Comment suggérer un sens de lecture lorsque l’on compose une image, que celle-ci comporte peu d’éléments ou, à l’inverse, beaucoup, comme dans cette église reimoise ? Une des réponses que je défends avec verve se traduit par un passage au coin. Peut-être des réminiscences de lointaines punitions… Mais pas le coin qui coince le regard et l’enferme dans une semi-obscurité sensée aider l’exilé à réfléchir à sa bêtise, mais celui qui révèle et offre une nouvelle perspective. Le coin lumière en quelque sorte.
L’obsession des lignes dans les coins n’est pas toujours facile à assumer car elle oblige à se contorsionner. Il faut accepter d’être ridicule, et donc, d’être regardé bizarrement. Heureusement, lorsque l’on est atteint d’obsession angulaire, on fait abstraction de tout ce qu’il y a autour. Seuls les coins comptent. Au maximum, quatre. Mais pour les lignes, cela peut vite devenir bien plus impressionnant. Et à vrai dire, plus il y en a à faire converger dans les coins de l’image, plus le défi est grand, plus le jeu, qui pourrait s’apparenter à du billard photographique, est intéressant et jouissif. Ainsi en est-il de cette église à l’architecture gothique. Point d’entrée : en bas à droite. On monte, puis on descend le long de l’arc brisé, on emprunte une première nervure qui nous conduit au coin haut droit, une autre nous fait alors redescendre dare dare dans le coin opposé. Deux solutions se présentent alors à nous, la boucle en optant pour l’enchaînement des deux arcs brisés sur la droite, ou l’aventure en se dirigeant vers la gauche pour deux nouvelles séries d’arc. Malheureusement, la route s’arrête là. Aucun moyen de rallier le coin en haut à gauche à celui de droite. Le grand architecte a gagné ! Pour cette foi(s) !
Celle-là, j’ai réussi à l’attraper avec mon épuisette à papillons il y a quelques jours à peine. Ni trop courte, ni trop longue, exactement la taille nécessaire pour se prendre correctement dans le filet. Je l’avais vu passer il y a quelques années déjà, mais dans la précipitation, elle m’avait échappée… Le stress… Ce n’est effectivement pas tous les jours que des expressions paradoxales se présentent à nous. Ainsi en est-il des « 4 coins du globe » ou, parfois, « de la planète » qui, nous le savons depuis Aristote et même Platon, c’est-à-dire il y a très très longtemps (IVe siècle avant JC), est ronde. Patatoïde en fait, ou plutôt aplatie aux pôles, ce qu’ont montré plus récemment les images satellites. Certains l’ont imaginé plate ou ayant la forme d’un cylindre avec deux faces plates et une certaine épaisseur, d’autres qu’elle était accrochée à un pilier pour ne pas tomber… A quoi était lui-même fixé le pilier, l’histoire ne le dit pas…
Et quel est le point commun entre un disque et un cylindre, les deux formes pressenties pour notre planète ? Ils n’ont pas d’angles ! Or, en l’absence d’angles, nous pouvons conclure en celle de coins. Et en l’absurdité d’une expression comme « les 4 coins du globe », même si ledit globe comporte quelques petits coins de paradis… C’est toute la subtilité de la langue française. A la fois sur le coin et sur le paradis, dont il faudrait alors discuter de l’existence, ce qui nous mènerait probablement très loin. A des années lumières d’ici. Qui, contrairement à ce que l’on pourrait croire, n’est pas une durée mais une distance… Bref, tout comme la Terre n’a pas de sens, elle n’a pas de coins non plus. Mais cela se complique… Dans l’ancienne cosmologie chinoise, le ciel était rond et la Terre carrée. Ce qui change tout. Car, le carré est très précisément connu pour la perfection de ses angles, droits. Ainsi, à cette époque reculée, aller aux 4 coins du globe pouvait avoir un sens, indépendamment du fait que la Terre n’a pas de sens donc, et qu’un globe, que la Terre soit ronde ou carrée, reste un globe, comme l’œil. Imaginons-nous, par exemple, quelques instants, avec les yeux carrés ou cubiques. Il nous serait alors impossible de « rouler des yeux ». Ce serait dommage ! Revenons à la cosmologie chinoise… Le rond du ciel était circonscrit dans le carré terrestre de telle sorte que les quatre coins de la Terre n’étaient pas recouverts par le ciel et étaient perçus comme des « territoires incultes peuplés d’êtres non civilisés » (cette analyse semblerait provenir du sinologue Michel Granet). Contrairement à aujourd’hui, se rendre aux quatre coins du globe à cette époque n’était donc certainement pas très positif et glorieux puisqu’il s’agissait d’aller à la rencontre de sauvages. Ceci dit, l’autre est toujours un peu un sauvage pour soi… Même si c’est encore un abus de langage ! Quant à savoir si cette expression vient de l’empire du milieu, je n’en ai fichtre aucune idée !
11 Share on Facebook
Share on FacebookUn même homme – l’un affichant un sourire naïf de période pré-électorale, l’autre le sérieux de la mission acceptée -, deux opinions diamétralement opposées rendues publiques à des milliers de kilomètres l’une de l’autre et quelques mois d’intervalle. A l’espoir bombé en noir sur la porte condamnée d’un immeuble d’un Brooklyn en pleine réhabilitation répond […]
Share on Facebook7 Share on Facebook
Share on Facebook