… du promeneur solitaire. Partition changeante de bord de mer. La symphonie chaotique. Note grave et tenue à la poupe du navire à roues : un homme marche, seul. Un do de face. A l’horizon incliné par son poids, un grain se pointe. Coups de tambour. Avis de tempête temporaire. Lui, serein, poursuit sa route. Le fil.
Voilà ce qui se passe parfois… Parfois, on continue à garder notre parapluie ouvert ou au-dessus de notre tête alors qu’il ne pleut plus depuis quelques minutes ou que l’on est sous un pont. Parfois, on met autant de temps à réaliser qu’il n’y a plus de musique au bout de notre casque et que le seul bruit que l’on entend est, en fait, notre cogitation intérieure.
L’instant où l’on réalise cette incongruité est singulier : le monde sous lequel on s’abritait et qui nous préservait des autres se fendille. On se sent alors un peu bête comme si l’on émergeait d’un profond sommeil au beau milieu de la foule.
L’écoute matinale de la radio conduit, de temps en temps, à se poser un certain nombre de questions, triviales parfois, ou à lancer quelques commentaires à la volée, désobligeants parfois… Quand, par exemple, un philosophe est convoqué pour ergoter très sérieusement sur le ballon rond et la catastrophe nationale qui se joue à l’autre bout de la planète, on se dit que, quelque part, le monde ne tourne pas rond, qu’on a manqué un épisode…
Evidemment, si ces philosophes engageaient autant leur pensée sur des choses plus sérieuses, l’équilibre serait respecté. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas… On en oublie qu’aujourd’hui, c’est le 1er jour de l’été, même si la météo nous y aide un peu ! Et que, comme chaque année en ce même jour depuis 28 ans, c’est aussi la Fête de la Musique ! C’est donc le bon jour pour se souvenir que la musique adoucit les mœurs même si l’envie serait plutôt de tout envoyer en l’air, comme le font ces enfants bien accrochés à cette balancelle défiant la pesanteur !
« J’avoue j’en ai bavé pas vous mon amour, avant d’avoir eu vent de vous mon amour. Ne vous déplaise, en dansant la Javanaise, nous nous aimions, le temps d’une chanson »… ça vous dit forcément quelque chose… Et bien, c’est ce que chantait et grattait le jeune homme là, sur la photo, assis sur une pelouse normande baignée par le soleil du week-end. En boucle. Il y a deux jours donc. Et la chanson est toujours là, dans les couches supérieures de ma mémoire, venant, depuis, rompre de façon inopinée les instants de silence et de concentration comme si elle avait une vie à elle. J’ai de la chance : il y a pire que chantonner une mélodie de Gainsbourg… Car, en général, ce ne sont pas les chansons connues pour leurs grandes qualités musicales qui nous hantent, mais plutôt le tube lourd du moment, le jingle pub, la chanson pour enfant, qui nous font clamer, tout de go, un ridicule « voulez-vous coucher avec moi, hun hun ? » devant vos collègues ou amis ahuris, mais rapidement contaminés… C’est la partie la plus drôle de l’air entêtant, que l’on s’échange comme les miasmes en hiver…
Les anglophones parlent de « earworm », une sorte de ver sonore, ou de « musique obsédante » comme les qualifie Andréane McNally-Gagnon, doctorante au Brams (Laboratoire International de recherche sur le cerveau, la musique et le son) à Montréal… Elle a ainsi établi un classement des 25 musiques les plus obsédantes pour des francophones sur une liste de 100 chansons présentées. Aller y faire un tour est évidemment éminemment dangereux, mais à notre époque bercée par le principe de précaution, il faut savoir être courageux ! « J’avoue j’en ai bavé pas vous mon amour, avant d’avoir eu vent de vous mon amour. Ne vous déplaise, en dansant la Javanaise, nous nous aimions, le temps d’une chanson. » Et zut !
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