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Par nuit douce et tempérée, la lumineuse esplanade de la Pyramide du Louvre se peuple d’une faune copurchic, distinguée et radieuse valsant, par grappe de quatre personnes dont deux toujours tapies dans l’ombre, d’un point remarquable à l’autre de la place avec une telle agilité que jamais elles ne se croisent. De telle sorte que, toujours, elles s’imaginent seules au monde.
Laisser le passé derrière nous – irrévocable et singulier -, ne pas conjecturer sur l’avenir – indéterminé et pluriel -, l’un comme l’autre hors de notre vue, pour canaliser notre énergie et nos efforts sur la seule fenêtre ouverte au direct : le présent – ici et maintenant -, là où tout se joue, là où tout se ressent, là où tout se vit.
Le négatif a, curieusement, une âme de vampire : il vénère l’ombre de sa cartouche opaque et le dos bien hermétique d’un appareil photo ; en toute logique, il ne supporte pas la lumière, directe ou pas, et se consume irréversiblement à son contact… Aussi, lorsque, par accident ou mégarde – une erreur de manipulation, un choc brutal… -, celle-ci réussit à se faufiler jusqu’à lui à une vitesse telle que toute réaction humaine est malheureusement vaine, toutes les formes, toutes les histoires, tous les regards, tous les événements qu’il a au préalable pu capter – de la lumière, pourtant – se teintent d’un rouge-orange vif avant de disparaître pour toujours comme s’ils n’avaient jamais existé et que le monde s’arrêtait là, net…
Ce brasier tapi au fond de soi
Cette incandescence domestique
Et même domestiquée
Trépignant d’impatience
Et tambourinant sans répit
Comme un animal en cage,
Thoracique
Chérissant les soirs
De feux d’artifice
Où les frontières s’effacent
Les transferts s’opèrent
Pendant que les corps exultent
Et que l’âme souffle
Enfin.
Si je focalise toute mon attention sur mes deux amis à la lisière de ce wagon au fer piqué par les années regardant eux-mêmes intensément, fixement, pensifs et comme envoûtés, le futur s’approcher à grandes enjambées et le paysage défiler hors du cadre fermé de cette porte de train ouverte, verrai-je aussi ce qu’ils voient ? En somme, le regard est-il transitif ?
Je poursuis mon inventaire très personnel des néophotologismes avec cette splendide « balanciel », autrement dit, une balançoire ayant l’étrange particularité d’être accrochée au ciel. J’en conviens, si nous nous laissons aller à être un peu trop terre à terre en nous référant uniquement à nos connaissances actuelles sur le ciel, et en particulier, sur sa composition – une bonne dose de diazote, une quantité raisonnable de dioxygène, une pincée d’argon et un soupçon de dioxyde de carbone, en résumé, de l’air, donc, un gaz, donc une substance occupant tout l’espace disponible et surtout non préhensible, a fortiori auquel on peut difficilement accrocher quoi que ce soit -, l’existence de la balanciel est difficile à concevoir. D’où l’intérêt et la force de la preuve par l’image !
Quant à se hisser jusqu’à elle, deux solutions. La première, des plus logiques : le ciel déroule ses bras de corde jusqu’au sol et, comme avec la balançoire, qui se pratique également en journée, il vous suffit de vous poser sur la planche avant que le ciel ne vous remonte à sa hauteur, et convoque un léger zéphyr pour vous balancer sans que vous n’attrapiez froid ou ayez mal au coeur. Seconde option, bien plus amusante mais aussi relativement risquée : sauter sur un trampoline jusqu’à atteindre ladite planche déjà haut perchée, s’y harponner tant bien que mal, et, par chance, se la couler douce dans les airs…
C’est bien tentant de voguer de-ci de-là sur sa planche à roulettes en toute insouciance. Encore faut-il avoir pleinement conscience du risque de dissociation voire de dislocation corporelle, certes temporaire mais tout de même, que fait peser cette activité hautement sautillante et elliptique sur tous ceux qui la pratiquent. Pour garantir leur intégrité, ces derniers se doivent également de maîtriser les différentes figures permettant de recoller les morceaux avant de se lancer officiellement ! Et dans le bon sens, de préférence…
Chemin faisant, ils ont atteint le bord de l’eau, glaciale, et, plutôt que de faire demi-tour au pied de ce mastodonte basaltique, sans prononcer le moindre mot, sans s’échanger un quelconque regard, ils se sont enfoncés plus encore dans cette dense fumée de mer jusqu’à disparaître entièrement…
Si j’habitais Berlin et si j’avais à donner rendez-vous à quelqu’un sur l’immense Alexanderplatz, je choisirais certainement cet endroit aussi. Ce ne serait certes pas très original, mais j’aime l’idée de me retrouver sous cette horloge universelle – Urania pour les intimes, Weltzeituhr pour les germanophones – coiffée d’une version miniature – et simplifiée – de notre système solaire en rotation. Divisée en 24 portions, comme 24 fuseaux horaires, Urania indique l’heure qu’il est partout dans le monde en permanence grâce à un savant système de double cylindres. Ainsi, tout en étant à Berlin, pourrais-je lancer des rendez-vous énigmatiques du style : « Retrouvons-nous à 16h à Anchorage ! N’oublie pas tes moonboots… » ou « Rendez-vous à 10h à Caracas ! Nous aurons le téléphérique pour nous ! » voire « 00h à Tokyo – je porterai un chapeau melon rouge et picorerai un okonomiyaki »… Bien sûr, cela requerrait une certaine maîtrise voire une maîtrise certaine à la fois de l’addition et de la soustraction, et il y aurait certainement quelques ratés au début, mais les rendez-vous, prétextes à de multiples voyages imaginaires, n’auraient-ils pas une toute autre saveur ?
… dans un ballet de lumières ! 2 Share on Facebook
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Share on FacebookOu les montagnes russes, ou l’ascenseur, l’idée sous-jacente étant de passer d’un état à un autre – bas, haut ; côté gauche, côté droit ; tête à l’endroit, tête à l’envers… – en un temps si court que nos émotions passent elles-mêmes de la peur à la joie, de l’excitation à l’horreur, de l’effroi à […]
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