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Personnellement, je fais partie de la deuxième catégorie… De celle qui n’écoute plus les consignes de sécurité dans les avions dispensées juste avant le décollage par des hôtesses et stewards en pilotage automatique et toujours à deux doigts d’inventer la future danse de l’été : Lambada, Macarena, Soca Dance n’ont qu’à bien se tenir, l’Aeronava débarque ! Retirez leur des mains les objets qu’ils tiennent – ceinture, gilet, masque – et gardez les gestes, vous admettrez aisément qu’il y a là un vrai potentiel festif. Et en même temps éducatif !
Imaginez la scène : vous avez pris place à bord d’un Eyeliner, le départ est imminent, mais au lieu de vous demander de vous asseoir, les maîtres des lieux vous somment de rester debout pour intégrer les consignes de sécurité. Une musique entraînante et forte se met en route, savant mélange de notes conçu pour s’imprimer durablement dans votre cerveau et hop, la zumba céleste commence. Chacun doit imiter l’hôtesse la plus proche et reproduire ses gestes trois fois de suite : on prend la ceinture, on la lève au dessus de sa tête, on se retourne, on la présente à ceux qui sont derrière, puis on la met autour de la taille clac avant de tirer oh hisse oh hisse en faisant des mouvements exagérés. Une fois arnaché, on lève le bras droit trois fois de suite, avec l’index tendu une première fois au dessus de sa propre tête, une deuxième fois au dessus de celle de son voisin, et une troisième fois à nouveau au dessus de soi. Tout cela avec le sourire bien sûr ! Là, on simule l’arrivée d’un masque à oxygène que l’on se place à plusieurs reprises sur le visage en inspirant et expirant bruyamment vers la gauche puis vers la droite… Enfin, tout le monde se plie en deux en tendant les bras sous les sièges pour aller, virtuellement, récupérer son gilet de sauvetage. Large mouvement vers le haut avec le gilet déployé, prêt à être placé autour du cou… Les bras repliés, chacun tire de façon répétitive sur des fils invisibles pour le gonfler tout en faisant des flexions avec les jambes, schii, schii, schii, schii – réminiscence de cours d’accouchement pour certaines. Encore 5 secondes et c’est fini, on lâche tout, pffffffttttttt… Les gilets se vident de leur air artificiel et filent maladroitement dans la cabine, tels des ballons de baudruche abandonnés. Un grand cri collectif conclut la séquence et chacun s’assoit calmement sur son siège, impatient de décoller, même les plus stressés par l’avion !
Evidemment, cela ne se passe pas comme ça et cela ne se passera jamais comme ça sauf si David Guetta prend les commandes ! Dans la réalité, il y a les blasés qui n’écoutent plus les consignes car ils les connaissent par cœur, mais il y a peut-être aussi des phobiques de l’avion qui adoptent ce comportement détaché car, y être attentif signifierait qu’ils envisagent qu’il puisse y avoir un problème au cours du vol, hypothèse qui les pousserait immédiatement hors de l’avion. Y a-t-il vraiment quelqu’un qui les écoute, ces consignes ? Pour une raison qui m’échappe – mais, pas du tout ! je prévoyais d’écrire un duo sur ce sujet -, je les ai enregistrées lors d’un trajet Vancouver – Honolulu. Je ne me doutais cependant pas que ce moment de sérieux allait se transformer en franche rigolade… Une vraie hôtesse a donné sa récitation en anglais avant d’actionner un message pré-enregistré pour la version française :
« Pour attacher votre ceinture de sécurité, insérer la languette de métal dans la boucle. Tirez sur la courroie pour l’ajuster sur vos hanches. »
Ah oui, j’ai oublié de préciser que c’était une version québécoise.
« Pour détacher votre ceinture, il suffit de tirer la boucle. Votre ceinture de sécurité doit être attachée en tout temps lorsque le voyant lumineux est allumé »
Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il fasse beau donc.
« Il y a un total de 8 sorties d’urgence dans cet appareil. Il y a 4 hublots de sortie situés au milieu de la cabine (…) »
Faut pas être trop gros donc…
« (…), au dessus des ailes, deux portes de sortie à l’avant et deux portes à l’arrière de la cabine. Ces sorties d’urgence sont clairement indiquées. Prenez le temps de repérer la sortie la plus proche de votre place ainsi que l’emplacement des autres sorties de secours. Cet appareil est équipé d’un éclairage au sol qui s’allumera en cas d’urgence ou de panne d’alimentation. »
Ce n’est pas comme s’il y avait des perpendiculaires dans les avions…
« Un trajet lumineux vous conduira à la sortie d’urgence. La pression dans la cabine est réglée pour assurer votre confort. »
ça, c’est gentil ! On sent la menace potentielle si nous ne sommes pas sages…
« En cas de changement de pression, le panneau situé au dessus de votre tête s’ouvrira automatiquement et déclenchera quatre masques à oxygène. »
Je ne sais pas si c’est pour la marge d’erreur…
« Placez le masque fermement sur votre nez et votre bouche tout en plaçant la bande élastique derrière votre tête. Pour serrer tirez simplement sur les deux extrémités de la bande élastique. »
La bande élastique, c’est mignon…
« Respirez normalement et gardez votre masque jusqu’à ce qu’un agent de bord vous demande de l’enlever. Il est possible que les sacs plastiques ne se gonflent pas même si l’oxygène circule. »
Donc, pas de panique…
« Nous rappelons aux invités et voyageurs avec des enfants ou des personnes ayant besoin d’aide qu’ils doivent placer leur masque en premier avant d’aider les autres. »
Je ne savais pas qu’il y avait des invités dans les avions. De qui ? A quel titre ?
« Nous allons démontrer comment utiliser votre gilet de sauvetage puisque le vol d’aujourd’hui pourrait survoler des étendues d’eau. »
C’est-à-dire qu’en partant de Vancouver, situé sur la côte donc, pour aller à Honolulu, en plein milieu du Pacifique, cela me rassurerait effectivement que nous survolions quelques étendues d’eau…
« Votre gilet de sauvetage est situé dans le panneau au dessus de vous. Veuillez prendre un instant pour le repérer. Si vous deviez en avoir besoin (…) »
Belle formulation pour vous dire que vous seriez en mauvaise posture !
» (…), appuyez sur le panneau où se trouve le message « appuyez ici gilet de sauvetage à l’intérieur » pour ouvrir le compartiment du gilet de sauvetage. »
C’est on ne peut plus clair.
« Retirez le gilet de son compartiment. Placez un doigt de chaque main dans les trous de la pochette et tirez en direction des flèches. »
Là, je m’y perds un peu. Un doigt de chaque main ? Lequel ? Ils auraient pu être plus précis !
« Retirez le gilet de sauvetage de la pochette. »
J’aurais pensé que cette étape surviendrait avant. Peut-être un problème de compréhension à la retranscription.
« Enfilez-le par dessus la tête, passez la lanière autour de la taille, et attachez là sur le devant. Assurez vous que la lanière est bien serrée à votre taille en tirant sur l’extrémité. Une fois sorti de l’appareil, gonflez le gilet de sauvetage en tirant sur la languette rouge. Si le gilet ne se gonfle pas, soufflez dans le tube rouge. »
Si le gilet ne se gonfle pas, si le gilet ne se gonfle pas, mais pourquoi ne se gonflerait-il pas ? Ils ne font pas de vérification avant de le placer dans le compartiment prévu à cet effet ? Et si c’est comme les nouveaux packagings avec ouverture facile, ce n’est pas gagné malgré le code couleur !
« Veuillez redresser le dossier de votre siège et votre tablette et respectez les consignes des panneaux situés au dessus de vous. Si vous avez des questions et si nous pouvons vous aider de quelque que manière que ce soit, n’hésitez pas à nous appeler. Merci de votre attention. Nous vous souhaitons un bon vol. »
Extrait d’”Etats d’âme sur le macadam”, ensemble de textes griffonnés à l’aube du 21e siècle sur mes inséparables petits carnets…
*
A ma gauche, une jeune femme lit : « Le point de Mir ». Avant la catastrophe prédite. Hystérie… Ce matin, à la radio, on parlait de la rentrée d’argent dont allaient bénéficier les villes situées dans la bande d’obscurité. Camping improvisé, menu « éclipse » avec dessert aux chocolats blanc et noir. Il y a même une revue en vente depuis jeudi. Et un CD ! Que va-t-il se passer ce fameux jour ? De la pluie, tout simplement. Car, c’est effectivement ce qui nous tombe du ciel depuis quelques heures. La nature ferait ainsi un véritable pied de nez à tous ces assoiffés de spectacle. Ce qui se comprend aisément. L’événement reste exceptionnel. Mais tout ce cinéma autour… 16 pages aujourd’hui dans Le Monde ! Toutes ces couvertures… Apparition de l’éclipse. Et pour quoi ? Un ciel lunatique. J’aurais fait pareil si j’avais été lui.
Toutes les revues où des lunettes étaient offertes ont connu la razzia. Les appels ne se comptent plus. « Les lunettes sont-elles bien conformes ? » Patience admirable au standard face à cette folie passagère. N’y a-t-il rien d’autre dans l’actualité pour remplir ces pages de quotidiens, hebdos ou mensuels ? J’attends mercredi avec une certaine impatience. Mercredi soir bien entendu, pour les réactions, les images, la météo… Evénement médiatique sans précédent. Aujourd’hui, celui qui ne connaît pas les principes de l’éclipse fait preuve de mauvaise volonté. Et si c’est un échec total ? Trouveront-ils des excuses ? Le « ils » ? Les média, bien sûr. Hier, à Nature et Découvertes, trois mamies se sont présentées à la caisse : « Ça, c’est des lunettes ? » demande l’une d’entre elles à la caissière en lui montrant des diapos. Et non… On entend qu’en Belgique, il est demandé aux possesseurs de lunettes de les restituer, en vue d’un envoi massif vers l’Afrique, prochaine scène pour une éclipse totale. Partout, même ici, dans ce carnet. Mais comment passer à côté ? Tout le monde n’a que ce mot à l’éclipse. Je m’y perds ! Et c’est : « Toi, tu seras où mercredi, pour l’éclipse ? » « Eh, je reste là, de toute manière il va pleuvoir », « je ne vais pas faire comme tous ces clampins », « je vais à Compiègne, Senlis, mais ce sera serré car je n’ai pris que la demi-journée ! ». Et oui… Tragique scénario … je crois qu’on ne pense plus à celui de Paco. Claudie André-Deshays était sur les ondes ce matin, et assurait qu’il était « balistiquement » impossible que la station Mir s’écrase à Paris ce mercredi. Il est vrai que cette perspective n’aurait pas été réjouissante pour elle, son mari – Jean-Pierre Haigneré – se trouvant dans la fameuse station orbitale. Dans ce cas précis, c’est la balistique qui tranche. Un gourou, en Pologne, répand aussi sa thèse cataclysmique et a d’ores et déjà donné rendez-vous à ses disciples sur les berges du Danube. Quoiqu’il en soit, cette euphorie mêlée de panique laisse présager de quelques surprises pour le passage à l’an 2000, qui lui, concernera la planète entière. Et c’est sans compter sur le fameux Bug, punaise mondialement connue. J’ose à peine imaginer l’hystérie qui va précéder cette date. Tous les média sont mobilisés pour l’éclipse. Comment faire plus pour le « Y2K » ? Il paraît que le passage à l’an 1000 n’a pas suscité d’éclat, et ce pour une raison simple : on se repérait plus souvent par rapport à l’année de règne du roi au pouvoir. C’est comme si nous disions : « c’est la 4ème année du règne de Chirac. » Ce qui ne nous fournit pas trop d’informations sur la fin du siècle. Et puis, pourquoi cette année serait-elle différente des autres ? Il suffit de changer de référence et l’an 2000 est déjà passé !
Surface plane, à peine brisée par le vent d’ouest. Personne n’a encore osé mettre le pied dans l’eau. Et pour cause : il fait froid ! Très froid même. Il n’y a qu’à regarder comment sont vêtus les spectateurs à gauche du plongeoir pour s’en persuader. Ceux qui observent la scène hors champ, légèrement incrédules, présentent les mêmes caractéristiques vestimentaires. Blouson, gants, bonnet. De fait, je, tous, nous n’avons qu’une pensée : ces deux-là sont fous ou alors se sont lancés un défi du genre on va jusqu’à la bouée ou encore, veulent se faire porter pâle lundi ! A cet instant – photographique, car depuis, de l’eau est passée sous les ponts -, le voltigeur, même s’il ne se fait pas d’illusion quant à la température du liquide dans lequel il se jette, ne peut en effet anticiper l’ampleur du choc thermique qui va l’envahir lorsque son corps va se retrouver entièrement cerné par cette eau glaciale de piscine se remplissant au gré des marées et n’étant réchauffée que par un soleil manifestement absent ce jour-là… Pourtant, je, tous, nous, saisis par l’effroi, sommes parcourus de frissons simplement à le regarder faire !
Avant de commencer, j’appelle un ami : Robert. Il est petit, Robert, mais un peu gros et plutôt lourd quand même. Javel, pas assez loin, longueur, pas assez loin non plus, nystagmus, il est drôle ce mot, préconiser, trop loin maintenant, peucédan, première fois que je le lis celui-là, c’est quoi ? une plante vivace, peur ! Voilà, peur, c’est le mot que je cherchais. Oulala… Robert consacre une colonne entière à la peur. Les premières lignes en dressent un portrait suffisamment clair que je vous livre : « Phénomène psychologique à caractère affectif marqué, qui accompagne la prise de conscience d’un danger réel ou imaginé, d’une menace ». Viennent les synonymes : affolement, alarme, alerte, angoisse, appréhension, crainte, effroi, épouvante, frayeur, inquiétude, panique, terreur, frousse, trouille… Force est de constater qu’il y a des privilégiés dans la langue française : il est des mots pour lesquels nous disposons de bien moins d’alternatives… Viennent ensuite des citations d’illustres auteurs : « Notre faiblesse principale à nous Français : la peur de s’emballer, la peur d’être dupe, la peur de prendre les choses au sérieux, la peur du ridicule » (Romain Rolland) ou encore « Chez beaucoup de gens l’absence de peur n’est qu’une absence d’imagination » (Théodule Ribot). Théodule Ribot, philosophe, père-fondateur de la psychologie française…
C’est sûrement pour cette raison que la plupart des gens ont peur de se jeter à l’eau au beau milieu de l’océan, tout du moins, là où ils n’ont plus pieds, là où la mer se transforme en une encre noire au fond invisible… Pourtant, à y regarder de plus près, les premières dizaines de centimètres, d’une extrême pureté, sont accueillantes et même très tentantes. Malheureusement, le regard va sonder plus loin, plus en profondeur, et moins il trouve de prise où s’accoster plus il se monte des films, plus il imagine cette obscurité inquiétante remplie de créatures gluantes, vicieuses et carnivores qui s’empresseront d’abord de remonter à la surface pour frôler, puis goûter son propriétaire dès qu’il sera entièrement dans l’eau, hors de portée du bateau, totalement seul au monde, flottant maladroitement dans cette immensité qu’il sera à peine capable de concevoir… Il est vrai que, la plupart du temps, nous – êtres humains – vivons « au bord » et même « sur » quelque chose : le sol. Du sable, du carrelage, du bitume, de la moquette, de l’herbe, de la caillasse, du parquet, du métal, de la terre… Ainsi, nos pieds, alternativement en contact avec ces éléments compacts, nous assurent-ils un rapport au monde emprunt d’une sérénité toute inconsciente. Là, dans l’eau, sans repère, sans prise, sans rebord où les poser, c’est comme faire un saut dans le vide, à la différence près que ce vide-là est plein… Ce qui explique probablement pourquoi ce nageur, certes pourvu d’imagination mais aussi de suite dans les idées, s’est doté d’un masque et d’un tuba afin de voguer là où il n’avait pas pied et ainsi vérifier que ce plein était bien vide malgré tout, pour finalement couper court à toute fantasmagorie, donc peur, et profiter sans crainte de ce retour aux sources…
Une fois n’est pas coutume, je commence par le texte car ce qui suit devrait être un joyeux bazar. Tout comme le sont certains étals de vide-grenier amateur, où l’on trouve tout et souvent, n’importe quoi, parmi lesquels des objets dont nous voudrions nous-même nous débarrasser s’ils nous appartenaient. Et que nous sommes pourtant prêts à acquérir car à 1 €, le « n’importe quoi » prend du galon et peut encore faire des heureux… On se dit : « A ce prix-là, ce n’est pas grave si cela ne fonctionne pas, si cela casse dans dix jours, si je ne le mets pas, si je le perds, si on me le vole, si… Au pire, je le revends au prochain vide-grenier ! ».
Du coup, j’ai loué mon mètre linéaire car, comme avant un déménagement hâtif, j’ai besoin de faire un peu de vide dans mon dossier hebdomadaire où j’accumule les photos envisagées pour ces duos quotidiens. Il y en a quelques unes que je ne peux plus voir en peinture, certaines prennent la poussière, et de nouvelles idées s’accumulent dans les carnets avec d’autres photos… Et puis, ce sont les vacances, cette coupure tant attendue où, comme au 1er janvier de chaque année, nous tentons de prendre de bonnes résolutions (soit dit en passant, c’est simplement car nous avons enfin le temps de nous poser, de sortir la tête hors de l’eau, et donc de penser, que nous essayons de reprendre la main sur notre quotidien pour les mois à venir ; ce que nous appelons communément des résolutions donc). Bref, trêve de bavardage, il est faussement 6h du matin, l’heure de tout déballer sur mon stand et d’essayer de lier ces images, dans l’ordre où elles se présentent à moi alors qu’elles n’ont rien en commun.
C’est parti :
Il faut toujours un point de départ. Une gare aux ombres énigmatiques et un sombre passager fuyant feront amplement l’affaire…
Oublions la gare de la ville où on y danse on y danse et prenons la vedette ! Cet îlot qui, de la crête de Crater Lake, a des allures de vaisseau fantôme (comprenez, on ne le voit pas tout le temps), ressemble, depuis le niveau de l’eau, à un trou noir, une sorte de grotte inversée dans un décor de rêve…
Qui nous ferait ressortir directement dans les ruelles de Kyoto où, un peu avant la tombée de la nuit, les geishas défilent en silence et sous le crépitement des flashs de badauds les attendant au tournant…
Je me suis alors demandé où pouvaient les conduire leurs pensées à cet instant précis où elles n’étaient plus qu’un personnage au visage figé, qu’une icône aux yeux des autres dont ils voulaient rapporter une image à tout prix… Peut-être sur cette plage Quileute de La Push, de l’autre côté de l’océan Pacifique, où reposent ces trois rochers majestueux…
Et où, paradoxalement, on traverse les paysages à vive allure…
Au risque de se heurter à un mur étrangement colonisé par du lichen déshydraté… Heureusement, une manœuvre réflexe permet d’éviter le choc frontal mais elle nous projette directement à l’embouchure de ce nouvel abysse, de cette sombre porte carrée sans fond apparent.
A l’autre bout de laquelle se trouve une plage normande éclairée sporadiquement par des pétards de fête nationale. C’est là que ça se gâte, que je perds le fil et que tout s’enchaîne sans transition ni autre explication que de courtes légendes lapidaires…
Paris, Nuit Blanche… Succès démesuré. Approcher l’installation de Vincent Ganivet relève du parcours du combattant. Lassés, les gens passent à côté sans lui jeter un œil.
Sagrada Familia. La lumière, dont je force volontairement le trait, inonde ce lieu d’une beauté sans pareille provoquant un séisme émotionnel de 9 sur l’échelle de Richter…
Pour le cliché, tout simplement. Impossible de se trouver à un tel endroit sans penser à un calendrier. Cela a quelque chose d’un peu ringard et en même temps, la ringardise a parfois ses avantages…
Sous les poursuites roses, une montagne humaine se lève et fait une hola aussi difficile à saisir que magique à voir… S’ensuit une avalanche d’images non légendées, un mélange de chaud et de froid, d’ici et d’ailleurs, de réalité et de faux-semblant, de proche et de lointain… Des images qui s’enchaînent sans d’autre raison que celle imposée par leurs noms qui s’enchaînent.
Voilà, en un coup d’ailes, c’est fini. Le stand est quasi vide. Je me sens légère tout d’un coup…
Et voilà, elle fait marche arrière… A dire vrai, c’est la suite logique des onze bonnes minutes qui viennent de s’écouler. Certainement, plusieurs éternités pour la demoiselle perchée au sommet de cette « petite » falaise amorçant sa remontée en des terres plus fermes. Il y a onze minutes, c’est à cinq qu’ils ont débarqué au même endroit pour narguer les eaux chaudes mais mouvementées du Pacifique. A coup sûr, le défi du coin : se jeter à l’eau du haut de cette paroi rocheuse d’une huitaine de mètres !
On imagine bien les tractations préliminaires du groupe de copains de vacances : « Allez, chiche, on va tous sauter de la falaise ! » A ce moment-là, le club des cinq y croit, chacun se croit capable de sauter dans le vide et veut faire croire aux autres qu’il peut braver sa peur, peur qu’il se garde d’ailleurs bien de montrer. Alors, ça flambe au sommet, ça gesticule, ça s’approche du bord. Nerveux. Un coup d’œil aux compères et plouf, à l’eau ! Les quatre autres se précipitent pour vérifier que le téméraire est bien remonté à la surface. La demoiselle y croit, elle veut passer en deuxième, s’avance, hésite puis laisse sa place. Derrière, on ne se fait pas prier et on s’envole, pour vite rejoindre le premier. Ils sont maintenant deux à regarder en l’air. Et d’autres personnes commencent à arriver pour le grand sacrifice. La demoiselle y croit toujours, elle veut passer en troisième, s’avance, hésite puis laisse sa place. Derrière, le quatrième larron tente de la rassurer, lui montre les deux survivants à l’eau, qui eux-mêmes lui font de grands signes sensés lui prouver qu’il n’y a aucun danger… Mais bon, quand on a peur, on a peur… Alors, il saute. Reste quelques secondes sous l’eau puis va retrouver les deux autres, pour leur cours de sur-place scrutateur. La demoiselle y croit vraiment, elle veut passer en quatrième, s’avance, s’avance, encore un peu, un peu plus bas, pour gagner quelques centimètres… Elle voit la tête de ses amis hors de l’eau, elle voit l’eau frapper la falaise et se retirer dans des creux dont elle ne maîtrise pas la hauteur…
Mais elle s’imagine surtout plein de choses horribles : qu’elle ne va pas réussir à dépasser le bout de rocher en contrebas et s’écraser dessus, qu’elle va toucher le fond de l’eau et se briser les deux jambes, qu’elle va se faire emporter par une vague et projeter contre la roche… Elle lutte contre ces films qu’elle se fait en se disant que les autres s’en sont très bien sortis. Elle se retourne, découvre que la liste des postulants au saut de l’ange s’allonge. Sent monter la pression et doute encore plus. C’est alors que le cinquième du groupe, ayant épuisé tous ses arguments, prend son élan pour fendre l’air et, une demie-seconde plus tard, la surface de l’eau.
Elle est désormais seule sur le rocher, seule avec ce défi stupide qui fait vaciller ses jambes, tambouriner son cœur et tourner sa tête. Ceux qui attendaient à trois mètres s’approchent d’elle. Ils ont aussi un défi en cours et voir quelqu’un hésiter n’est jamais bon pour l’inconscience. Et sur la plage, nous sommes plusieurs à avoir stoppé notre promenade au ras de l’eau pour l’encourager intérieurement. Mais les onze minutes sont passées. Peut-être moins en fait. Et la demoiselle a enfin pris sa décision, finalement assez courageuse : celle de rebrousser chemin et d’accepter de courir le risque d’être la cible des moqueries de ses quatre camarades pendant un certain temps…
Il semblerait que regarder chez « les gens » soit une spécificité française. Je précise : ce n’est pas regarder les gens, et donc faire preuve de voyeurisme, qui importe mais plutôt voir comment ils ont décoré leur bien ! Avec goût ou pas. Tout cela étant bien évidemment très subjectif ! Cette curiosité vis-à-vis de l’aménagement […]
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