Photo-graphies et un peu plus…

J’aime cette photo et en même temps, une partie de moi regrette de l’avoir prise. En la regardant, je revois la grappe de touristes que nous étions, débarquant dans ce village Masaï, la tête pleine (pour ma part) des histoires de Karen Blixen, pour admirer les hommes danser et sauter – très haut, sur eux-mêmes, comme s’ils avaient des ressorts à la place des jambes, ce qui est très impressionnant -, les femmes créer et vendre des bijoux avec de petites perles multicolores, et les enfants jouer, naturellement, imperméables à tout ce cirque. Evidemment, l’argent qu’ils gagnent en se produisant ainsi et en nous laissant déambuler dans leur monde comme dans un musée (pour ne pas écrire zoo), en nous permettant de les voir vivre tout simplement leur est utile voire nécessaire, mais la situation n’en demeure pas moins gênante. Comme une violation de territoire, consentie par défaut. Cela viendrait-il à l’idée d’un tour operator africain de proposer des visites de villages reculés de France pour y observer les petits vieux attendre la fin de la journée sur des bancs, à l’instar du retournement que Jean Rouch a proposé avec son film Petit à Petit ? Reste que lorsque nous voyageons, il est parfois difficile de faire le tri entre ce que nous désirons ardemment découvrir d’un pays et de ses habitants, et ce que nous accepterions en temps « normal »…

Share on Facebook

Dans la labyrinthique et mythique médina de Marrakech. A errer de ruelles en venelles. Entre les murs ocres et la terre rouge. Le regard s’égare. Il scanne. Se heurte à des murs, des détours, des contours. Cherche le ciel. Bleu. La sortie. Des repères là où tout le monde semble savoir exactement où il est. Où la vie va piano. Là, peut-être. A l’Est de cet étal de fruits et légumes d’un marché improvisé. De l’autre côté de cette porte ouverte. Comme un œil au milieu du visage. Eclairé de l’intérieur. Une lumière vive. Blanche. Empoussiérée. Mystérieuse. Extra-ordinaire, voire extra-terrestre, dans cette ambiance étroite et haute. L’appel du fond. Comme un aimant.  Cinq notes sur un piano aux touches colorées. Une folle envie d’aller voir ce qui lui vaut cet éclat. Le chemin vers la sortie, la délivrance ? Comme dans un cliché. Un leurre, plutôt. Un patio, certes enveloppé de lueur, mais ne donnant que sur lui-même. Un clin d’œil du soleil zénithal, au passage, avant d’aller attraper d’autres regards fuyants…

Share on Facebook

Faut-il avoir peur du futur ? Mes élucubrations quantiques étant toujours dans les couches supérieures de ma mémoire, j’aurais tendance à répondre « non ». Imaginez, même si je m’apprête à caricaturer, un temps où, lorsque nous nous rendrons dans une agence de voyages (si, si, elles existeront toujours) pour réserver notre prochaine évasion réelle (une tradition qui perdurera encore longtemps même si les voyages mentaux auront pris le relais), on nous demandera bien sûr la destination, mais aussi l’époque… 5467 ? 1736 ? ou peut-être -12 583 ? Paradoxe, penseront les plus avertis, les retours dans le passé ne pouvant être antérieurs à la date de création de la machine à remonter le temps (sinon, nous aurions déjà croisé des voyageurs du futur…) ! Bref, se projeter dans cet univers-là, de science-fiction disons-le, a quelque chose d’excitant et de stimulant intellectuellement. Peut-être parce que nous ne le vivrons pas. Qu’il est virtuel.

Faut-il avoir peur du présent alors ? Le verdict n’est pas aussi direct à l’heure où l’homme découvre les affres de la virtualité (l’autre, celle des échanges d’informations de toute nature), s’engouffre dans ses abysses les yeux fermés, au risque d’y perdre un peu de sa consistance. Et ce n’est, évidemment, qu’un début. En restant du côté du divertissement, l’an passé, plus de 10 millions de personnes ont été fascinées par les avatars tridimensionnels de James Cameron, nous donnant, par la même occasion, un aperçu de ce que sera notre prochain environnement visuel (et publicitaire certainement, encore que Steven Spielberg l’avait déjà fait entrevoir avec son Minority Report visionnaire, lui-même adapté de nouvelles de Philipp K. Dick publiées en 1956) : des images devant  littéralement se jeter dans nos bras pour se faire remarquer et exister à nos yeux ! Poursuivons l’effacement… Dans la foulée du succès planétaire de ces grands hommes bleus (par opposition aux petits hommes verts, malgré la portée écologique du film), sur une île aux côtes déchiquetées, dans une ville mêlant tradition et modernité, au cœur d’une salle de fans illuminés, un nouveau pas était franchi : tout d’un coup, l’écran devenait obsolète.

Hatsune Miku, 16 ans, 1m58, 42 kilos, tempo de 70 à 150, tessiture entre A3 et E5, déhanchement cadencé, longs cheveux bleus, gestuelle étudiée, look de manga, flotte quelques centimètres au dessus de la scène et chante des mots repris en chœur par son public. Pas d’illusion d’optique, car « c’est juste un hologramme » pourraient lâcher des fans d’un autre âge. Son nom signifie « premier son du futur » ; sa voix a été développée, sans fausse note, par Yamaha ; son image – calibrée, il va sans dire – par Crypton Future Media, émanation de la fameuse planète. Une sorte de synthespian nouvelle génération. Elaborée pour être l’objet marketing parfait, irrésistible. C’est effrayant de se savoir à ce point manipulable. De voir cet engouement tout ce qu’il y a de plus réel pour un phénomène (de foire ?) totalement virtuel, si ce n’est les musiciens, les seuls à transpirer sur scène. La machine est si bien huilée (et pervertie) que les fans se font paroliers (faisant notamment répéter à la star qu’elle les aime !, comme quoi, on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même) et vont ensuite payer pour acheter un album ou voir un concert dont, ils sont, d’une certaine manière contributeur… Si du virtuel peut émaner des sentiments et émotions réels, n’est-ce pas une négation de l’humain, de l’homme que de s’amouracher d’une entité dont le cœur ne peut s’arrêter puisqu’il n’existe pas ? Est-il là le futur de l’humanité, esseulé dans un coin, derrière une vitre teintée, en haut d’une forteresse de métal, prêt à être englouti par la lumière blanche ? Tel un bon vieux souvenir.

Share on Facebook

D’où nous vient cette habitude de regarder les bateaux passer, en particulier sous les ponts ? Combien de promeneurs, en en voyant un s’approcher, interrompent leur marche, s’arriment à la balustrade, penchent légèrement la tête et filent, sans s’en rendre compte, vers une rêverie solitaire inspirée par le seul glissement cahoteux du vaisseau sur l’eau et les conduisant de l’autre côté du rivage ? Il n’y a pourtant rien, de prime abord, d’extraordinaire dans la scène.

Réminiscence de la petite enfance peut-être ? Dès le plus jeune âge en effet, les parents prennent soin de s’arrêter net dès qu’un bateau passe : « oh, regarde le bateau sur l’eau! » disent-ils à leur progéniture en suivant le bateau du doigt. Même initiative dès qu’un train passe : « oh, regarde le train qui arrive ! » en le suivant du doigt ou dès qu’un avion passe : « oh, regarde l’avion là-haut » en le suivant aussi du doigt… C’est très important de savoir suivre du doigt un objet qui bouge ! Bref, un apprentissage méthodique de la spatialisation et de la richesse des modes de transport ! Vraisemblablement quelque chose qui s’inscrit dans notre cerveau reptilien (oui, oui, c’est exagéré) puisque, des années après, on se retrouve, parfois très pressés pourtant, à faire une pause sur les ponts afin de voir parader des inconnus bienheureux. On imagine alors leur vie, on se demande d’où ils viennent, et puis on finit par penser que l’on aimerait bien, aussi, être dans un bateau, un train, un avion pour rendre visite à l’ailleurs…

Share on Facebook

Un grand-père promenant son petit-fils venu pour le week-end. Probablement parisien et apprenti penseur, en attestent sa marinière,  ses bottes et la position de son bras dans le dos. Une mer plate, un ciel bleu et deux voiliers a l’horizon – un grand, un petit – pour parfaire le cliché. Il est parfois agréable de pouvoir se reposer sur des valeurs sûres…

Share on Facebook

… ou le rêve de la maison individuelle… Se réalise-t-il dans le lotissement moderne à l’espagnole où chaque maison est la copie conforme de sa voisine, à la piscine près ? Aberration écologique en soi dans une région pour le moins aride où l’activité économique modérée ne semble pas justifier cet étalement urbain, ce qui le rend doublement aberrant en période de crise… Que reste-t-il d’individuel dans cette approche de masse ? L’horizontalité ? Qui fait qu’au lieu d’avoir toutes les cuisines, salles de bain, chambres les unes au dessus des autres, elles sont translatées de quelques mètres ? Jusqu’où peut aller notre désir de maison ? La question m’a été posée récemment. L’alternative cabane, greffée temporairement aux armatures métalliques du Centre Pompidou, joue la carte de l’extrémisme. La cabane dans la ville… Un jeu d’équilibriste !

Enfants, nous en avons dessiné des maisons, à la demande de nos maîtresses, de nos parents, et puis, petit à petit, de notre propre chef. Un rectangle, un toit pointu,  une cheminée qui fume (même en été), des fenêtres également réparties sur la façade, une porte au milieu. Parfois, un arbre à côté, une voiture, un chemin sinueux qui mène au perron, une barrière, une petite rivière en contrebas, voire un chien dans le jardin, des fleurs, beaucoup de fleurs, un escargot pour les plus pointilleux… Et parfois encore, une maman, un papa, une sœur, un frère, un bébé à la base, enfin, quelle que configuration familiale que ce soit. Selon ce qui figure ou pas sur ces dessins, les adultes en déduisent un certain nombres de choses et de destins, comme, par exemple : si les portes sont petites, c’est que l’enfant a des problèmes relationnels. On imagine aisément la panique de l’adulte découvrant une maison dont les fenêtres ont des barreaux, dont la porte est ouverte avec des flammes qui en sortent… La « maison », quelle que soit sa forme, concentre l’affectivité, la relation aux autres… C’est cette idée qui perdure avec les années : la maison, c’est l’endroit où l’on rêve de se sentir chez soi.

Share on Facebook

category: Actus
tags: , , , , , ,

Les déambulations sur la plage réservent toujours des surprises… Quand le marcheur aux aguets en repère une, une partie de lui devient le chercheur d’or qui aurait trouvé sa pépite… D’abord, le soulagement après une quête qui a pu durer des heures : quelque chose d’étonnant s’est enfin présenté à l’horizon. Ensuite, la phase d’observation : il entame alors une danse du vent autour de la chose en question pour vérifier qu’il ne s’agisse pas d’une vulgaire copie. Puis vient le doute : est-ce vraiment une plante ? Un doute suivi d’innombrables questions sans réponse : que fait cette plante  esseulée sur cette plage normande ? de la résistance ? comment est-elle arrivée là ? y en a-t-il d’autres un peu plus loin ? Les hypothèses défilent : elle a poussé toute seule comme par enchantement ; elle a été plantée par une personne qui déménageait et n’avait plus assez de place pour l’accueillir dans sa nouvelle demeure, ou par un cinéaste en herbe caché derrière le tas de sable là-bas et récoltant les réactions des promeneurs ; elle a déserté l’horticulteur terrien qui l’avait fait naître pour changer de paysage, et se faire une virée en mer, qu’elle n’avait jamais vue… Et à nouveau une question le taraude : la laissera-t-on grandir tranquillement ? Sa pépite en boîte et ses questions en suspens, le marcheur repart, bien décidé à montrer à tous sa dernière trouvaille !

Share on Facebook