tags: Alpes, arbre, blanc, épicéas, Haute Savoie, montagne, neige, rivière, sapins, slalom, virage
Souvent, on grimpe aux arbres. Ou aux branches. Ou tout du moins, on essaye. Mais il n’arrive que très rarement que l’on puisse entrer dedans…
En creusant ne serait-ce qu’un tout petit peu, nous devrions rapidement voir affleurer le reste du corps de ce cerf aux dimensions manifestement exceptionnelles statufié par le temps…
Parfois, pensées picorées ici et là, au gré de lectures, de conversations, de projections, de visites plus ou moins éloignées dans le temps se connectent miraculeusement les unes aux autres pour nourrir des territoires de réflexion encore confidentiels… Ainsi, si l’on reprend le fil de la chronologie, il y a plusieurs mois, j’ai lu que nous nous souvenions de 80% de ce que nous faisions et voyions, et seulement de 20% de ce que nous lisions. Vous savez comme moi que toute information extérieure reçue est passée au crible de nos perceptions, de nos a priori, de nos certitudes. En cela, l’objectivité n’existe pas ou si peu, et nous serons toujours tentés d’interpréter ladite information en fonction de la résonance qu’elle a en nous et, en particulier, de sa façon de nous conforter dans nos propres pensées. Ce « biais de confirmation » est un biais cognitif bien connu… De fait, personnellement, cette répartition statistique du souvenir – ou plutôt de ce qui reste le plus longtemps présent en mémoire – renforce cette idée qu’il faut vivre et voir un maximum de choses, a fortiori, qu’il ne faut pas s’arrêter de voyager, de découvrir le monde et les autres, d’une part pour être à la hauteur de cette chance d’être en vie sur une planète qui ne se résume pas à un simple point, d’autre part, pour essayer de les comprendre. Cette subjectivité est totalement assumée, et laisse même entendre que l’important, dans la vie, est de ne pas oublier. Il faut encore que j’y réfléchisse.
Continuons. Il y a quelques semaines, j’ai noté dans mon carnet du moment cette phrase extraite du dernier livre de Jérôme Ferrari, Le principe : « On essaye de comprendre les choses à partir de sa propre expérience parce que c’est tout ce dont on dispose et c’est, bien sûr, très insuffisant ». Il parle là de physique, le principe du titre étant le principe d’incertitude, ou d’indétermination, énoncé par Werner Heisenberg en 1927, qui stipule qu’il est impossible de connaître simultanément la position et la vitesse exactes d’une particule (quantique). Une vraie révolution scientifique par ailleurs. Mais, là encore, ce que je retiens de cette phrase sortie de son contexte tout à la fois fictionnel et épistémologique, est que pour être en mesure de comprendre les choses, il faut les vivre. Ce qui nous ramène aux statistiques ci-dessus et à ma première conclusion. CQFD. Je pourrais m’arrêter là et acheter mon prochain billet d’avion, de train, ou ma bicyclette, ou de bonnes chaussures de marche pour aller vivre, donc comprendre, puis me souvenir.
Mais peu de temps après, je découvre la belle série d’entretiens de personnalités ou d’anonymes publiée dans Le Monde cet été sur la question, obsessionnelle à bien des égards, du temps. L’exergue-titre de celui du philosophe Patrick Viveret, un nom prédestiné, fait l’office d’une petite bombe à fragmentation (image purement spéculative si l’on relit bien la phrase de Ferrari : d’ailleurs, dans la réalité, bien loin des images littéraires, je ne voudrais pas connaître cette sensation !) : « Il faut accepter de ne pas tout vivre ». Il y a bien sûr un avant et un après à cette phrase, une nouvelle fois tirée de son contexte, comme si elle venait logiquement s’insérer à la suite de celle du Principe, qui elle-même répondait aux statistiques. Alors que tout s’accélère, que nous avons chaque jour l’illusion de pouvoir en faire de plus en plus grâce à des artifices technologiques, que parfois, alors même que nous nous plaignons du temps qui passe, nous nous pensons toujours un peu immortel et donc avec la vie, infinie, devant nous, cette phrase de Viveret est un brutal retour à la réalité. Car elle nous dit tout simplement, même si cela se complique ensuite : il faut faire des choix. Or, faire des choix, c’est accepter de mourir. Et donc, de vivre…
Je n’ai pas encore statué : dois-je annoncer à ce palmier que je viens tout juste de rencontrer qu’il n’est pas un éléphant sachant que, d’un côté, cette prise de conscience sera peut-être le plus grand drame de sa vie mais que, de l’autre, vivre dans le déni n’est pas une solution non plus ?
Il faut imaginer, un peu comme lorsque vous renversez une boîte de puzzle devant vous – que, personnellement, je prononce [pœzœl] et non [pœzl] contrairement à certains -, que ceci n’est qu’une pièce, qu’une infime partie d’un gigantesque banyan, composé d’un vaste réseau de racines aériennes toutes connectées les unes aux autres desquelles filent d’interminables branches horizontales. Si longues et si lourdes à vrai dire qu’elles ont besoin d’être soutenues, comme le font des béquilles auprès des accidentés, afin de ne pas s’effondrer et plier sous leur propre poids. A ceci près qu’il ne pousse pas un 3e bras ou un 3e tibia à ces malheureux, alors qu’ici, tout vient de l’intérieur !
Comment ne pas penser que le banyan réfléchit et définit une stratégie de survie ? Ainsi, comment décide-t-il, alors que la branche s’échappant du tronc central est encore courte, d’en faire émerger un nouveau tronc-racine sur lequel elle pourra à la fois se reposer et s’appuyer pour se propulser plus loin encore et explorer l’inconnu en toute sérénité ? Connaît-il, à l’avance, la taille finale de la branche ? Fait-il de savants calculs mathématiques pour déterminer où sera situé le barycentre de cette portion de son corps et, par conséquent, à quel endroit précis il doit stimuler la pousse de l’assistance à branche en danger potentiel ? Et comment choisit-il la branche qui bénéficiera de cette aide parmi toutes celles qui émanent de lui ? Ces troncs-bis – et la métaphore qu’ils nous invitent à faire avec une poignée de valeurs humaines telles la solidarité, l’entraide, la compréhension, l’empathie, le respect… – sont fascinants, et par extension la nature elle-même, éternelle inspiratrice et guide…
Beauté pure de côte sauvage, empreinte d’une incroyable paix et douceur malgré ce mikado faussement chaotique de troncs et de branches d’arbres venus de la terre, venus de la mer, et jonchant désormais la plage de galets, à une heure de grande écoute où la brume puis la nuit s’apprêtent à tout faire disparaître.
La photo de dos est-elle une photo lâche, ou plutôt de photographe lâche, ou plutôt de photographe qui ne fait pas véritablement face, qui n’assume pas complètement ce qu’il est en train de faire et qui, à défaut de se cacher pour le faire – derrière un arbre avec un zoom indécent par exemple – préfère le cacher aux autres tout en le faisant ? Bien sûr que non (pouvais-je réellement répondre autrement ?). De prime abord, la photo de dos paraît toutefois plus facile à réaliser que la photo de face(s). Détrompez-vous !
La photo de dos a ses subtilités, ses contraintes et exige de la part de ceux qui la pratiquent une grande réactivité et une maîtrise certaine de la transparence, caractère particulièrement complexe à acquérir pour tout être humain normalement constitué. Car, pour qu’une photo de dos soit réussie, il est primordial de ne capter aucune face de face. En d’autres termes, en plus d’attendre le moment, parfois très court, où tout le monde est retourné, de quart ou de profil, il faut, en outre, ne pas être repéré, ne pas attirer l’attention – une véritable gageure dans un contexte comme celui-ci comme vous l’imaginerez aisément -, ne croiser aucun regard qui trahirait non seulement notre présence mais également l’opération en cours.
Ce n’est certes pas interdit par le règlement intérieur du parfait photographe… Simplement, la photo ainsi faite changerait de nature et un observateur extérieur ne l’aborderait absolument pas de la même manière. Son regard convergerait inéluctablement vers la personne de face, qu’elle percevrait alors comme une sorte d’élu du photographe, comme l’objet de son attention, avant, dans le meilleur des cas, de jeter un œil discret au reste de l’image. A contrario, dans la photo de dos totale, chaque dos, chaque détail, chaque posture, chaque geste, chaque élément de l’image devient important et, en quelque sorte, unique, donc digne d’intérêt, c’est-à-dire, digne d’être regardé. Ainsi la photo de dos s’apparente-t-elle à une photo démocratique mettant chacun sur un pied d’égalité, sur laquelle l’œil se balade librement d’un coin à l’autre sans être fortement guidé par celui du photographe…
Cette scène de pêche sous les tropiques me fait l’effet du délicieux bain chaud nocturne dans lequel on s’abandonne corps et âme après une longue et harassante journée…
Alors, en effet, cette rencontre inter-saison n’est pas une science complètement exacte : pour bien faire, il eut fallu que je fasse des tirages des photos hivernales et que, grâce à eux, je retrouve les points exacts où je m’étais postée en ce soir d’hiver neigeux pour reproduire exactement les mêmes cadrages un an et demi plus tard, en été donc. Au lieu de cela, j’ai préféré me fier à ma mémoire visuelle. Non pas du lieu, mais bien des photos elles-mêmes. Et finalement, je n’ai pas à rougir du décalage… Des ambiances diamétralement opposées, des couleurs, des atmosphères totalement différentes, mais un charme qui opère, été comme hiver.
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Share on FacebookPetite note d’humour dominicale… Dupond et Dupont en chair et en os en pleine rue ! Tout en symétrie : la même combinaison blanche immaculée – qui, en soi, n’est pas une tenue que l’on rencontre tous les jours – ; la même tignasse brune ; la même démarche – le pied droit au sol […]
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