Photo-graphies et un peu plus…

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Un jour, un ami peintre – artiste peintre pour être précise -, appelons-le Gilles Rieu puisque tel est son nom, m’a dit : « Si tu ne trouves pas de réponse, c’est que tu ne te poses sûrement pas les bonnes questions ». C’était il y a 7 ans, et seulement quelques semaines après que je me sois littéralement perdue dans Brooklyn, persuadée que son atelier de Williamsburg où j’avais prévu de le photographier n’allait pas être si difficile à trouver malgré la très vague carte en papier dont je disposais pour m’orienter. En fait, si. Cela vous permet d’apprendre au passage que j’utilise (toujours… si si… même si je ne glaviote pas sur G. maps pour autant) des cartes en papier (issues de forêts gérées durablement bien sûr), convoquant idéalement le cerveau qui va avec, car je n’aime vraiment pas l’idée de déléguer les tours et détours de mes pérégrinations à une machine. Ce que j’aurais cependant peut-être dû faire pour éviter d’arriver avec 2h de retard… Ceci dit, cette errance inopinée m’avait valu un inattendu voyage culturel (voire temporel) en me faisant traverser le quartier de Borough Park dont je ne connaissais pas l’existence, m’offrant ainsi un souvenir consolidé que je n’aurais pas eu autrement.

Sur le moment, l’assertion de Gilles énoncée sur un ton si sûr que je n’avais même pas eu l’idée de le contredire – après tout, j’attendais des réponses et me dire que je ne me posais pas les bonnes questions était, d’une certaine manière, une réponse ! – m’avait presque rassurée. Enfin, juste une micro-seconde, à l’issue de laquelle je m’étais évidemment demandé quelles étaient alors les bonnes questions… A vrai dire, je cherche toujours, tout en pensant qu’à l’instar de cet immense volcan – le Misti puisque tel est son nom – que je n’avais curieusement pas vu dans un premier temps, concentrée que j’étais sur ces quartiers d’Arequipa se déroulant sèchement au pied de ces banales collines, je ne regarde pas forcément au bon endroit. Et a fortiori, que les réponses sont en réalité évidentes. Juste devant moi. Et même grosses comme une montagne !

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Anticiper sans peur

Dans la vie, en vertu de ce principe réducteur et volontairement absurde selon lequel nous sommes des êtres dénués de complexité, il y a trois catégories de personnes : celles qui s’organisent a priori et celles qui s’organisent a posteriori. Vous avez entièrement raison, ces dernières ne s’organisent pas. Elles se laissent porter par le hasard ou le destin, selon qu’elles croient en l’un ou en l’autre, se décident le jour même sur un coup de tête, une envie fulgurante ou une chance à saisir, et pensent ainsi être entièrement libres. Celles-là sont incapables – et elles en sont fières – de vous dire ce qu’elles feront demain ou après-demain, et ne vous confirmeront parfois leur venue à un éventuel rendez-vous qu’à la dernière minute, après s’être bien assurées qu’il n’y aurait vraiment rien de plus intéressant au même moment. Parti pris qu’elles assument totalement mais qui peut-être très vexant pour ceux qui les attendent.

Vous avez à nouveau raison, il manque une catégorie dans mon énoncé. J’y reviendrai rapidement, mais pour l’heure, marquons une courte pause sur le premier groupe de personnes : celles qui s’organisent a priori. Là aussi, ce n’est pas aussi simple, car il y a « a priori » et « a priori ». Et si certaines se contentent de planifier à 10 jours, d’autres ont déjà une vision semestrielle voire annuelle de leur agenda, tout en se sentant aussi libres que les premiers, voire plus dans certaines circonstances. Parmi elles, il y a également des obsédés de la planification objectivement effrayants quand ils ne sont pas en mesure de penser en dehors du cadre qu’ils ont prédéfini.

Et puis, il y a ce troisième groupe donc, qui, je l’avoue, me fascine complètement d’autant que ses membres ne sont pas si rares : il s’agit de ces personnes refusant catégoriquement de se projeter dans le futur et de s’organiser trop en amont – pour un concert, une pièce de théâtre, un voyage pour citer des exemples plus agréables qu’un rendez-vous chez le dentiste – sous le prétexte extrêmement étrange qu’elles ne savent pas ce qu’elles feront à cette époque alors même qu’elles admettent être libres, le tout en regrettant, a posteriori, de ne pas s’être organisées plus tôt pour assister à ce concert, à cette pièce, ou faire ce voyage car au moment où elles acceptent enfin de les envisager, c’est complet ou bien trop cher… C’est là que mes connexions neuronales peinent lamentablement… Car, quelle est cette force invisible qui les empêche de décréter qu’elles assisteront justement à ce concert ou à cette pièce ou bien mettrons en place ce voyage ? Quelle est cette force invisible qui réussit à les persuader que prévoir, c’est s’enfermer ; qu’anticiper, c’est se mettre soi-même au cachot ; que préméditer, c’est mal alors qu’au fond, elles veulent aller à ce concert, voir cette pièce, visiter ce pays ?

Ceci étant dit, quelle que soit la catégorie dans laquelle on évolue, le plus important est de savoir dans quelle temporalité vivent les personnes avec lesquelles on souhaite passer du temps, pour pouvoir effectivement en passer. Si les anti-organisations se croiseront à une soirée prévue par une tierce personne après s’être mutuellement proposés de la passer ensemble ; les pro-organisations se verront dans 7 semaines dans un lieu et à une heure arrêtés 3 semaines plus tôt tandis que les anti-à-regret se décideront toujours trop tard et ne réussiront pas à se voir. Pour les métissages amicaux enfin, il faudra faire des compromis et preuve de patience…

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L'attente

L’an passé ou plus loin encore, faute de clone compréhensif ou plutôt de clone tout court, je me suis mise à scanner, plus ou moins méthodiquement, les négatifs de mes années argentiques. Au bout du 4 487e scan, je me suis sentie un peu lasse… La répétition sans doute. J’ai donc stoppé là, temporairement j’espère, ma mission de préservation et de réactivation de ma mémoire. En quelques semaines, j’avais ainsi vu défiler plusieurs années de ma vie, essentiellement la partie composée de voyages et d’évasions, celle des moments forts.

J’avais parcouru des dizaines de milliers de kilomètres, du désert du Namib au Machu Picchu en passant par les plages de Californie ; j’avais arpenté New York, Monbasa et Istanbul ; j’avais croisé des manchots, des girafes et même des dromadaires ; j’avais siroté du thé marocain, savouré des pasteis de nata portugaises et dévoré des burgers canadiens le tout arrosé de cappuccinos italiens ; j’avais revu des amis, de la famille et des inconnus, dont certains sont toujours là et d’autres plus… J’avais parcouru tout cela et beaucoup d’autres choses encore sans trop me voir finalement. Ce qui m’avait fait repenser au titre d’un film d’Isabel Coixet, « Ma vie sans moi », même si cela n’avait rien à voir. Ma vie sans moi donc car je n’y apparaissais pas formellement, mais ma vie à moi puisqu’il s’agissait bien là de ce que j’avais vécu et voulu enregistrer de ce que j’avais vu sachant que j’allais certainement l’oublier, un jour prochain, tout du moins dans les détails. C’est une étrange sensation…

A cette époque là, je ne savais pas que la photographie allait prendre autant de place dans ma vie. J’en suis toujours étonnée d’ailleurs (même si cela me paraît tout à fait logique finalement). Ce qui m’a fait poser un regard d’un autre type sur ces images extraites du passé au moment même où je les scannais assez machinalement, me refusant à faire un tri drastique entre les « bonnes » photos ou les « mauvaises » photos. Car une mauvaise photo peut rappeler un très bon souvenir. Au-delà de cette montagne de réminiscences, donc, j’avais devant moi des années de recherche inconsciente, j’avais l’évolution de ma photographie, son cheminement, ses tâtonnements, ses errances, ses ratés (très nombreux a posteriori), ses approximations, ses systématismes, ses retours en arrière, ses réflexions, ses codes, ses leitmotivs, ses déclics et parfois ses fulgurances… Parmi elles, j’ai une vraie tendresse pour cette image. Fin des années 1990. Sri Lanka. Sud. Je suis juste dans la jeep devant. Je ne me cache pas pour prendre cette photo. Aujourd’hui, le trio de tête m’interpelle étrangement. Alors qu’ils sont ensemble, dans cette même unité de lieu motorisée et cahotante, il me semble évident qu’ils sont tous trois ailleurs, chacun sur sa planète, chacun dans son monde, chacun dégageant une atmosphère particulière, chacun avec une relation singulière à ce monde dans lequel, techniquement, nous vivons tous et où nous sommes à la recherche d’éléphants…

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Mais t'as quel âge ?

Vous a-t-on déjà posé cette question ? Moi, oui, et je ne les compte plus d’ailleurs ! Bien évidemment, les personnes qui m’interrogeaient se moquaient totalement de savoir quel âge j’avais exactement. Notamment parce qu’elles le connaissaient déjà. Car cette question ne concerne absolument pas votre âge réel. Non, le sous-texte de cette interrogation généralement énoncée avec un ton moqueur mais tendre porte justement sur l’écart qui existe entre un comportement qu’une personne est sensée avoir à l’âge qu’elle a et le comportement qu’elle a effectivement. Il y a alors deux options : ledit comportement est plus conforme à celui d’une personne plus jeune – c’est mon cas – ou alors plus âgée. A un jeune trop sérieux, on lui lancera donc qu’il est déjà vieux. Tandis qu’à un adulte un peu trop joueur, on rappellera que ce n’est plus de son âge. Heureusement pour notre équilibre psychologique, tout s’explique…

Un peu dans l’esprit de ce jeu de cache-cache avec soi-même – ce que je suis vraiment n’est pas forcément ce que je crois être, ni ce que je montre, ni même ce que les autres pensent que je suis -, nous aurions trois âges : notre âge réel – celui de notre carte d’identité, de notre état civil -, notre âge social – celui que les autres nous donnent -, et enfin, notre âge ressenti, qui nous intéresse particulièrement ici vous vous en doutez puisqu’il s’agit de l’âge que nous avons l’impression d’avoir. Si ces trois âges étaient les mêmes, il n’en existerait qu’un. Nous pouvons donc logiquement en déduire qu’ils sont différents, et a fortiori, qu’il y a un écart entre l’âge réel et l’âge ressenti. Par exemple. La question est surtout de savoir combien. Paradoxalement, plus on vieillit – jusqu’à une certaine limite cependant -, plus on se sent jeune ! Ainsi, si jusqu’à 35 ans, on ne se rajeunit guère que de 1,5 ans en moyenne, à 65 ans, le décalage atteint quasiment 20 ans ! En somme, déjà une petite une vie ! Et, vous l’aurez deviné, c’est bel et bien l’âge ressenti qui conditionne nos choix et donc nos comportements. Bref, la prochaine fois que l’on vous taquinera sur votre âge avec un air condescendant, rappelez-vous bien de cela ! Na !

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L'imprécis

Ne trouvez-vous pas que le désert porte bien mal son nom ? Car le désert, celui-là – avec ses reliefs amovibles, ses ondulations charmeuses, ses dunes enchantées, ses crêtes volatiles, sa houle sèche, ses empreintes chargées, sa végétation héroïque – est tout sauf désert. Il est simplement plein d’une vie différente.

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L'improbable rencontre

Je me souviendrai toute ma vie de cette plage. Elle correspond en effet à ce que l’on qualifie communément de « paradis sur Terre ». Certes, la notion conserve encore tout son mystère (et a d’ailleurs déjà fait l’objet d’un questionnement dans ces pages), mais vous conviendrez aisément que cette vue est plutôt plaisante. Se baigner dans ses eaux turquoises et mouvementées est par ailleurs interdit. Manifestement, le panneau, planté juste à l’entrée de la plage, n’a absolument aucune autorité sur les visiteurs, incapables de résister à l’appel – qui le pourrait ? – des déferlantes du mal nommé Pacifique. Ce n’est toutefois pas pour ces deux raisons que cette plage restera à jamais gravée dans ma mémoire.

En descendant vers l’eau, dans un état de quasi hypnose, mes pas ont croisé ceux d’un couple qui en sortait. Nos regards ont rapidement suivi. Retour au monde réel en un clin d’oeil quand bien même ce qui suit est totalement irréel. Large sourire de part et d’autre. J’ai fait la connaissance de ce couple – des français en vadrouille – la semaine précédente, sur une autre île de l’archipel hawaïen. Certes, nous savions les uns et les autres que nous serions à nouveau sur le même bout de terre pendant 2-3 jours mais nous n’avions pas, comme cela se fait parfois entre voyageurs, convenu de nous y retrouver.

La probabilité de se revoir était donc relativement faible. Laissez-moi vous énumérer toutes les conditions qu’il a fallu réunir – par qui, je ne sais pas – pour que cela se produise : être sur la même île au même moment ; avoir décidé de se rendre sur cette plage, assez isolée, de Kauaï, sans s’être concertés ; se trouver sur cette plage isolée de Kauaï à la même heure ; se trouver sur la même portion de cette plage isolée de Kauaï somme toute assez longue ; se croiser sur cette portion de plage isolée de Kauaï somme toute assez longue, c’est-à-dire s’éloigner de l’océan pour les uns et s’en approcher pour les autres en suivant des trajectoires strictement identiques ; lever la tête à ce moment-là. Se reconnaître. Et s’extasier des hasards de la vie.

L’histoire ne s’arrête pas là. Le lendemain, le même trek est au programme de la journée. Mais à nouveau, ce n’est qu’une information partagée. Pas une invitation à le faire ensemble. Les horaires ne sont pas compatibles. Et pourtant, en fin d’après-midi, nous nous recroisons à nouveau, sur le bord de la route, après nos marches respectives. Nous avons alors estimé, après une fulgurante concertation, que le maître des conditions convergentes nous envoyait un signe. Auquel nous avons répondu en nous donnant rendez-vous, le soir même, pour un verre de l’amitié. Figurez-vous qu’en discutant de tout et de rien, et surtout de ce qui nous avait conduits ici, là, maintenant, nous avons réalisé que nous avions une connaissance commune : lui avait fait un stage avec le meilleur ami du fils de mes parents – mon frère oui – que, bien sûr, je connaissais. Si la rencontre sur la plage était déjà exceptionnelle, imaginez un peu ce que nous avons ressenti en mettant au jour cette connexion ! Ce jour-là, j’ai temporairement cru au destin ! Car, enfin, quelle est réellement la probabilité de rencontrer, par deux fois, quelqu’un que l’on ne connaît pas – et que l’on connaît sans le connaître à l’issue de la première fois – qui connaît quelqu’un que l’on connaît, le tout, à l’autre bout du monde ? Apparemment, elle n’est pas nulle ! Et c’est tout simplement époustouflant !

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Le rêve postmonitoire

Oui, je sais, généralement, nous faisons plutôt des rêves prémonitoires : un phénomène toutefois très inhabituel, souvent dérangeant pour ceux qui les font car rarement positif, encore difficilement compréhensible scientifiquement et suggérant presque que le voyage dans le temps existe… Mais il ne s’agit pas de cela. Aujourd’hui, j’ai bien fait un rêve postmonitoire. Qui plus est, en plein jour. Là, je marchais tranquillement en pleine campagne quand, tout d’un coup, flash ! Je vous vois cogiter…

Si un rêve prémonitoire consiste à rêver de quelque chose qui va réellement se produire dans le futur sans que cela puisse être le fruit d’une quelconque anticipation, un rêve postmonitoire porte, en toute logique, sur un événement du passé – comme la grande majorité des rêves me lancerez-vous, et à raison – dont nous n’avions, jusqu’à lors, absolument aucune connaissance.

Bref, j’ai donc rêvé que la femme avait déjà posé le pied sur Mars il y a 39 ans, seulement une poignée d’années après les premiers pas de l’homme sur la Lune (petits joueurs…), et que cela ne s’était jamais ébruité pour plusieurs raisons, dont la concomitance semble tout bonnement invraisemblable : compte tenu du coût de l’opération et des énormes risques encourus – que d’aucuns auraient jugé inutiles -, tout avait été organisé dans le plus grand secret ; l’entièreté de l’équipe impliquée avait ensuite été victime d’un étrange virus, un microbe de charbon probablement, avant même de pouvoir annoncer au monde, forcément entier, l’exploit intragalactique fraîchement accompli ; enfin, un incendie – combustion spontanée manifestement – avait mystérieusement ravagé leurs locaux ne laissant aucune trace de cette aventure, assurément la plus extraordinaire de l’humanité depuis la nuit des temps ! Il ne me reste plus qu’à le prouver maintenant !

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Le trou noir

 

Si je voulais être schématique, je dirais, sans que cela soit totalement grossier pour autant, que les différentes routes que j’ai empruntées jusqu’à présent – scientifique, journalistique, sociologique, artistique, « voyagique » – n’avaient (et n’ont) qu’un seul objectif : me permettre de comprendre un peu mieux – et sous différents prismes donc – le monde dans lequel nous vivons. Depuis la soupe primordiale à la naissance d’une émotion forte en passant par les raisons qui poussent telle ou telle personne à agir de telle ou telle sorte. Bien sûr, je ne comprends pas tout. Je devrais même dire qu’il y a beaucoup de choses qui m’échappent. Malheureusement. Et heureusement aussi, car cette incompréhension face à certaines choses de la vie, loin de me rendre fataliste, m’invite à chercher encore plus, à rester éveillée et alerte, prête à cueillir des réponses, même infimes, même instables, le tout, sans perdre de vue l’optimisme que je m’impose, bien écorché ces derniers temps il faut l’admettre.

J’aime la science-fiction. J’aime les films de science-fiction, et peut-être encore plus ceux d’anticipation. Et au sein de cette catégorie, les dystopies. Ces films nous plongent dans le chaos dès leurs premières minutes d’existence, mettent en scène des mondes totalitaires et sclérosés dans lesquels toute personne sensée ne voudrait pas mettre ne serait-ce que le petit orteil gauche. Figure récurrente de ces films dont il fait régulièrement l’introduction, un montage vidéo de fausses images d’archives montrant, comment, progressivement, la situation – économique, sociale, politique, écologique dans tel pays, sur tel continent, dans le monde entier même si ça ne se dit pas – a irréversiblement dégénéré, devenant totalement hors de contrôle au bout d’un moment. Un magma d’images énervées, de déchaînement de haine, de montée des inégalités…, devant expliquer, si ce n’est justifier, a posteriori, – car au présent, on ne voit pas ou on ne veut pas voir, on ne connecte pas les faits les uns avec les autres ou si, mais sans y croire -, l’origine du chaos liminaire présenté, dès lors, comme un état de fait. Et bien, malgré mon optimisme que je prends soin de cultiver au quotidien, j’ai de plus en plus la douloureuse sensation que la réalité a rejoint la fiction – qui n’est d’ailleurs qu’une réalité parmi d’autres – et que nous pourrions, dès aujourd’hui et sur la base de vraies images d’archives glanées ça et là dans le monde, produire de tels montages annonciateurs… Et là, je ne peux m’empêcher de me poser cette question : quand allons-nous atteindre le « bout d’un moment » ? et quel en sera l’événement déclencheur ?

Je serais presque en train de virer pessimiste… Mais je réalise dans le même temps que j’en ai oublié une, de route. Qui, en fait, est la matrice de toutes les autres. Même de cette réflexion. C’est bête dit comme ça, mais c’est celle de l’amour. De la vie, des autres. Alors je vais m’y accrocher car il ne peut en être autrement. Et j’enverrais bien quelques livres ou DVD quand même…

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Mouvement perpétuel

Il y a différentes façons de s’imprégner d’une nouvelle ville. J’entends par là, d’une ville où l’on met les pieds pour la toute première fois toute toute. Tout dépend évidemment de la ville. Certaines résistent aux voyageurs, ne se livrant vraiment qu’au bout de quelques jours, voire plus. D’autres, au contraire, ne leur laissent absolument aucun répit : elles leur sautent à la gorge, au cœur et au corps, les arrachent à leur torpeur de décalé temporel, les inondent de leurs odeurs, de leurs lumières, de leurs bruits, de leurs flux, de tout cela à la fois et en même temps.

Calée au creux d’un carrefour, je me laisse emporter de longues minutes, je suffoque de tant de pollution directe ; je sursaute en suivant les chassés-croisés motorisés ; je me frotte les tempes qui tambourinent ; je cligne des yeux, irrités. Je suis clairement agressée de toutes pores et pourtant, je n’arrive pas à décoller. Je n’arrive pas à m’exfiltrer de cette atmosphère envoûtante. Et reste plantée là, à observer. En réalité, je me sens littéralement hypnotisée par ce mouvement perpétuel qui, par définition, n’offre aucune accalmie. Je suis du regard ces vies qui filent et qui défilent sans se laisser impressionner car c’est ainsi que passe le temps, ici.

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En équilibre

La voilà, LA star du désert de Siloli, perchée à plus de 4 000 mètres d’altitude, seule au milieu de rien. On l’approche avec déférence, on lui ferait presque la révérence. En tout cas, on garde ses distances. Croyez-moi ou non mais la légende prétend que c’est le vent, sculpteur à l’âme salée, et ses caresses répétées inlassablement, année après année, décennie après décennie, même siècle après siècle, qui ont transformé ce qui n’était probablement qu’un quelconque bloc volcanique en cet arbre de pierre. Arbol de Piedra… C’est en effet ainsi qu’on le nomme aujourd’hui, sans doute pour marquer encore plus la désertion radicale de la végétation et l’aridité inhospitalière de cet altiplano bolivien au charme pourtant magnétique.

Il se dit même qu’il lui a fallu des millions d’années de patience et de travail acharné pour créer cette délicate et monumentale œuvre de 6 mètres au pied de laquelle les amateurs d’art et de l’extrême font une escale naturellement admirative et empreinte d’humilité. Et bientôt, ils s’interrogent : le miracle grâce auquel cet arbre dépourvu de racines tient encore debout durera-t-il éternellement ? En réalité, et ils le savent pertinemment, temps et vent poursuivent leur ouvrage par petites touches imperceptibles à l’échelle de leurs courtes vies… Et d’un coup d’un seul, ils se sentent chanceux de l’avoir croisé à ce moment-là de son existence, alors qu’il n’était plus un grossier caillou au milieu du désert et pas encore une star déchue, et à terre. Parfois, cela tient à peu de choses…

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