Bien sûr, je n’entends pas réellement répondre à cette question, qui compte quand même 3 490 occurrences sur le moteur de recherche omniscient, d’autant que la réponse change certainement au fil des âges… Je ne me souviens plus de ce que je pensais des zoos étant petite, mais comme les enfants d’aujourd’hui, j’imagine que je faisais le ouistiti en découvrant, en vrai, des animaux auxquels je n’avais généralement accès que par les livres ou la télévision. Maman, si tu me lis… Apostrophe inédite qui soulève une autre question : le zoo est-il une sortie de maman ou de papa ? A vrai dire, j’ai le sentiment qu’il s’agit plutôt d’une sortie de famille. Mais revenons à nos moutons… Enfant, je ne voyais probablement pas la cage, les barreaux, les enclos pour ce qu’ils sont en réalité – des privateurs de liberté, des incitateurs à tourner en rond – mais pour leur vertu protectrice : ils créaient une distance infranchissable, d’un côté comme de l’autre, me permettant, malgré une appréhension certaine, de m’approcher au plus près en minimisant ma peur, d’être impressionnée, et peut-être, déjà, de rêver de les voir en vrai de vrai. Dans leur habitat naturel. Par opposition au « en vrai » simple, relatif au passage de la 2D (livre, télé) à la 3D emprisonnée (zoo).
Je me doute que, comme dans tous les secteurs, il existe mille réglementations à respecter quant à la taille des espaces de vie réservés aux animaux dans de classiques zoos. Mais une cage reste une cage par rapport à une plaine, à une montagne, à une forêt, à une rivière, où ces animaux pourraient évoluer librement, peut-être même en faisant des tours et des tours sur des périmètres réduits, mais par choix et non, par absence de choix. Je ne mets pas en doute, non plus, l’intérêt pédagogique et social que peuvent avoir les zoos pour les enfants. Mais, quand, un peu plus grand, accompagnant des plus petits, on se retrouve face à une volière où une chouette déploie ses ailes simplement pour se souvenir qu’elle en a, ou face à un babouin neurasthénique, littéralement prostré devant une vitre malgré les gesticulations simiesques d’homo sapiens sapiens de fait déçus par son manque de coopération que l’on pourrait interpréter comme une accusation – regardez, regardez bien ce que vous avez fait de moi ; il n’y a pas de quoi faire le paon ! -, l’interrogation liminaire prend malheureusement tout son sens… Comment se mesure le bonheur d’un animal en cage ? Cette question est, sans nul doute, très très bête !
Je trouve très rassurante cette capacité qu’a l’être humain à se laisser porter et emporter spontanément par ses anciens jeux d’enfants même quand il a atteint l’âge adulte… Celui-là même où, en théorie, on ne doit plus s’amuser à cache-cache derrière de grandes colonnes s’avérant d’ailleurs aussi mystérieuses qu’un mirage dans le désert.
Cela faisait bien 1h30 qu’on roulait… L’atmosphère dans le bus s’était un peu calmée, la fatigue matinale aidant, mais il y en avait toujours trois ou quatre qui relançaient les hostilités à un moment ou un autre, et qui finissaient par contaminer tout le monde, au grand dam des monos. Ils devaient bien se marrer, intérieurement. On sentait qu’on s’approchait du but de l’excursion, la forêt devenant de plus en plus touffue. Il n’y avait personne d’autre sur la route. Que nous. Une petite quarantaine d’enfants excités, un jeudi de vacances en centre aéré. Le chauffeur avait enfin ralenti, jusqu’à s’arrêter. Mais pas sur un parking, sur la route elle-même. Un barrage. Il y avait un barrage devant. Des personnes bloquaient la route. Des fumigènes. La marmaille que nous étions s’était tue sur le champ. Le bus avait dû se garer et les monos nous avaient fait descendre. Comme ça. Il y avait un peu d’agitation dehors. D’autres cars étaient parqués, à proximité. D’autres enfants attendaient aussi, dans un silence auquel ils n’avaient habitué personne. On sentait bien que quelque chose d’anormal se tramait.
Dans la forêt, là-bas. Une lumière d’une rare intensité passait à travers les troncs, les branches, les feuilles. Comme pour nous aveugler. Des volutes de fumée enveloppaient la zone vers laquelle nous nous dirigions, mi amusés mi effrayés. Il y avait quelque chose. Quelque chose de grand. Quelque chose que nous ne connaissions pas. Le bois sec et les feuilles mortes craquaient sous nos pieds, des cris d’enfants rebondissaient d’arbre en arbre. Et toujours cette lumière. Blanche. Au fond. Comme un guide. Un aimant. Plus nous nous approchions, plus il y avait de fumée, au cœur de laquelle nous distinguions une forme à laquelle nous ne voulions croire. Une soucoupe. Volante. Posée sur l’humus. De quatre, cinq mètres de diamètre. Avec de petits hublots. Une antenne. Et dans cette brume artificielle, marchant d’un pas lourd, d’étranges silhouettes casquées… Qu’on voulait faire passer pour des extraterrestres. Des extraterrestres, rien que pour nous. Pour notre sortie du jeudi. A quel instant avions-nous compris cette géniale supercherie fomentée par nos animateurs associés à ceux d’écoles voisines ? A quel instant notre cœur d’enfant crédule avait-il repris son rythme normal pour profiter de l’univers extra-ordinaire dans lequel il avait été plongé sans ménagement ? Et à quel point mon âme d’adulte a-t-elle transformé cette histoire dans sa mémoire pour la rendre encore plus incroyable ?
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