Mystère matinal post-canicule : les hommes, tout du moins, leurs cages métalliques, ont disparu de la circulation ! Je ne vois que deux solutions : soit elles ont pris leur indépendance, profitant de la nuit pour s’évader silencieusement au point mort ; soit les hommes les ont emportées loin de toute civilisation… pour la recréer ailleurs. L’une comme l’autre, désertion totale synchronisée. Il y a peu d’occasion pour l’urbain de voir une chaussée aussi nue ! En temps normal, un vrai paradis pour le travailleur exténué et ayant encore une épreuve à remporter pour achever sa journée, trouver une place où caser sa boite à roulettes.
Mais, le travailleur exténué faisant lui-même partie de ces déserteurs estivaux, il ne pourra goûter au bonheur typiquement francilien de n’avoir que l’embarras du choix pour se garer. En échange, en revanche, il restera piégé des heures durant, avec famille, chat et peluches, sur des routes congestionnées, comme si tout le monde s’était téléphoné pour partir au même moment. La ville ne se laisse pas abandonner ainsi ! S’ouvre alors une période de grâce pour les non motorisés, piétons, cyclistes et autres libérés : la rue est à eux. Les exaspérés du trop-de – bruit, monde, monoxyde de carbone – vont enfin pouvoir retrouver la ville qu’ils aiment, une ville où l’on peut respirer sans craindre l’infection pulmonaire ; une ville animée, mais pas par la fatigue et l’impatience qui en découle ; une ville au pouls rapide, mais qui laisse à chacun le soin de vivre au sien ; finalement, une ville où l’homme n’est pas qu’un morceau quelconque de masse humaine mais où il a sa place en tant que personne.