Photo-graphies et un peu plus…



L’hiver arrive, le froid s’insinue chez chacun, vous avez déjà mis le chauffage ? Vous ne serez donc pas contre un petit tour sur Big Island, la plus grande île d’Hawaii ? Une île où eau, terre, air et feu se côtoient au quotidien et s’influencent l’un l’autre, créant une île à deux visages, l’un marqué par les volcans, l’autre par une végétation luxuriante. L’un noir et minéral, l’autre vert et végétal, tous deux illustrés par 16 diptyques.

Vous pouvez découvrir l’ebook en cliquant directement sur la couverture ci-dessous.

Cet article ainsi qu’une sélection de photos ont par ailleurs été publiés dans le numéro 6 du U magazine, pour lequel j’ai aussi fait un article sur la Californie (n°5), sur le Mont Kailash (n°4) et sur la Namibie (n°3).

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On trouve de tout sur les bords de route et parfois même, des mystères. Il y a ce qui nous désole et/ou nous agace – des canettes de bière, des papiers, des chaises, des sacs plastique, des cagettes, des bouteilles, le tout jeté par des automobilistes de passage confondant la nature avec une poubelle géante -, il y a ce qui nous attriste et/ou nous dégoûte – un hérisson écrasé, un renard écrasé, un hamster écrasé, un raton laveur écrasé, une biche renversée par les mêmes automobilistes (mais pas forcément les mêmes au sens propre) – et il y a ce qui nous étonne et/ou nous ravit – un sapin décoré comme à Noël perdu dans la forêt, un chien côté conducteur, une mini-tornade dans un champ soulevant des brins de paille, vus ou pas par les automobilistes concentrés, ou pas.

Les arbres à chèvres font partie de cette dernière catégorie. J’en ai vu une fois au Maroc, j’étais passagère, j’ai cru à une hallucination, c’est passé vite, nous n’avons pas pu nous arrêter, le chauffeur avait l’habitude lui, il ne les voyait plus, mais moi, j’étais stupéfaite, je pensais à Newton et à sa pomme et me disais que des chèvres perchées sur des branches aussi fragiles, c’était impossible, elles ne pouvaient que tomber et se casser les pattes en arrivant au sol. J’avais tort.

Quelques années plus tard, j’ai croisé un arbre à chaussures sur un bord de route reliant nulle part à nulle part, autrement dit, au milieu de nulle part. Je conduisais cette fois-ci. Je l’ai d’abord dépassé – vitesse et surprise obligent : on ne s’attend pas à grand chose au milieu de nulle part, à part s’ennuyer un peu – mais je l’avais bien vu – même si, j’ai, un instant, à nouveau cru à une hallucination. Freinage donc, assez sec, puis marche arrière sans me donner la peine de changer de voie car l’on ne croise pas grand monde au milieu de nulle part, jusqu’à me retrouver face à cet arbre bizarrement chaussé. Des chaussures par paires, lacées, jetées dans l’arbre quasi caduque, jusqu’à ce qu’elles s’y accrochent fermement, qu’elles s’y entassent et s’y perdent. Arbre, sur le bord de la chaussée donc, mais surtout, je me permets de le rappeler, dans un no man’s land où la première boutique de chaussures est probablement à 247 miles. Rien à voir, donc, mais certainement leur déclinaison campagnarde malgré tout, avec les chaussures catapultées sur des câbles électriques en pleine ville, qui sont tout autant énigmatiques…

Dans ce cas précis d’arbor pedibus, plusieurs questions se posent quant aux motivations profondes des jeteurs de baskets (ce qu’il y a en masse) et la chronologie des faits… Au même titre que je ne cherche à savoir qui de la poule ou de l’œuf est arrivé en premier, je ne me pencherai pas vraiment sur celui qui a jeté la première pierre, enfin, chaussure. Peut-être un ex-urbain voulant perpétuer une tradition locale, ou quelqu’un, comme ça, désirant voir jusqu’à quel point les gens étaient prêts à faire quelque chose d’insensé simplement parce qu’une personne avait commencé à le faire et qu’ils en déduisaient que ça avait forcément un sens pour elle, même s’ils n’étaient pas en mesure de l’appréhender ? Mais à qui appartiennent ces pompes, parfois dans un état tout à fait honorable ? Aux gens du coin ? Aux zouaves qui, après avoir jeté une canette et écrasé un hérisson, se sont dits, « pourquoi pas larguer mes shoes maintenant » ? Ou à des gens comme moi, par exemple, passant devant l’arbre en allant d’un point A à un point B, remarquant sa singularité, rebroussant chemin et trouvant cette initiative si fascinante qu’ils s’extraient de leur voiture, enlèvent leurs chaussures, les attachent l’une à l’autre et les envoient le plus haut possible dans l’arbre, participant ainsi à la croissance d’un projet indéfini sur lequel ils n’ont aucun indice ? Allez savoir… En tout cas, j’ai conservé les miennes ! C’est plus pratique pour conduire !

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Ce moment, magique, où, après s’être temporairement éclipsé derrière les nuages épais nimbant le monde d’une noirceur apocalyptique, le soleil rougi réapparaît, fier et victorieux, pour ressusciter tout ce et ceux que ses rayons touchent.

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De façon générale et quasi universelle, les panneaux de signalisation ont, par définition, pour fonction d’indiquer, je dirais même plus, de signaler, la proximité ou l’entrée d’un site : une ville, un parc, une aire d’autoroute, une gare, une forêt, un musée, un hôpital, une grotte, un département, une réserve naturelle… En somme, quelque chose de concret, de solide, de palpable, de réel. Pourvu d’un contenu, des immeubles des gens, des arbres des fleurs, des voitures des toilettes, des trains des passagers, des arbres des animaux, des tableaux des gardiens, des malades des soignants, des insectes des stalactites, des villes des champs, des girafes des éléphants… Je trouve donc plutôt réjouissant et puissant que, une fois n’est pas coutume, un tel panneau se fasse non pas l’écho de ce qui existe mais de ce qui n’existe pas : une ligne purement imaginaire, située dans un désert qui plus est ! Prenons-en de la graine et allons planter, dans nos contrées un peu trop conventionnelles, les marques de nos rêves et utopies !

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Si le voyageur peut accepter, sous certaines conditions, d’être taxé de touriste – ce qu’il est quoi qu’il en pense et malgré la connotation négative que peut recouvrir ce terme -, il est nettement moins flexible et compréhensif lorsque d’autres voudraient voir en lui un simple mouton de Panurge suivant le flux sans réfléchir. Ou les conseils de son guide de voyage dont il a indéniablement besoin tout en ressentant une petite gêne d’avoir recours à cet appendice pour appréhender l’inconnu. Dans ce contexte nimbé d’illusions, ce que le voyageur aime par dessus tout est donc cette sensation de ne pas être un touriste comme les autres.

Imaginez donc sa fierté lorsqu’un autochtone avec qui il a sympathisé partage ses plans préférés, ceux-là même qui ne se trouvent pas dans les anti-sèches du migrant temporaire qu’il est et qui sont à peine indiquées sur les cartes. « Là, sur cette route, entre telle ville et telle autre, une piste partira à la perpendiculaire, il ne faudra pas la rater car il n’y a aucune indication, vous bifurquerez là et ensuite vous devrez rouler une bonne dizaine de minutes avant d’atteindre cette petite plage magnifique et isolée que seuls les gens du coin connaissent… » Bien évidemment, le voyageur ne verra la fameuse piste que seulement après l’avoir dépassée, il pestera le temps de son demi-tour à la hussarde tout en souriant légèrement, conscient de n’avoir jamais été aussi près d’un endroit « spécial ». Chaque virage sera une aventure en soi et lorsque, pour la première fois, il apercevra ladite plage au loin, effectivement perdue au milieu de nulle part et peu fréquentée, il garera sa voiture sur le bas-côté pour immortaliser cet instant avant d’achever son trajet et de foncer tête baissée dans une eau qu’il ne pouvait imaginer si translucide et turquoise. Et là, tel un poisson dans l’eau, il pensera que, définitivement, il n’est pas un mouton.

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Manifestement, l’homme et la nature n’adoptent absolument pas la même méthode pour aller d’un point A à un point B. Si la première apparaît diaboliquement efficace et d’une arrogance kilométrique, la seconde séduit par ses tergiversations, sa patience, son sens du compromis et du passage en douceur. Et voilà que, tout d’un coup, je me sens beaucoup plus proche d’elle et de sa façon d’aborder les éléments !

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La vie de silhouette à terre est finalement assez triste : son destin est déjà tout tracé, voire piétiné, avant même que son emplacement définitif ne soit déterminé. Elle me paraît même un peu cruelle à vrai dire quand, comme ici, elle doit suggérer le mouvement alors même qu’elle est clouée au sol, immobile, condamnée à regarder devant elle, à la verticale, et à voir les gens, autos et nuages défiler sans lui prêter la moindre attention. C’est un peu comme si on stoppait net une partie d’1, 2, 3 Soleil, laissant les joueurs dans une position instable jusqu’à la fin de leur existence. On aurait envie d’aller les bousculer pour, qu’au moins, ils puissent aller au bout de leur élan. Envie exacerbée avec cette silhouette faussement vagabonde prise dans une tempête de neige, artifice printanier qui lui confère un tout autre relief…

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