Photo-graphies et un peu plus…

Les premières fois, quelles qu’elles soient, ont toujours un petit goût particulier. Pour certaines, on se demande d’ailleurs comment l’instant n’a pas pu se présenter avant. C’est vrai, un orage, finalement, c’est assez courant ! Même en ville. Ce qui l’est moins, c’est de pouvoir le photographier. Les villes habitées étant souvent peuplées d’immeubles hauts, seuls les plus chanceux ont un ciel ouvert offert à leurs yeux. Cette hauteur oriente notre regard, souvent stoppé net par une façade lorsqu’il s’aventure à se projeter à l’horizon. Lever la tête pour avoir droit à une étroite fenêtre sur le ciel.

Montréal est une ville basse. Avec beaucoup d’habitations de 2, 3 étages principalement. A tout moment, le ciel est présent, dans sa globalité. Il s’étend nonchalamment comme s’il était chez lui, au lieu de se frayer un chemin entre les briques arrangées. A fortiori, un soir d’orage. Ce qui rend plus faciles certaines premières fois, donc. Enfin, moins difficiles. Car, réussir à capturer un éclair dans sa boîte noire relève, pour le néophyte, d’un lumineux coup de chance ! On tente de raisonner, on croit pouvoir définir un cycle, prévoir leur manifestation, on compte le temps entre le tonnerre et l’éclair pour évaluer la distance au son et lumière gratuit, et après plusieurs échecs, on finit par cadrer large et mettre un temps de pause suffisamment long en se disant qu’il y tombera bien « quelque chose ». Le plus souvent, un halo lumineux, comme s’il faisait jour en pleine nuit. Et dans le tas, miraculeusement, un éclair. Qu’on manque d’effacer dans la précipitation. Un bel éclair torturé mais bien décidé, venant s’échouer dans une zone pas si lointaine. Une magie. Qui ne se reproduit pas. Le résultat n’a rien d’extraordinaire. Seulement, le seul fait d’être la première image de ce genre la rend extra-ordinaire… L’orage se déplace, des trombes d’eau balayent les rues désertées, les premières feuilles jaunes tombent au sol, les flashs se détournent, le tonnerre gronde toujours, mais il est déjà plus sourd. La tempête se poursuit ailleurs. Avec sûrement, à d’autres fenêtres, d’autres admirateurs…

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… les musées sont pris d’assaut. Inutile de raser les murs dans l’espoir d’être maigrement protégé par les balcons et autres avancées, inutile d’essayer de passer entre les gouttes en marchant sous les arbres car il pleut aussi sous ces derniers. A l’accueil où tout était calme depuis quelques heures, tout d’un coup, c’est l’affluence. Gérer les entrées, les parapluies mouillés. Rapidement, l’esseulé est dépassé. A l’intérieur, les peintures sont sèches mais l’humidité ambiante augmente du fait de la présence des visiteurs dégoulinant. Les capteurs s’affolent. Mais pas uniquement à cause de la moiteur… A cause des enfants aussi !

Imaginez un peu… Vous êtes tranquillement en train d’admirer les détails d’une estampe de Félix Buhot (qui, en écho avec la situation présente, représente d’ailleurs la ville par temps de pluie) quand votre attention est soudainement interrompue par une succession de petits cris stridents. Une souris peut-être ? C’est tout comme ! Une petite fille allongée sur les dalles de carrelage au beau milieu de la pièce et en train de faire l’étoile. C’est très joli. Son père, un peu gêné, vient la relever rapidement et lui expliquer que l’on ne peut pas faire ça ici etc. Elle restera debout pour la suite de la visite, en courant… Trois options pour les parents : lui faire un sermon toutes les cinq minutes ou faire comme si ça n’était pas leur fille. Ce qui peut marcher ! Il y a aussi, essayer de l’intéresser à ce qui se trame sur ces feuilles de dessin. Ce qui les amène à rester plus de temps que de raison devant une estampe de Berthe Morisot représentant une petite fille, sage comme une image…

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Voilà ce qui se passe parfois… Parfois, on continue à garder notre parapluie ouvert ou au-dessus de notre tête alors qu’il ne pleut plus depuis quelques minutes ou que l’on est sous un pont. Parfois, on met autant de temps à réaliser qu’il n’y a plus de musique au bout de notre casque et que le seul bruit que l’on entend est, en fait, notre cogitation intérieure.

L’instant où l’on réalise cette incongruité est singulier : le monde sous lequel on s’abritait et qui nous préservait des autres se fendille. On se sent alors un peu bête comme si l’on émergeait d’un profond sommeil au beau milieu de la foule.

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