Il est des phénomènes naturels cycliques – un coucher de soleil en est un parfait exemple – que je ne me lasserai jamais d’admirer, a fortiori, de prendre en photo, quand bien même il s’agit d’un sacré cliché…
Il est des phénomènes naturels cycliques – un coucher de soleil en est un parfait exemple – que je ne me lasserai jamais d’admirer, a fortiori, de prendre en photo, quand bien même il s’agit d’un sacré cliché…
… ou la manie des gens heureux. Pourquoi ceux qui s’aiment se sentent-ils obligés de faire part de leur flamme en cours (elle est souvent datée en effet) un peu partout, en particulier, à des murs, des trottoirs ou même de simples planches de bois ?
Dès les premiers éclats et éclairs de couleurs lointains, ils ont commencé à arriver de tous les côtés, seuls, à deux ou par petites grappes recueillies. Ils se sont postés ici et surtout là où le spectacle du ciel était le plus observable, même partiellement, et n’ont plus osé en bouger jusqu’à l’extinction des boules de feux. Les agoraphobes aiment aussi les feux d’artifice. Mais pas à n’importe quel prix…
J’ai vu cette image avant de la faire. Non qu’elle ait déjà été prise par quelqu’un d’autre ou que je l’aie rêvée, je l’ai tout simplement visualisée avant qu’elle n’existe. Et ce, de façon aussi instantanée que très claire. J’ai vu les gouttes d’eau se transformer en filets blancs venant strier l’image sur toute sa longueur donnant ainsi l’impression de l’improbable – une ondée par temps clair – ou d’une manipulation – un énième filtre arracheur de matière -. Mieux, d’un petit mystère.
Dès lors, la difficulté n’a donc pas été de savoir quelle image j’allais pouvoir composer avec cette cascade aperçue au loin, ces rochers recouverts d’algues et ces personnes déambulant sur la plage à marée basse, un peu comme l’on peut se demander le soir, la tête dans le frigidaire et le bras posé sur sa porte, ce que l’on va bien pouvoir mitonner avec ces deux tomates, ces trois cœurs d’artichaut et cette tranche et demie de rôti, mais comment j’allais réussir à créer, avec un minimum de moyens, cette image-là très précisément, compromis complexe de deux temporalités opposées : enregistrer le mouvement, donc le temps qui passe, et, en même temps, saisir le mouvement, donc, l’instant.
Ce qui m’inquiète le plus à dire vrai n’est pas que ce trio se soit engouffré dans ces sombres abysses terrestres aux abords accueillants, mais plutôt le fait que je ne l’ai jamais vu en ressortir…
Il ne faut pas s’y méprendre, ce n’est pas parce qu’un écran nous sépare et que je ne sais pas où vous êtes précisément que je ne distingue pas votre mine dubitative. Certes, j’ai légèrement saturé les couleurs de cette photo mais promis juré craché, il n’y a aucun filtre : je n’ai fait que révéler le cercle chromatique qui, dans ce face à face étoilé, s’est intercalé, en sourdine, entre l’astre solaire et moi. Capturer ces halos concentriques irisés n’était d’ailleurs pas mon intention initiale à la prise de vue pour la simple et bonne raison que je ne savais pas encore que c’était possible. Vous voyez, je suis transparente avec vous ! Non, ce qui m’avait aimantée, comme souvent dans ces ambiances urbaines a priori froides et déshumanisées, c’est une présence humaine résiduelle. Là, accoudés au bastingage, dans une flèche de lumière, deux hommes dont la petite taille – tout à fait normale en réalité – comparée à celle des immeubles alentours rappelle à quel point nous vivons parfois dans des environnements qui nous engloutissent totalement. Impression d’écrasement intégré que ces vives couleurs viennent heureusement atténuer…
On dirait une peau de serpent aplanie voire un gros plan de nanotube de carbone… Mais le rectangle bigarré dans le premier tiers de l’image vient bousculer le quiz pictural. C’est beaucoup plus simple que cela ! Une serviette de bain, séchant sur un garde-corps sinueux. Et trois étages au dessus, les seuls rescapés d’une catastrophe sans précédent perdus sur une façade tour à tour captivante, mystérieuse et aussi belle qu’effroyablement monstrueuse. Du fait de sa taille, partiellement montrée, mais aussi de la répétition systématique et abusive d’un motif devant manifestement rappeler le va-et-vient permanent des vagues de l’océan Pacifique sur le sable chaud de Waikiki sur lequel elle est plantée, et enfin du fait de la froideur que cette combinaison dégage. Cette façade fait face au paradis supposé – palmiers, eaux turquoises, sable fin, soleil – , mais plus je la regarde, plus je lui trouve des allures de purgatoire et plus j’en viens même à douter de l’humanité de ces deux-là ?
Cette photographie est à classer dans la délicieuse catégorie des TAEBDCMF car ABEABM. Je traduis : « Tu As Eu Beaucoup De Chance Ma Fille car Au Bon Endroit Au Bon Moment ». Je traduis : au même endroit, il aurait tout simplement pu être midi, cette heure où la lumière zénithale écrase tout sur son passage […]
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