine rapidement. Un film en fait. Flashdance d’Adrian Lyne. Un classique (désopilant) des années 80, avec des coupes de cheveux ahurissantes, des tenues déconcertantes, mais une bande originale décoiffante (Maniac ou What a feeling, pour l’essentiel sur lesquelles on a toutes essayé, bien cachées dans nos chambres, d’agiter nos gambettes comme Alex) et des scènes de danse bluffantes. Le film qui a lancé Jennifer Beals.
On a tous en tête – mais si, n’ayez pas peur – cette scène finale où son personnage en met plein la vue à un jury d’abord ennuyé avant d’être emporté par le rythme de la soudeuse-danseuse. Du coup, deuxième question café-croissant : « ce n’est pas à Brooklyn qu’a été tourné ce film ? » L’antisèche universelle nous apprend en 0,3 s que non, c’est à Pittsburgh. Et en lisant un article consacré au 3e plus gros succès cinéma de l’année 1983 aux USA (moi, je m’en souviens plutôt comme de l’année de la victoire de Yannick Noah à Roland Garros, émue en direct…), je tombe dessus : Jennifer Beals était doublée pour les scènes de danse. Premier choc ! Je croyais naïvement que c’était pour ses qualités de danseuse qu’elle avait été choisie… Deuxième choc : elle n’a pas été doublée par une mais par trois personnes : deux femmes (Marine Jahan, Sharon Shapiro), un homme (Crazy Legs, nom de scène a priori). Et dans cette fameuse scène finale au montage stroboscopique, quatre personnes sont en fait sur scène. La tête de Jennifer Beals, le corps de Marine Jahan, celui de Sharon Shapiro pour le saut de gymnaste et celui de Crazy Legs pour le passage de breakdance. Dans ce contexte, s’agit-il encore de cinéma ou de cuisine cinématographique ? Allez, pour parfaire le tableau, le nom de Marine Jahan n’était pas au générique. D’où la troisième question café-croissant : « Mais qu’a donc fait Jennifer Beals dans ce film ? » L’histoire ne dit pas si elle était aussi doublée quand son personnage faisait de la soudure. Elle portait un masque !
En revanche, ce qu’elle dit, c’est que la Paramount a proposé à David Cronenberg de réaliser ce film… Une proposition sûrement surréaliste pour celui qui vient de commettre le film d’horreur Scanners etqui, cette même année 1983, propose Videodrome et The Dead Zone. Alors, Flashdance dirigé par David Cronenberg, cela aurait donné quoi ? D’abord, Alex n’aurait pas été soudeuse, mais conceptrice de jeux vidéos très organiques. Chaque soir, une dangereuse corporation aurait pris le contrôle de son cerveau pour lui faire interpréter des danses mécaniques, accompagnée de dizaines d’hommes déguisés en mouche… A la fin, un membre du jury, sorti de plusieurs années de coma avec des pouvoirs divinatoires, lui aurait lâché qu’il était inutile qu’elle danse car elle allait rater la scène de breakdance. Alex, furieuse, quitterait les lieux en courant, grimpant dans sa voiture décapotable pour aller se planter dans un mur de béton, avant de s’envoyer en l’air avec son petit ami entièrement recouvert de tatouages et infiltré dans la mafia russe. Définitivement, cela n’aurait pas du tout été le même film. Et sinon, oui. Oui, il y a une école de musique à Brooklyn. On y enseigne aussi la danse d’ailleurs…
Une fois par an, l’espace d’une froide mais sèche nuit d’hiver dont la date précise n’est divulguée qu’au tout dernier moment, la lumineuse et luxueuse Place de la Concorde se transforme en un champ de course pour le moins original… Des dizaines de chevaux de lumière font, sans jockey, le tour de ce nœud parisien stratégique, à mi-chemin entre l’Arc de Triomphe (qui a aussi son Prix), la Tour Eiffel, le Louvre et bien d’autres encore. Totalement fasciné et saisi par la beauté de cette chevauchée fantastique, l’arbitre de ligne en oublie généralement son rôle d’arbitre, n’étant plus capable que d’agiter son bras de lumière pour donner encore un coup de fouet à ces chevaux filant déjà à toute vapeur !
Errance nocturne dans une ville inconnue. Chaque pas est une découverte. Boîte enregistreuse sur « on ». Il fait frais, mais l’air est serein, posé. Anémomètre à zéro. Au plus, une brise légère. Pour faire passer le temps. Délicatement balayer la nuit et amener le jour. Une tour tronquée. Un bassin réfléchissant. Des silhouettes bien avisées. Des reflets à peine trompeurs. Des phares bien dispersés. Et là, au milieu, comme le nez l’est sur la figure, un petit détail. Un horizon penché. A peine 6°. Suffisant pour faire couler l’eau du bassin hors de ses frontières et créer une légère impression de fuite à son abord…
Mes vacances avec Holga. C’était le titre d’un livre photo. Avec Holga donc. Je ne connaissais pas. Naïvement, j’ai d’abord cru à un voyage en Russie. Retour à l’ouest pour cette image irréelle. Le fruit imprévisible d’Holga. Appareil photo plastique qui laisse, si on le souhaite, passer la lumière. D’où, par exemple, les petites ailes rouges sur Voyages télescopés, que j’avais d’abord effacées avant de me raviser. Cette image était la volonté d’Holga.
Donc, résultat imprévisible et à la reproductibilité plus qu’utopique. Mais, au fond, c’est exactement ce qui est recherché en utilisant ce genre d’appareil ouvertement imparfait. Un dérèglement, un grain de folie, une prise de liberté avec le sujet qui nous échappe, ne nous appartient pas… Dans cette pseudo anarchie photographique, le contre-pied de l’opérateur consiste à forcer le destin, sans pour autant pouvoir se vanter d’anticiper l’esprit de l’image finale. Fixer sciemment l’astre brillant et tout se dérègle ! Une vraie déflagration. L’image se défile sous nos yeux. Se dématérialise. Et le Flat Iron Building se mue en gardien tout puissant d’une ville haute, devant lequel on se prosternerait presque. Vive Holga !
En pratique, toutes les photos figurant sur ce site sont en vente. N'hésitez pas à me contacter pour plus de renseignements !
Un tour du Soleil en duos : 6e année en cours
Pour (re)découvrir en un clin d’œil et sur une seule page les micro-histoires photographiques publiées en ces lieux virtuels :
- entre le 22/02/2010 et le 22/02/2011, voici Un tour du Soleil en duos…
Si le cahier à spirales sur lequel Pascal (comparaison rapide des écritures) a rédigé son commentaire était posé sur une table intentionnellement placée juste avant la sortie d’un salon de la maquette ou de la pêche, j’en comprendrais à la fois la nature et l’intérêt, même si j’ai du mal à saisir en quoi l’obtention […]
La voilà, LA star du désert de Siloli, perchée à plus de 4 000 mètres d’altitude, seule au milieu de rien. On l’approche avec déférence, on lui ferait presque la révérence. En tout cas, on garde ses distances. Croyez-moi ou non mais la légende prétend que c’est le vent, sculpteur à l’âme salée, et ses […]