Photo-graphies et un peu plus…

Cela s’est passé en deux temps. La première fois, je ne m’attendais absolument pas à ce que j’allais découvrir dans cette seconde antichambre à la fois sombre et brillante de l’exposition consacrée à l’artiste japonaise Yayoi Kusama, la Dame à pois. Comme dans toute expo à succès, je suivais patiemment le fil des visiteurs, en accordant aux œuvres le temps que mes suiveurs me laissaient. Mais, arrivée dans cet antre physiquement réduit et pourtant aux dimensions virtuelles infinies, mon panurgisme a perdu sa laine et je suis restée là, comme une gamine, à admirer la symphonie lumineuse qui se jouait dans cette boite à musique intérieure aux cloisons – murs, plafond, eau pour le sol – parées de miroirs et où les hommes n’étaient plus que les ombres d’eux-mêmes. Respectant scrupuleusement les consignes de l’exposition interdisant toute photographie, j’avais soigneusement laissé mon filet à images dans son étui tout en enviant ceux qui avaient été moins regardant avec la rigueur locale.

En m’extrayant difficilement du rêve au bout de quelques minutes, j’avais déjà décidé de revenir. D’autant que, visiblement, cette pièce échappait au credo du « no picture please ». Sans pied, difficile, en effet, de rendre justice à la beauté épileptique de cette installation addictive aux humeurs changeantes et à sa douce folie totalement contagieuse… Car, après avoir maladroitement tenté de capter les points un à un et par milliers, impossible de ne pas se laisser emporter et porter par le mouvement et la dynamique que cette Infinity roomsFireflies on the waterinsuffle…

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Même si je sais pertinemment que cette irisation de l’eau n’est que l’illustration du manque de respect de navigateurs motorisés pour leur port, que leurs dégazages intempestifs étouffent la faune et la flore, et contribuent à salir l’image d’une cité antique en quête de billet d’honneur, je ne peux m’empêcher d’être hypnotisée par la beauté du tableau mouvant formé par les vaguelettes sur lesquelles surfent ces nappes d’essence et se métamorphosent les bâtisses centenaires en bordure de quai. Chaque seconde, le panneau change, chaque seconde, je suis partagée entre le dégoût que m’inspire cette souillure volontaire et l’enthousiasme pour l’expression artistique qui y naît naturellement. Deux ressentis diamétralement opposés qui conduisent pourtant à une même réaction : emporter l’image avec soi, telle un constat, le plus neutre possible. Illusion ! N’y a-t-il pas jugement dès lors qu’il y a cadrage ? Et dans ce cas, celui-ni ne met-il pas plus en avant la beauté involontaire de la marée noire quotidienne que l’agression écologique permanente qu’elle provoque ? Manifestement, si…

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