Le plus beau n’est pas toujours ce qui est éclairé, mais ce que la lumière savamment mise en place pour certains met en valeur chez les autres… La preuve dans cette ruelle espagnole un froid et sec soir d’hiver. La grille en fer forgé, sa projection allongée sur la façade et le défilé ibérique sous les néons vifs de la Saint Sylvestre ont capté toute mon attention. Et je serais bien incapable de dire quel monument était honoré à tribord.
Un ours en peluche jouant à cache-cache en pleine rue, avouons-le, ce n’est pas très courant. Et je ne parle pas du film d’animation qui sévit actuellement dans les salles obscures et fait pleurer, de rire aussi, les grands enfants nostalgiques. Ainsi blotti derrière un volet replié de fenêtre de rez-de-chaussée, j’ai d’ailleurs bien failli ne pas le voir, ce petit ours attendant patiemment que l’on vienne le chercher. Comme s’il était au coin… Peut-être est-il puni ? Ou alors, il monte la garde !
Reste que sa présence à cet endroit intrigue, encore aujourd’hui… L’hypothèse anthropomorphique rapidement abandonnée, les questions arrivent : comment est-il arrivé là ? A-t-il été abandonné, lâché par mégarde par un enfant en poussette, puis ramassé par un badaud, passant par là aussi, mais un peu plus tard, pour être posé sur le rebord de la fenêtre au cas où parent et enfant retraceraient leur chemin en sens inverse ? Si tel est le cas, pourquoi l’avoir mis derrière le volet, à l’abri des regards ? Et était-il déjà installé lorsque les propriétaires du volet l’ont replié sur lui-même ? Probablement, puisque ce dernier n’est pas totalement ouvert. En le dépliant, ils ont bien dû se rendre compte que quelque chose bloquait. En tendant la main, ils ont touché quelque chose de doux et de triste. Mais, dans ce cas, comment expliquer qu’ils l’aient laissé là au lieu de le faire trôner au milieu de leur fenêtre, pour qu’il soit repéré de loin par son jeune propriétaire désespéré ? Après réflexion, la partie de cache-cache me semble bien plus simple et logique !
A certaines heures de la journée, à certaines périodes de l’année, à certains instants de ciel dégagé, le macadam se peuple de formes difformes, allongées et parfois tronquées… Le spectacle ne dure que quelques minutes durant lesquelles la surface supplante le volume. La valse des ombres a sonné, indiquant toutes la même direction, celle du coucher.
Mystère matinal post-canicule : les hommes, tout du moins, leurs cages métalliques, ont disparu de la circulation ! Je ne vois que deux solutions : soit elles ont pris leur indépendance, profitant de la nuit pour s’évader silencieusement au point mort ; soit les hommes les ont emportées loin de toute civilisation… pour la recréer ailleurs. L’une comme l’autre, désertion totale synchronisée. Il y a peu d’occasion pour l’urbain de voir une chaussée aussi nue ! En temps normal, un vrai paradis pour le travailleur exténué et ayant encore une épreuve à remporter pour achever sa journée, trouver une place où caser sa boite à roulettes.
Mais, le travailleur exténué faisant lui-même partie de ces déserteurs estivaux, il ne pourra goûter au bonheur typiquement francilien de n’avoir que l’embarras du choix pour se garer. En échange, en revanche, il restera piégé des heures durant, avec famille, chat et peluches, sur des routes congestionnées, comme si tout le monde s’était téléphoné pour partir au même moment. La ville ne se laisse pas abandonner ainsi ! S’ouvre alors une période de grâce pour les non motorisés, piétons, cyclistes et autres libérés : la rue est à eux. Les exaspérés du trop-de – bruit, monde, monoxyde de carbone – vont enfin pouvoir retrouver la ville qu’ils aiment, une ville où l’on peut respirer sans craindre l’infection pulmonaire ; une ville animée, mais pas par la fatigue et l’impatience qui en découle ; une ville au pouls rapide, mais qui laisse à chacun le soin de vivre au sien ; finalement, une ville où l’homme n’est pas qu’un morceau quelconque de masse humaine mais où il a sa place en tant que personne.
Notre mode de vie occidental pris entre quatre murs sur les boulevards intérieurs : interdiction formelle de s’arrêter sinon on vous le fait payer, chantier, rétrécissement de chaussée répétés à l’envi, comme si nous n’avions pas compris que ce monde allait vite, que cette vitesse faisait de notre vie un véritable chantier, et que ce chantier – en plus de nous mettre constamment en retard – nous conduisait inéluctablement à occulter un certain nombre d’envies, de besoins, de rêves…
Fort heureusement, ce n’est pas une fatalité : certaines personnes réussissent à vivre hors de ce modèle et ne s’en portent pas plus mal, bien au contraire ! On les voit, de temps en temps, traverser la rue sereinement, le pas léger, les bras ballants, la tête haute, protégées par leur cocon triangulaire et entourées d’un bleu réconfortant. Les passerelles entre les deux modèles existent-elles ou les hommes sont-ils définitivement scindés en deux catégories ?
Petite note d’humour dominicale… Dupond et Dupont en chair et en os en pleine rue ! Tout en symétrie : la même combinaison blanche immaculée – qui, en soi, n’est pas une tenue que l’on rencontre tous les jours – ; la même tignasse brune ; la même démarche – le pied droit au sol pour l’un, le gauche pour l’autre – ; le même jeu de bras, bras plié retenant l’autre, ballant, – le droit pour l’un, le gauche pour l’autre ; et pour clore le tableau, le portable bien au chaud dans la paume de la main – gauche pour l’un, droite pour l’autre… Un mimétisme d’autant plus amusant que le plus intéressant se passe de dos. Que l’un cale son pas sur l’autre est normal, cela arrive à tout duo ou trio de personnes marchant côte à côte. Plus, c’est le retour à l’anarchie des cadences. Mais cette position de bras inversée ! Il faut bien un minimum de coordination pour la partager, non ? Enfin, c’est notamment pour ce genre de cliché que mon appareil a une place permanente dans mon dos.
Se perdre dans une ville inconnue est un vrai délice. Enfin, se perdre… Je m’entends… La découvrir sans plan, sans idée préconçue, sans s’imposer de visiter tel ou tel lieu supposé emblématique comme il l’est dit à la page 32 de notre guide, la découvrir sans la pression du temps qui passe et ce souci qu’il fait naître de tout voir, surtout ce qui est « à voir »… Chaque croisement conduit alors à une unique question : gauche ou droite ? Un véritable apprentissage du choix, s’appuyant sur des raisons différentes à chaque fois selon l’humeur du coin : la mer au bout, du monde qui passe, un reflet d’arc en ciel dans une fenêtre, l’étroitesse d’une rue, des enfants qui jouent, une étrange vitrine, un rideau rouge flottant au vent, jusqu’à rien… Oui, visiter une ville en ne choisissant d’aller que dans les rues où il n’y a personne. La quête de solitude peut en effet être un objectif du promeneur faussement égaré…
Se balader dans une ville inconnue, sans autre but que celle de la parcourir, c’est un peu comme se promener sur les lignes de sa main… sur sa ligne de vie en l’occurrence… On ne sait pas trop où on va, on ne sait pas, qui d’elle ou de la vie, nous conduit vraiment… Elle est là, apparemment bien droite, bien marquée, bien longue, évidente. Mais en s’approchant un peu, on aperçoit quelques ramifications. La ligne s’affine, se gondole, s’écourte puis se termine… La marque de nos choix ? Gauche ou droite… Comment savoir sur quelle portion de ligne conduit tel choix ? Et puis, ces choix, ont-ils déjà été faits ou sont-ils à venir ? A ce moment, on se dit qu’il aurait quand même été bien pratique de naître avec une échelle sur la main… Au moins, on aurait eu un indice sur le moment…
Les étages élevés amènent parfois les observateurs à plier leur dos en deux, afin de voir ce qui se trame là où le verre tutoie les nuages. Les étages élevés amènent les preneurs de photos à faire de même. Avec une légère angoisse en prime, totalement imperceptible par tout élément extérieur : comment faire entrer tout cela dans ce petit rectangle qui sert de cadre ? Cela se corse lorsque ce même preneur d’images souhaite emporter avec lui un peu de ce sol sur lequel il se meut. La contorsion se fait douleur. Mais elle fait aussi apparaître d’étranges signes. Triple zéro. 000. Une flèche vers la droite. Le début d’une rue. Pine Street même. N’est-ce pas étonnant de commencer quelque chose par du rien ?
mais pour le moins troublante… Une demie tête de clown, la langue tirée comme l’expression saisie d’une dernière forfanterie avant quelque chose de vraiment terrible… Nous avons tous, un jour au moins une fois, rêvé d’être un passe-muraille. A une nuance près, celle d’accéder à l’autre côté et non pas d’être coupé dans son élan au beau milieu du mur… Comme ce clown visiblement, dont le reste du corps, invisible, se débat dans la pierre depuis des lustres… Reste cette face, aux traits et à l’expressivité si réalistes que l’on ne s’étonnerait presque pas de la voir ciller des yeux, pour des faces à faces, qui, il faut l’avouer, n’ont pas souvent lieu. Car, trop souvent, le badaud passe, emmuré dans son silence et mu par une force obscure l’empêchant de regarder autour de lui.
En pratique, toutes les photos figurant sur ce site sont en vente. N'hésitez pas à me contacter pour plus de renseignements !
Un tour du Soleil en duos : 6e année en cours
Pour (re)découvrir en un clin d’œil et sur une seule page les micro-histoires photographiques publiées en ces lieux virtuels :
- entre le 22/02/2010 et le 22/02/2011, voici Un tour du Soleil en duos…
… est toujours le plus court chemin entre la source et le flux, le solide et le liquide, les sommets et la vallée, le calme et la tempête, la beauté et la beauté. 4 Share on Facebook
Je lui dis, un peu prétentieuse : – Ici, ce n’est vraiment pas pratique et instinctif de s’orienter sur les routes quand on n’est pas du coin ! J’argumente ma critique en rappelant – ce qu’il sait déjà puisque c’est son pays – que le nom des villes par lesquelles passent les routes n’est pas […]
Aujourd’hui, j’ai envie de nous emmener au sommet ! Au sommet du Mount Victoria, à côté duquel nous avons la chance de vivre ce confinement. Cette colline arborée aux multiples sentiers est notre respiration quotidienne. Sauf hier. Pour cause de pluie abondante, de froid et enfin de lancement – ignition three two one zero ! […]