Toujours au cours de cette fameuse balade portuaire… Une nouvelle espèce de denrées – faut-il le préciser, de luxe – a fait son apparition à fond de cale : des petites formes ouatées, généralement blanches, qui, au naturel, se baladent nonchalamment dans le ciel comme si elles y étaient chez elles et s’effilochent en quelques minutes, voire quelques heures pour les plus résistantes. C’est là que réside toute la difficulté de l’opération, et, en même temps, tout l’intérêt pour les manœuvres de tripodes les plus agiles qui viennent de tout le pays pour se frotter au défi ! Il n’y a que très peu d’attrape-nuages dans le monde. C’est un peu comme les Maîtres Laquier au Japon désormais érigés en Trésor National Vivant. Ceci dit, le transport de nuages, qui a connu ses plus beaux jours dans la deuxième moitié du 19ème siècle, tend à disparaître…
Une question de rentabilité essentiellement et de l’échec retentissant des ruses classiques des armateurs d’aujourd’hui pour l’augmenter. Cela remonte à la fin des années 90. Malgré les réserves de certains, ils ont commencé à mettre de plus en plus de nuages dans les cales… Les trois, quatre premiers trajets – assez courts – se sont bien déroulés. C’est ensuite que les premiers bateaux ont commencé à chavirer. Les nuages étaient trop à l’étroit dans les bas fonds, trop condensés… Impossible de tenir dans cet état, ils finissaient tous par se transformer en pluie, augmentant considérablement le poids du bateau, dès lors incapable de continuer à flotter ! Les marins avaient beau écoper, les plus chanceux se sont retrouvés à l’eau à déclencher leur signal de détresse. Certains ont alors eu la chance de voir un spectacle extraordinaire : la re-formation des nuages, recomposés en d’autres formes, et leur évasion vers des cieux plus contemplateurs…