Photo-graphies et un peu plus…

Marchez tout en regardant fixement un point dans le ciel, comme si vous suiviez quelque chose du regard, et vous serez bientôt imité par deux ou trois personnes témoins de votre petit manège. L’effet miroir est quasi instinctif, motivé par notre insatiable curiosité. Le constat semble aussi vrai avec la photographie… Exemple pris parmi d’autres avec cette image. Direction les jardins de la Fondation Miró sur les hauteurs de Barcelone. Quelques personnes se promènent sur la terrasse. Une double porte vitrée empêche le visiteur de s’approcher de cette sculpture dont je ne trouve pas le nom. Il y a un interstice entre les deux parois de verre légèrement bleutées, permettant – malgré la transparence – de voir d’une autre manière ce qui se trame de l’autre côté. A savoir, dans ses couleurs originales.

Cet espace de vérité coincé entre deux frontières à la fois translucides mais matérialisées capte mon attention : j’en fais mon objectif pour cette photographie et m’attèle sérieusement à mes cadrage-réglage. Cela prend quelques secondes, peut-être minutes – pas trop non plus -, laps de temps pendant lequel je vois entrer plusieurs personnes dans mon champ visuel. Je suis certainement restée trop longtemps au même endroit pour passer inaperçue… L’œil sur le viseur et les doigts sur la gâchette, je les vois s’approcher de la double porte… Ma photo en poche, je me recule pour assister au spectacle : trois personnes dégainent leur appareil photo et y font entrer la sculpture, que je n’ai toujours pas identifiée. Mimétisme photographique parfait, à ceci près qu’aucune n’a jugé pertinent de se placer au cœur de l’ouverture. Peut-être se sont-elles dits que ces deux bandes verticales allaient gâcher la photo, alors qu’à mes yeux, elles en sont le sel. Et voici comment trois innocents petits centimètres réussissent à créer une grande différence malgré l’apparente similitude des gestes…

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… désolée, j’ai été coupée ! On m’a perquisitionné mon appareil… « Madame ? » La première fois, je n’entends pas… Bien que, en toute logique, le fait d’écrire que je n’entends pas la première fois prouve que j’ai, au contraire, bien entendu… Sinon, je ne saurais pas qu’il y a eu une première fois. Je n’ai simplement pas fait la corrélation entre le « Madame ? » vaguement perçu et ma petite personne. Donc, très bien, j’ai entendu. Vous êtes durs en affaire ! Bref. « Madame ? » pour la deuxième fois. Je me tourne. C’est un type de la sécurité. C’est marqué en gros sur son T-Shirt. Il me parle avec les mains, me désigne mon appareil photo et me fait signe de venir le voir. Je suis coincée dans les gradins mais réussis à me faufiler. Je sais ce qui m’attend.

« C’est interdit les appareils photos. Vous devez le déposer », me dit-il calmement. Et moi, naïvement, voire bêtement, « Ok, j’arrête de faire des photos, je le range ! » Pas convaincu une nanoseconde… « Non, non, suivez-moi ! » Je le suis. Dans l’intervalle, tous ceux qui, dans les parages, avaient encore leur appareil photo en bandoulière le rangent discrètement. Je suis déjà en train d’imaginer toutes les photos que je ne pourrai pas faire… Je souffre en silence. « C’est considéré comme un appareil pro » me dit-il, laconique. « Ah bon ! » dis-je un peu en riant, sachant pertinemment que ce n’est pas le cas, sans vouloir te mettre en boite mon cher compère. Je passe sur les petits appareils si perfectionnés qu’ils font des merveilles ainsi que sur tous ces portables utilisés comme caméra… J’attends simplement mon tour. Trois personnes sont devant moi. Jugées pour le même crime. Derrière des barreaux, un gentil type bedonnant a pour mission de collecter les objets du délit – comme s’il s’agissait de véritables armes -, de les étiqueter soigneusement, de les poser sur une étagère de fortune les uns à côté des autres, et de nous dire : « Surtout, ne perdez pas votre petit papier ; sans lui, vous ne pourrez pas le récupérer ! » en montrant notre précieux prisonnier. Je retourne à mon siège avec l’étrange sensation de me retrouver sur une plage nudiste. Il me manque quelque chose autour du cou, dans mes mains, sur mon œil… mais ça passe, je m’en passe… je repasse en revue les images que j’ai eu le temps de faire, et cela me satisfait. Des images qui, a priori, n’auraient pas inquiété les équipes promotionnelles… Comme si j’allais prendre ce qui se passait sur scène ! Quelle idée !

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Voir un arc-en-ciel – même si cela signifie qu’il a plu récemment, manifestation céleste pas toujours appréciée à sa juste valeur, mais heureusement, comme on dit, « après la pluie, le beau temps » d’où justement de potentiels arcs-en-ciel -, donc, voir un arc-en-ciel est toujours un bonheur pour les yeux – ces couleurs dans le ciel ! -, un ravissement pour les sens – quelle magique apparition ! – et un catalyseur pour l’imagination – il y a un trésor là où il se pose à terre… A fortiori, voir un double arc-en-ciel, phénomène relativement rare mais totalement explicable – il s’agit d’une « double réflexion de la lumière du soleil à l’intérieur des gouttes de pluie » -, double bonheur, ravissement et catalyse…

L’émerveillement passé, la raison reprenant la majorité, plusieurs détails sautent aux yeux : le gris du ciel sous le premier arc est différent de celui qu’il y a entre les deux arcs, plus sombre, et encore de celui qui l’occupe au-delà de l’arc secondaire dont l’ordre des couleurs est, par ailleurs, inversé, ce qui semble logique puisqu’il s’agit d’une réflexion d’une réflexion, une méta-réflexion en quelque sorte. Mais revenons aux raisons de ce dégradé grisâtre, car évidemment, le monde s’interroge… Cette bande intermédiaire, inter-arc, porte le nom à la fois clair et énigmatique de « bande sombre d’Alexandre ». Bande sombre car, comme chacun peut le voir, la bande est plus sombre que le reste. Alexandre car prénom du Monsieur d’Aphrodisias – aucun lien de parenté avec les substances que l’on imagine en lisant ce nom -, philosophe péripatéticien de son état – qui, bizarrement, n’est pas le pendant masculin de ce que signifie le mot au féminin – qui l’a observée le premier… Or, en ces temps immémoriaux, un peu avant 200 donc, il y avait encore une telle kyrielle de choses à découvrir qu’être le premier observateur d’un phénomène lui faisait prendre automatiquement son nom.

Mais pourquoi cette différence de teinte ? Encore une histoire de réflexion qui ne passera pas sans quelques chiffres… Et pour comprendre, il me faut briser la magie de l’arc-en-ciel, ce dont je m’excuse par avance : la lumière qui traverse une goutte d’eau est déviée de 40°-42° vers l’arrière après une première réfraction, une réflexion, puis une seconde réfraction qui la fait sortir de la goutte ; quand il y a un second arc, c’est qu’il y a eu une réflexion de plus dans la goutte – quelle penseuse ! – et l’angle total de déviation à la sortie est de 50°-52°. Aucun rayon lumineux ne s’échappe donc d’une goute d’eau entre ces deux angles – 40° et 50° – d’où cette perception de bande plus sombre entre les deux arcs. CQFD.

Reste un mystère persistant après même la disparition de l’arc-en-ciel : même si on le croit proche, même si on se met en quête de l’atteindre pour vérifier cette légende de pirate, il nous sera toujours impossible de passer dessous. L’arc-en-ciel demeure un rêve éveillé inaccessible…

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category: Actus
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