Photo-graphies et un peu plus…

Il y a quelques années, une blague courait dans le milieu des étoiles et de l’univers que je convoitais, proclamant en substance et sans peur des répétitions : « Pour devenir astrophysicien, il faut attendre qu’un astrophysicien meure ! ». L’espérance de vie augmentant, même chez les hommes (plus nombreux que les femmes dans ce domaine), cette petite phrase rappelait aux jeunes qui rêvaient d’une aventure cosmique qu’ils allaient devoir s’armer de patience (éventuellement de cyanure), et qu’après tout, cela n’était pas totalement incompatible avec les temps immémoriaux qu’ils allaient chercher à explorer, remontant à des millions voire milliards d’années. Car si, dans notre vie quotidienne, nous devons nous satisfaire du présent et de l’instant d’après, en astro, le voyage dans le temps existe. C’est magique ! Mais c’est lent… En plus d’attendre la mort du vieil astrophysicien, l’apprenti étoilé comprend ainsi assez vite qu’il va devoir se montrer humble, les mystères de l’univers ne se laissant pas approcher facilement. Et donc potentiellement attendre 10, 15, 22, 36 ans pour obtenir un embryon de réponse à la question qu’il se pose. Et là, c’est l’hypothèse optimiste.

C’est précisément à ce moment que je suis définitivement sortie de mon orbite céleste pour aller rêver sur la terre ferme. Si chercher est une chose, ne pas trouver en est une autre. Pire, pour le jeune pressé plein d’espérance, ne pas trouver relève de l’échec. Cela évolue avec le temps… Voilà donc que la mort de John Mainstone il y a quelques semaines, dont j’ai appris l’existence à cette funeste occasion, m’a plongée dans une sorte d’admiration dubitative et de colère visqueuse. Le chercheur était le dernier responsable de la fameuse « expérience de la goutte de poix », présentée partout comme la plus longue au monde puisqu’elle a commencé en 1927. L’hypothèse : des substances a priori solides sont en fait des liquides à la viscosité très élevée. La matière test : la poix. L’expérience : en verser dans un entonnoir en verre et observer son « écoulement », ce qui devient possible dès 1930. Indéniablement excitant ! Car comme les étoiles aux confins de l’univers, la poix se fait désirer. Il faut ainsi 8 ans à la première goutte pour qu’elle daigne se désolidariser du bloc dont elle était issu. La suite est du même tonneau : la 2e choit en 47, la 3e en 54, la 4e en 62, la 5e en 70, la 6e en 79, la 7e en 88 et la 8e en 2000… Mainstone, mort à 78 ans (l’espérance de vie des australiens mâles est de 79 ans…), faisait la vigie depuis 1961. Le temps de cinq gouttes. Et pourtant, celui qui a prédit la 9e avant la fin de l’année n’en a jamais vu aucune faire le grand saut ! Je trouve cela affreusement ironique, terriblement machiavélique et cruel de la part des gouttes de poix ! Elles auraient pu avoir la décence de s’effondrer au moins une fois devant lui. Un étudiant aurait fait résonner Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss et la goutte serait tombée au ralenti. Cela aurait été beau, puissant ; Mainstone aurait pleuré à grosses gouttes (c’est plus rentable, elles coulent plus vite !), puis pensé qu’il n’avait pas attendu toutes ces années pour rien ; le soir, il aurait ramené un bouquet de pétunias mauves à sa femme qui n’y croyait plus et le lendemain, il serait retourné au labo en osant rêver d’autre chose…

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Lorsque j’ai aperçu ces minuscules billes de poussière révélées et colorisées par une lumière du soleil passe-muraille ayant réussi à se faufiler dans l’interstice de cette sacrée façade de pierres, j’ai immédiatement pensé à mes lectures de jeunesse. A une phrase en particulier. « Nous sommes tous des poussières d’étoiles. » L’accent québécois d’Hubert Reeves en prime, l’astrophysicien qui a sûrement le plus contribué à démocratiser une matière autant complexe que point de départ des plus belles histoires… En pleine phase « D’où venons-nous ? », j’ai tout de suite adopté cette assertion scientifico-poétique qui nous annonçait, en substance, que nous, êtres humains, combinaison fantastique d’atomes crochus, étions à la fois tout et rien, infiniment grands et ridiculement petits, les résidus éparpillés puis réordonnés de ces étoiles gigantesques ayant peuplé un univers déjà incommensurable il y a des milliards d’années. Un pedigree mythique qui nous unit tous alors que nous sommes tous différents et séparés. Qui force à l’humilité aussi tout en nous couvrant d’une certaine aura…

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Ce matin-là, je m’approche de mes chaussures comme je l’ai fait la veille et encore l’avant-veille. Des chaussures de rando. Je ne suis pas en pleine montagne pour autant, mais à Detroit, Michigan, la paria du moment. Mais contrairement à la veille ou l’avant-veille, mes chaussures sont différentes : leurs lacets sont faits. Et plutôt bien, même. Cela n’a l’air de rien, dit comme ça a posteriori, mais sur le moment, je reste sans voix. J’attrape une chaussure, teste le lacet, confirme qu’il est parfaitement noué et ne peux m’empêcher de lancer, à voix haute : « Ce n’est pas moi qui ai fait ces lacets ! ». Je suis catégorique, j’ai – généralement – une très bonne mémoire des gestes, encore plus lorsqu’il s’agit potentiellement des miens. Or, face à cette paire bien posée le long du mur de la chambre et à ces lacets faits (un double nœud qui plus est !), c’est le trou noir. D’autant plus sombre et profond que je ne peux pas retirer ces chaussures montantes sans les dénouer comme on peut le faire un peu sauvagement en s’aidant d’un pied pour pousser sur le talon de l’autre, lui permettant ainsi de se libérer. De cette impossibilité mécanique découle l’unique conclusion qui vaille : quelqu’un d’autre a profité du fait que je sois endormie pour s’occuper gentiment de mes chaussures !

L’explication cartésienne écartée, deux autres hypothèses me viennent rapidement à l’esprit. La première ? Un événement atroce serait survenu dans cette maison des années auparavant, une mère ayant péri dans un incendie accidentel (une bougie tombée sur le parquet et enflammant les rideaux de la chambre où elle dormait) laissant ses deux enfants orphelins. Depuis, certaines nuits, elle revient faire les lacets des chaussures des occupants du moment, comme elle aurait voulu le faire avec ses propres enfants dont elle avait été dramatiquement séparée… C’est crédible.

La seconde hypothèse, bien que du même acabit, me semble tout aussi plausible. Voyez-vous cette dame entourée de quatre gaillards en tenue de marin sur la photo ci-dessus, en premier plan ? Et bien, cela pourrait être elle aussi. Qui a refait mes lacets pour me remercier de l’avoir choisie et extraite de cette boîte à souvenirs perdus posée sur une table basse en formica d’une brocante du Eastern Market de la ville, boîte où elle aurait pu croupir encore des années, coincée entre un jeune couple sur une barque et une photo floue d’une famille devant leur maison. Ils ont certainement une foule d’histoires à se raconter, les uns et les autres, piégés dans ces bouts de papier sans couleurs, mais j’imagine qu’après quelques années, malgré les brassages imposés par les mains anonymes et pas toujours délicates plongeant dans la boîte pour faire remonter les souvenirs à la surface, interrompant parfois par ce geste anodin de passionnantes conversations, ils finissent par tourner en rond, ressasser les mêmes anecdotes et finalement, trouver le temps long…

J’ai été cette main anonyme qui a remué le passé. Cette photo-là m’a vite attirée. Premier réflexe : la retourner pour en savoir plus. Pour seules informations : WWII et 3. La seconde étant le prix du souvenir en dollars, la première son origine dans le temps. Rien de vraiment précis. Une époque. La 2e guerre mondiale. Si lointaine aujourd’hui que l’intégrité de la photo paraît miraculeuse. Un retour de guerre à en croire la joie irradiant leurs visages à tous les cinq. 1945 alors ? A la Libération ? Au moment du retour au bercail ? C’est une photo posée. L’éclairage est trop parfait, et puis, il y a un décor, au fond, de végétation derrière une fenêtre. Ont-ils fait la guerre ensemble ? Et cette femme, au milieu, était-elle l’amie de celui qui l’entoure de ses bras victorieux ? J’extrais la photo du coffre en continuant à m’interroger sur leurs vies respectives. La nouvelle se propage dans la boîte, mais c’est à peine si j’entends le léger murmure qui me suit, un magma d’au-revoir que s’échangent ceux qui partent à tout jamais et qui restent. C’est un peu comme si j’adoptais des souvenirs auxquels je n’aurai probablement jamais accès…

Arrivée à la caisse, je tends la photo protégée dans du cellophane au maître de cette caverne d’Ali Baba. Il la retourne machinalement et encaisse mes 3€ sans même les regarder une dernière fois. Ils ne sont rien, ou plus rien, pour lui, alors que je m’attache déjà à ce quintet joyeux. Ce qui n’est pas sans m’étonner d’ailleurs : je ne suis pas spécialement attirée par les uniformes, encore moins par les images mettant la/les femme/s dans une posture de femme objet ou assimilé, ce que le déséquilibre numérique de l’image et l’affection guillerette de ces hommes privés de tendresse pendant une durée indéterminée peuvent laisser entendre. Je range méticuleusement la photo dans mon carnet de telle sorte qu’aucun coin de l’image ne vienne à se corner et poursuis mon chemin, sans y penser, ou presque, jusqu’à ce matin-là donc. Face à mes lacets noués et à ma seconde hypothèse. C’est elle, c’est sûr. Heureuse de revivre à nouveau dans l’esprit d’une personne d’un autre temps et à l’idée de s’envoler vers ce vieux continent qu’elle n’a connu qu’aux travers des récits de ces anciens guerriers rieurs…

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La vie de silhouette à terre est finalement assez triste : son destin est déjà tout tracé, voire piétiné, avant même que son emplacement définitif ne soit déterminé. Elle me paraît même un peu cruelle à vrai dire quand, comme ici, elle doit suggérer le mouvement alors même qu’elle est clouée au sol, immobile, condamnée à regarder devant elle, à la verticale, et à voir les gens, autos et nuages défiler sans lui prêter la moindre attention. C’est un peu comme si on stoppait net une partie d’1, 2, 3 Soleil, laissant les joueurs dans une position instable jusqu’à la fin de leur existence. On aurait envie d’aller les bousculer pour, qu’au moins, ils puissent aller au bout de leur élan. Envie exacerbée avec cette silhouette faussement vagabonde prise dans une tempête de neige, artifice printanier qui lui confère un tout autre relief…

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Extrait d’”Etats d’âme sur le macadam”, ensemble de textes griffonnés à l’aube du 21e siècle sur mes inséparables petits carnets…

*

Les jardins du Palais Royal sont bercés par une musique orientale. Les essais de voix précèdent la répétition actuelle. Ingénieur du son, c’est à toi ! Conte des mille et une nuits. Aucun autre bruit perturbateur, si ce n’est celui des pas des visiteurs sur les gravillons. Une voix grave enchaîne des notes, des sonorités plutôt… Un a ou o continu. Derrière, quelqu’un tape du marteau alors que des tiges géantes rouillées sont plantées dans les contre-allées du jardin. Sculpture, art moderne. Abstraction. Les pigeons parisiens ne se sont pas trompés en élisant domicile au sommet de ces outils de Gulliver. Des traînées blanchâtres les « animalisent » quelque peu. Un écriteau sous chaque œuvre, une instruction : Prière de ne pas toucher. Amusant…

Des feuilles jaunes dansent déjà au sol alors que l’automne est encore loin. Où sont les saisons ? L’axe de la Terre aurait-il bougé ? La musique s’est tue. Et c’est la résurrection des voix de passage, du vent dans les feuilles, du vrombissement des moteurs. Un monsieur avance en tirant une charrette. On entendrait presque la musique d’un cheval trottant sur les pavés. Des feuilles, de journal, se tournent alors que les coups de marteau reprennent. Plus loin. Un bébé babille ; de très jeunes enfants s’émerveillent devant le vol d’une demie douzaine de moineaux. La magie du pain dans la main prend. Le caniche est sagement assis sur le banc noir tandis que sa maîtresse découvre les photos qu’elle vient de récupérer. Les arbres feuillus se recoupent, laissant malgré tout une maigre place à la lumière : une raie de jour.

Il est un peu plus tard, il y a plus de monde. Les pavés jouxtant les arcades sont squattés par les sans-chaises, n’ayant pas peur de salir leur culotte. Pas comme cet homme à moustaches, venant précautionneusement d’étendre un torchon sur son fauteuil d’élection. Il s’est aussi préparé sa salade et pique nique à l’ombre. Un peu plus loin, sous des parasols, les plus chics ont une vraie table, une vraie chaise et une véritable assiette. Mais que la terre est bonne !

Tout à l’heure, il y avait des traces blanches dans le ciel bleu ; celles des déjections des avions survolant de très haut la capitale. Je me suis alors souvenue des traces noires sur le bitume. Alors que les premières s’évanouissent en quelques minutes, les secondes marquent à jamais un drame, un choc. Une sortie de route… Effrayante peut être la direction suivie par ces lignes. Au volant, on se retrouve à reconstituer l’accident auquel on n’a, bien entendu, pas assisté. On s’imagine l’ampleur des dégâts, la violence de l’impact en réalisant que ces marques de pneus sont perpendiculaires à la route, s’arrêtent près d’un mur, sont interrompues par un bas côté profond. Comment cela a-t-il pu arriver ? Redouble-t-on de prudence pour autant ? En fait, non. Ici, la ronde des affamés se poursuit, tandis que sur une route, ailleurs, s’inscrivent de nouvelles épitaphes.

Où vont-ils tous ces marcheurs ? Etrange… Ces deux-là se bécotent debout et n’arrivent pas à se quitter. Le berger allemand, attaché au pied d’une chaise, surveille le vol d’un pigeon. Un homme se promène avec une chaise sur la tête et s’installe devant la fontaine. Ceux-là testent la solidité du banc avant de s’asseoir. La maman pousse vigoureusement la poussette de son bébé à bob. Et lui dort, affalé à terre, en habit d’hiver. Des gens qui passent, se prélassent et se délassent. Pourquoi pas s’enlacent ? Et puis, se lassent. Oui, et puis ceux là s’en vont… Comme tous en fait.

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Je ne sais pas si cela se passe comme ça aussi dans votre vie, professionnelle ou privée, mais peut-être plus professionnelle malgré tout, et, en réalité, il n’y a aucune raison pour que je sois privilégiée en la matière, mais j’ai la désagréable impression que la rapidité avec laquelle nous accédons aujourd’hui à n’importe quelle information ou n’importe quel contenu a une très mauvaise influence sur la perception que certains – appelons les, des donneurs d’ordres – peuvent avoir du travail et en particulier, du temps raisonnablement nécessaire pour réaliser un travail de qualité. Sous ce prétexte relativement récent qu’il suffit de quelques clics pour absorber tout le savoir du monde, d’aucuns croient que le monde est devenu un instantané géant, comme les soupes chinoises ou le café lyophilisé. Qu’en gros, il suffit d’un peu d’eau chaude pour que tout prenne forme, soit digeste, absorbable voire bon.

C’est un raisonnement très pernicieux qui nous place dans une position totalement absurde consistant à enfoncer des portes ouvertes comme, par exemple, rappeler que la Terre ne s’est pas faite en 7 jours, que les azulejos ne sont pas apparus comme ça, du jour au lendemain, sur les murs de l’Alcazar de Séville ou que, même pour le café soluble, il a fallu que la météo soit favorable à la croissance des caféiers, qu’ils donnent de belles graines, qu’elles soient récoltées, séchées, torréfiées, conditionnées, dispatchées, vendues, absorbées… En gros, l’eau chaude versée sur les petits grains marrons formant une montagne odorante au fond de notre gobelet biodégradable n’est que l’ultime étape d’une chaîne initiée des mois auparavant et que nous avons complètement gommée de notre conscience.

Avec le travail bien fait – qui est un noble objectif -, c’est un peu pareil : certains ont déjà oublié, bousculés par cette illusion d’immédiateté promise par la modernité et l’impatience qu’elle fait naître en chacun de nous, qu’il requérait réflexion – donc du temps -, prise de recul – donc du temps -, discussions croisées – donc du temps à nouveau, et d’autres choses encore du même acabit… Et contribuent ainsi, dans le même temps, à nier ce qu’est le travail lui-même, tout en s’étonnant que le résultat ne soit pas à la hauteur de leurs espérances. Preuve qu’ils n’ont même pas intégré leur propre mutation d’homme pressé. Ce qui est peut-être encore plus problématique car ce n’est pas leur propre fonctionnement qu’ils mettent en cause mais bien celui de ceux qu’ils sollicitent.

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Ce matin, comme beaucoup de transportés, j’attrape un gratuit au vol et plonge dans la lecture en diagonale des nouvelles du week-end que je connais déjà. S’y trouve un petit billet hommage à Daniel Balavoine, décédé un 14 janvier dans un stupide-accident-d’hélicoptère-mais-ça-arrive au Mali. Je m’en souviens et contrairement aux apparences, je tiens à préciser que je ne cherche pas à faire remonter tous les souvenirs de mon enfance à la surface… Je m’en souviens à cause de ma prof d’histoire géo de l’époque. Moi, Balavoine, je l’écoutais. Elle, elle le connaissait. Très bien même. Et quand nous étions entrés dans la classe, encore ignorants, ce sont ses yeux rougis et gonflés par les larmes et la tristesse de la perte d’un être cher qui nous avaient accueillis.

Dans ce billet, ils ont soigneusement évité une formulation que j’estime totalement absurde et que l’on trouve pourtant régulièrement dans la presse, qu’elle soit de papier ou de 0 et de 1, sérieuse ou légère. Vous allez vite comprendre… « Maria Callas aurait 88 ans aujourd’hui » (2010)… si elle n’avait été assassinée ou victime d’une embolie pulmonaire (ils ne sont pas certains). « Marguerite Yourcenar aurait eu 100 ans en 2003″… si elle n’était morte de vieillesse. « André Malraux aurait eu 100 ans » (2001)… s’il ne s’était éteint de mort naturelle. « Marlene Dietrich aurait 111 ans aujourd’hui » (2013)… si elle ne s’était pas suicidée. « Marie Curie aurait eu 144 ans aujourd’hui » (2011)… si elle n’était pas morte d’une leucémie. « Claude Debussy, Arthur Rimbaud, Sigmund Freud auraient 150 ans aujourd’hui » (2012, 2009, 2008)… si un cancer ne les avait pas emportés. « Charles Dickens aurait eu 200 ans aujourd’hui » (2012)… s’il n’était mort d’épuisement. « Charles Darwin aurait eu 200 ans aujourd’hui » (2009)… s’il n’avait cédé à une maladie du cœur. « Frédéric Chopin aurait 202 ans aujourd’hui »… s’il n’avait a priori pas succombé à une mucoviscidose (une hypothèse assez récente). « Robespierre aurait 250 ans aujourd’hui » (2008)… s’il n’avait été guillotiné ! « Marie-Antoinette aurait 257 ans aujourd’hui » (2012)… si elle n’avait été décapitée. « Jean-Jacques Rousseau aurait eu 300 ans aujourd’hui » (2012)… s’il n’avait vraisemblablement pas été victime d’un AVC (qui ne s’appelait pas comme ça à l’époque). « Corneille aurait 400 ans aujourd’hui » (2006)… s’il ne s’était pas éteint des suites d’une longue maladie. « Jeanne d’Arc aurait 600 ans » (2012)… si elle n’avait péri sur le bûcher…

Bref, je comprends de ces hommages que toutes ces illustres personnes seraient donc encore vivantes si elles n’étaient pas mortes (il faudra alors que quelqu’un se dévoue pour me dire si nous avons vraiment le choix) et/ou si l’homme avait une espérance de vie dépassant tout ce que nous avons connu jusqu’à présent (jusqu’à 600 ans donc). Quel sens alors donner à toutes ces phrases liminaires, quel sens donner à ces soustractions que ces calculateurs font pour quantifier ce qui n’aura jamais lieu, quel sens à mettre Paris en bouteille ? Car, comme le rappelle indirectement, mais ironiquement quand même, le panneau de ce superbe cimetière posté sur une colline de Big Island et faisant ainsi face aux vagues de l’océan pacifique, la vie ne va que dans un sens… Ce qui ne lui empêche pas d’en avoir plusieurs !

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