Photo-graphies et un peu plus…

Ils sont beaux, là, tous alignés, les yeux rivés sur le spectacle en train de se jouer devant eux. On leur a demandé de se presser exactement là, à une distance très précise de l’estrade. « Vous verrez mieux ! » qu’ils disent. Il est vrai que ce mur de lumière, réalisé avec des phares récupérés sur des voitures, est impressionnant. Mais, dans le cas présent, il s’agit d’autre chose. La Compagnie étant joueuse, je soupçonne une bonne blague et me mets à l’écart… Juste assez pour ne plus avoir de flaques d’eau sous mes pieds. C’est vrai, elles sont étranges ces flaques au beau milieu du Grand Palais. La toiture est neuve, et qui plus est, c’est l’été. Pas d’ondée à des kilomètres à la ronde. « Vous êtes prêts ? » lancent les organisateurs. « Ouiiii » répond l’assemblée rassemblée.

Arrêt sur récit. Une espèce de grosse tâche blanche surexposée vient occuper une bonne partie de l’image. Difficile de savoir de quoi il s’agit à ce stade. Reprise. Tout se passe en une fraction de seconde. Ils allument le canon, à eau, la masse aqueuse et monstrueuse vole et vient s’abattre sur les spectateurs avant même qu’ils n’aient compris ce qui leur arrive ! Personne ne l’a vue venir ! Personne, au dernier moment, ne s’est décalé pour passer au travers des gouttes. Tout le monde a été pris par surprise, de juste éclaboussé à rincé jusqu’à l’os, mais toujours avec le sourire aux lèvres ! Sans rancune ! C’est comme si, en passant la porte de ce chapiteau de verre et de fer, chacun avait décidé de ne pas voir le nez au milieu de la figure et de se laisser emporter par la magie de cette troupe de luxe !

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« Attention à la fermeture automatique des portes ! » Des doubles portes même ! Il y a toujours une légère angoisse à voir quelqu’un faire fi de cet augure qui se vérifie à chaque fois, et se jeter à corps perdu, comme si sa vie en dépendait, dans le train ambulant alors même que la sonnerie retentit… Surtout sur cette ligne 14 ! Elles en ont piégé des jambes, des sacs, des manteaux, des écharpes, ces pinces de Météor… Mais une fois installé en sa queue, les yeux rivés vers le passé, ce serpent de lumière offre un voyage galactique dans les entrailles de la Capitale.

« Attention à la fermeture automatique des portes ! » est une phrase que nous n’entendons jamais dans le métro montréalais. Non pas parce que le métro ne s’arrête pas en station comme celui en direction de Shell Beach dans Dark City, mais tout simplement, car ses portes se ferment sans crier gare ! Il n’y a pas ce cri strident ricochant de rame en rame pour inviter ceux qui veulent entrer et ceux qui veulent sortir à se presser, quitte à ce que soudainement transformés en rugbymen métropolitains, ils éjectent quelques transportés au passage. Le métro arrive, s’allonge sur le quai, les portes ouvrent leurs bras, à peine quelques secondes et les referment lentement derrière leurs nouvelles proies. Est-ce à dire qu’il règne ici une sorte de sérénité rendant totalement ridicule toute course vers une porte en train de se fermer ? Ou que l’on n’est pas à 5 minutes près ? En tout cas, cela apprend à attendre.

Musique originale de MétéoRythme : Coralie Vincent

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… mais il ne s’agit ni de météo ni de madeleine ! Contrairement à ce que j’affirmais dans La fin du temps il y a quelques semaines, Montréal a bien ses gardiens du temps officieux. Les sauveurs des sans montre, des sans portable, des anti-temps en titane et consorts ! A savoir, l’ancêtre du cellulaire (il est décidément beaucoup question de filiation ces temps-ci…), la cabine téléphonique. Qui n’est pas nécessairement une cabine. Elargissons donc : le téléphone public. Qui peut être dans une cabine donc, accroché à un mur de station de métro ou sur une simple borne au milieu du trottoir. Si, à Paris, des escadrons sauvagement organisés viennent régulièrement les arracher de leur poste en pleine nuit, Montréal les conserve. Sûrement une question de temps… L’éradication est en effet intimement liée à l’explosion démographique des portables – la question, par endroits, étant plutôt : « où est mon portable pro ? » « non, ça c’est mon perso ! » – qui semble ne pas avoir encore eu lieu ici.

Ces parallélépipèdes rectangles métallisés assez basiques sont dotés d’un petit écran sur lequel défilent informations et consignes : « Veuillez décrochez. » Puis « Appels locaux 50 c / Local calls 50 c » (parce que tout est traduit dans les deux langues, sauf les films) puis le jour et enfin l’heure. Chic ! Le cycle prend 8 secondes environ. Ce qui n’est pas négligeable quand vous êtes bien lancé, et qui peut pousser un observateur discret à s’interroger sur votre santé mentale. Vous êtes un sans-temps – mais on s’entend, vous avez quand même besoin de connaître l’heure par moments -, vous avez trouvé un téléphone accessible (pas derrière une grille que vous ne vous aviserez pas de franchir au risque de voir débouler trois bulldogs anglais mais canadiens), vous vous arrêtez net comme si une mouche vous avait piqué, mais c’est le début du cycle. Vous voilà donc posté devant la machine, à la regarder de façon insistante sans même ciller les yeux, de peur de manquer la ligne attendue, sans bouger, sans saisir le combiné, c’est inutile, vous ne voulez appeler personne. Vous êtes là, donc à attendre que les 8 secondes passent. Comme si la machine s’était arrêtée. La vôtre. Comme si vous aviez buggé, en quelque sorte. Un statu quo temporaire mais tout à fait perceptible par une personne passant à vos côtés à cet instant et qui vous lancerait alors un regard interrogateur, voire inquiet. Vous aimeriez alors lui dire que tout va bien, que vous ne planez pas et que vous attendez juste que les 8 secondes passent pour savoir enfin quelle heure il est, mais cela impliquerait certainement de tourner la tête, mouvement qui vous ferait inévitablement repartir pour un nouveau cycle. Et pendant ce temps, le temps passe. Evidemment, vous pourriez aussi saisir cet échange furtif de regards pour lui demander directement l’heure, ça marche très bien aussi !

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Avez-vous déjà fait l’expérience d’écouter du brouhaha ? Il est vrai, que d’une manière générale, le brouhaha, on ne fait que l’entendre. On ne peut d’ailleurs faire que ça… Sans gêne, il s’incruste au restaurant, dans les salles de spectacle, les stades, les manifestations, les classes, les cours de récréation. Une sorte de rumeur à laquelle chacun participe inexorablement par le seul fait d’ouvrir la bouche et d’émettre un son.  Ce qu’il y a de fascinant lorsque l’on écoute le brouhaha – et donc, que l’on se plonge soi-même dans un silence d’or -, c’est que, comme dans un épais brouillard, les phrases, les mots, les syllabes, les lettres perdent totalement leur identité, leur relief. Et dans la foulée, leur sens. Tout se fond en un magma indistinct de sons et de bruits, constituant, bizarrement, une ambiance sonore uniforme. Seul un éclat de rire, un tintement de couverts sur une assiette, deux verres qui s’entrechoquent, un larsen viennent rompre la monotonie bruyante de cette espèce de langage que personne ne serait en mesure de parler seul, bien que le maîtrisant parfaitement en groupe. Car, dans cette langue légèrement surréaliste, chaque phrase est le fruit de mots prononcés par plusieurs personnes et n’a de sens pour aucun d’entre eux.

Mais est-ce vraiment le plus étonnant ? Que vous soyez à Paris, à New York ou à Rome, cette langue semble résonner de la même manière. Quelle que soit la langue parlée, le brouhaha la dépouille de ses intonations, ses accents, sa musique qui en font son unicité. Quelles que soient les différences, celles-ci sont gommées par la superposition. Superposition, c’est ce mot qui m’est venu à l’esprit lorsque je me suis demandé comment transposer cette expérience sonore en photographie. Superposition d’images donc, n’ayant rien à voir les unes avec les autres, comme les conversations télescopées de différentes tables, donnant un ensemble indéterminé, indéfini, incohérent, improbable, irréel dont on peut, malgré tout, reconnaître certains éléments, des taureaux, des lumières, des arbres, des parasols, des lettres, du ciel, de la terre. Et si l’on continuait à multiplier les couches sur cette esquisse, si l’on réitérait l’expérience avec une autre série d’images, le résultat serait probablement tout aussi universel qu’avec les sons. Ces parties encore discernées s’effaceraient pour se transformer, petit à petit, en des traits puis, des points. Et, alors que les sons continueraient à s’imposer, oppressants, l’image, elle, décomposée, disparaîtrait.

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« Ecrire, ce doit être une souffrance », m’avait-il dit. Sur le coup, cette petite phrase m’avait fait mal. Je ne comprenais, en effet, pas pourquoi faire ce que l’on aime devait être douloureux. D’une manière générale, pour tout être normalement constitué (mais, est-ce qu’il existe vraiment ?), lorsqu’une action nous fait souffrir, on évite d’avoir à la faire… On me rétorquera peut-être que l’on n’a pas toujours le choix. De quatre choses l’une, soit ce qui m’a été asséné comme une vérité irréfutable est faux et je suis soulagée, soit c’est vrai et c’est malheureux. Pourquoi l’écrivain, le peintre, le sculpteur, l’artiste en général, traîne-t-il cette maudite image de torturé ? Ne peut-on créer dans la joie, la paix et la bonne humeur ? Faut-il alors, lorsque l’on désire être l’un ou l’autre (là, encore, est-ce vraiment un désir, ou quelque chose qui s’impose à soi, et donc, qui n’est pas forcément de l’ordre du conscient… encore que le désir peut être inconscient…), s’autoflageller pour être certain de créer quelque chose de profond ? en tout cas, qui soit pris au sérieux ?

Ce qui me conduit à évoquer un questionnaire conçu par une unité de recherche en littérature de l’Université Sorbonne nouvelle pour préparer une table ronde sur notre rapport à la littérature. Il y a notamment une question liée aux raisons pour lesquelles un écrivain écrit et des réponses si diverses et variées de leur part, que l’on peut imaginer qu’elles sont franches. C’est vrai, on est sensé savoir pourquoi on fait ce que l’on fait ! Donc, en vrac, parce qu’on a à dire ce que personne n’a dit, parce que c’est comme une sorte de jeu pour adulte, par terreur vaniteuse de disparaître complètement, parce que je ne sais pas parler, parce que ça me donne plus d’argent et d’une façon gratifiante, pour devenir célèbre et être libre, parce que j’aime mentir, par amour des mots, pour ne pas devenir fou, pour mettre en accusation l’humanité, pour qu’on m’aime davantage, bon qu’à ça et enfin, pour créer de l’ordre, de la beauté, de la vie. J’aime bien cette dernière raison, même si, spontanément, je n’associe pas l’ordre à la beauté et à la vie. Pour créer de la beauté, de la vie, idéalement pour partager une vision, un univers, réel ou inventé. Pour voir le monde autrement et montrer ce que l’on ne voit pas toujours. Comme avec l’image. Pour le plaisir surtout. Le bonheur que cela procure de jouer avec les mots, les idées, les sons, les  lignes, les couleurs, les formes… la vie. Voilà. Ceci était le 300e duo de ce site…

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Je peux l’avouer aujourd’hui, j’étais dans l’avion rebelle du Couloir aérien, celui qui s’était offert une petite virée spatiale, comme ça, sur un coup de tête, un matin comme il en existe où l’on se sent pousser des ailes, où l’on se dit que tout est possible. Juste avant d’amorcer son ascension, l’avion, qui avait pris les commandes de lui-même (une option négligée du pilotage automatique), a diffusé un message dans la cabine, expliquant tout ce qui allait se passer. Pirate de l’air, certes, mais soucieux du confort de ses passagers, et c’est tout à son honneur. Incrédulité dans les rangs jusqu’à ce qu’il ne commence sérieusement à s’incliner, alors transformée en panique totale. Mais, une panique étrangement silencieuse. A couper le souffle, pour ainsi dire.

De toute manière, il n’y avait rien à faire : l’avion en position verticale, impossible de se lever de son siège pour remonter le courant. Il n’y a que dans Titanic que les héros sont capables de défier la gravitation à ce point ! De la fiction ! Là, on est de l’autre côté. Dans la réalité. Evidemment, les masques à oxygène sont tombés et nous les avons mis dare dare sur nos visages, prenant de grandes inspirations comme si elles allaient nous réveiller d’un mauvais rêve. A bien y réfléchir, ce calme surréaliste était peut-être dû à la musique qu’avait mise l’avion, vraisemblablement très cinéphile. L’ouverture de Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss puis, dans la foulée, Le beau Danube bleu de Johann Strauss II, homonymie fortuite car sans lien de parenté. En quelques minutes, porté par la valse autrichienne, tout le monde était dans un état second. Comme perché. Contemplatif. A l’extérieur, palier de décompression après palier de décompression, le bleu ciel devenait nuit. Les petites télés, branchées sur ce que l’on voyait du cockpit, faisaient défiler des images d’un infini, sombre, et en même temps, parsemé de petites billes de lumière et de sphères gazeuses, que l’on devinait à travers les hublots. L’inconnu fantasmé, le rêve incarné. Une parenthèse étoilée sur laquelle est venue, pendant une micro-seconde, flotter l’image de la cité que nous venions de quitter, tel un au-revoir sublimé.

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Non, non, ce n’est ni une erreur, ni un oubli, ni une blague… Ce rectangle, qui accueille habituellement une image, une vraie, est vide, blanc comme la neige pas encore foulée ou comme une feuille sans inspiration. Il ne s’agit ni de lune ni de loutre. Ce cadre est vide mais, en réalité, il est plein. Plein d’une catégorie très particulière de photographies : celle des photos pas faites (ou PPF, prononcer ppf comme un pff de dépit). Les raisons sont aussi nombreuses que les pétales d’une rose rouge : appareil oublié ou laissé sur la table du salon pour une fois, manque de réactivité, lumière insuffisante, panne de batterie, plus de pelloch (dans l’ancien temps), manque de courage, d’audace, respect de l’autre, que sais-je.

La ppf, c’est un peu comme la malédiction du coup de genou dans le coin gauche de la table basse décidément très mal placée. C’est un truc qui nous arrive inévitablement sans que l’on puisse prévoir quand exactement, qui ne fait pas toujours trop mal sur le moment, mais qui, au bout de quelques secondes, déclenche une douleur aiguë qui se propage dans tout le corps. Pour résumer, on déteste. Car forcément, cette photo pas faite est celle que l’on aurait aimé faire, celle qui aurait été hissée dans le top 5 des photos de l’année en cours.

La photo pas faite est une photo parfaite, parce que, justement, on ne peut que l’imaginer. Ce qui révèle un autre avantage de la ppf : elle ne s’oublie pas, contrairement à toutes celles que l’on a faites, que l’on a quelque part, sur un support virtuel ou réel, et que l’on s’autorise à effacer de notre mémoire car on sait que l’on peut la réactiver en ouvrant un album ou un dossier. La photo pas faite, on la garde en soi comme un coffre dont on serait le seul à avoir la clé, on la préserve comme un tableau de maître, on la regrette comme un match injustement perdu, et lorsque l’on réalise que l’on est en train de ne pas faire une photo, toutes les photos pas faites viennent défiler sur un écran virtuel situé à 5 cm de nos rétines éplorées.

Là, présentement, j’ai trois ppf derrière mes yeux clos. Ce qui signifie qu’il y a eu un récent épisode de ppf. Cet après-midi en fait… La première du trio du jour remonte à quelques années. Direction le Sri Lanka, sur la côte sud. L’océan indien à quelques mètres. Le village vient d’être lessivé par une grosse averse. Les gros nuages, vêtus d’un camaïeu de gris, sont progressivement chassés du village par le vent, tandis qu’un soleil bas, mais plus fort que jamais, réussit à se faire une place dans ce ciel encore chargé. Ses rayons viennent faire briller les feuilles arrosées des palmiers, miroiter le bitume des routes, éclater le blanc des murs, réfléchir les pare-brises des tuk-tuk, vaciller les couleurs des saris… Une splendeur. J’ai laissé mon appareil sur la table. Une deuxième, il y a quelques mois. Paris. Dans un bus, dans la circulation à Saint Michel. Il y a du monde, je suis coincée debout, près d’une vitre. Regardant en direction de la cathédrale Notre Dame, je vois arriver une voiture décapotée, avec, religieusement posé à cheval entre les sièges arrière et avant, un grand crucifix, renvoyant des petites étincelles de lumière à cause du soleil, et le Christ tourné vers le ciel, quand même. Et au volant, un homme en noir, un abbé médiatique, le plus médiatique d’entre eux. Là, devant moi, une décapotable, un crucifix, un abbé au volant, la cathédrale en arrière plan. Une conjonction d’éléments tellement parfaite que photo pas faite. Ppf. Manque de réactivité. Et là. Vieille ville. Où l’on offre, moyennant finance hein, des tours du quartier à bord d’une calèche tractée par deux beaux chevaux. Bien assis dans le fauteuil, un couple de personnes âgées regardant distraitement à gauche et à droite. C’est surtout lui qui accroche mon regard : bien portant, visage rougi, cheveux blancs et surtout une très longue et touffue barbe blanche. Calèche (ou traîneau, c’est un peu pareil), instantanément, je pense au Père Noël (que dis-je, je dis « Père-Noël ? » à voix haute), en repérage incognito avec Mère Noël. Mais je l’ai reconnu ! C’était tellement flagrant que … photo pas faite. Plus assez de lumière ! Ppfffffff….

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Je me suis toujours demandé qui établissait la programmation de ces séances gratuites de panneaux publicitaires déroulant, tant les enchaînements proposés sont parfois audacieux. Ainsi en est-il de celui-ci, monté façon express pour être quasi subliminal (donc fatiguant) et rendre encore plus évident le sarcasme des presses et papiers. Même typologie d’image. Une silhouette sur fond uni : blanc versus noir. Même gestuelle : bras écartés,  en l’air versus à terre. Même message en bandeau avec un jeu de question-réponse qui paraît étrangement calculé. Même conclusion : l’un comme l’autre ont franchi la frontière violemment, de façon non naturelle, celle dont on nous dit, nous répète, qu’elle est la seule dont on ne peut revenir. La mort.

Nous allons peut-être devoir revoir nos classiques à la lumière de tout ce qui a été entrepris depuis la disparition de MJ pour que la flamme (les billets verts) reste toujours allumée (continuent à couler à flot) chez les fans (dans les poches de tous ceux qui en ont des bien placées). Ainsi s’annonce donc la 4e tournée de Mike, Bambi, le Roi de la pop : « The immortal world tour ». Qui est, il faut le dire, un titre hautement cynique ! Qu’est-ce que c’est que ce cirque, vous direz-vous (peut-être) ? Et bien, justement, c’est le Cirque du Soleil, connu pour ses shows magnifiques mais doté d’un contrôle qualité un peu trop pointilleux à mon goût, qui est à l’origine de ce projet humaniste et philanthropique. Enfin, qui a « uni ses forces avec la succession de Michael Jackson » pour créer ce spectacle, dont un premier tour de piste aura lieu en Amérique du Nord en 2011 et 2012. A peine un an et demi qu’il est décédé, et il ne se passe pas un jour sans qu’on ne le sorte de sa tombe. Si ce n’est une chanson inédite exhumée par ce héros récurrent, cet-ami-qui-lui-veut-du-bien-enfin-pas-à-lui, c’est un concours pour trouver « le nouveau Michael Jackson », puis un album posthume (dont la voix n’est potentiellement pas la sienne), des coffrets, un jeu vidéo, et donc ce spectacle. Bientôt, un clip en hologramme 3D j’imagine pour « matérialiser » un peu ces duos pré-enregistrés… Tout cela me renvoie à quatre phrases prononcées par l’artiste expérimentale Laurie Anderson lors de son spectacle « Le délire » donné à la Cité de la Musique (grand écart culturel, oui) et qui disaient, en substance : on meurt trois fois ; la première, quand on s’éteint ; la deuxième, quand on nous enterre ; la troisième, quand notre nom est prononcé pour la dernière fois. Finalement, le titre choisi par le cirque n’est peut-être pas si douteux. Car, il n’est pas encore né le jour où le nom de Michael Jackson ne sera plus émis (ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, aaaahh…) !

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Tout commence par une histoire de cinéma. Ou plutôt de voix de cinéma. Ou plutôt de doublage de voix de cinéma. En somme de langues. Si l’image est essentielle dans tout film, le son l’est tout autant. Je ne parle ni de technique ni de musique, primordiales, mais du verbe, des mots, des dialogues, de la sonorité de la langue… Avoir l’opportunité d’aborder un film dans sa langue d’origine, quelle qu’elle soit, est en effet un luxe qu’offrent nombre de salles parisiennes, que l’on finit par trouver normal, et donc oublier. On s’engouffre avec satisfaction dans une salle où le japonais, le hongrois ou le suédois résonnent en se disant que cela fait partie du voyage, et qu’ainsi, l’intégrité du film est respectée. Parfois, et s’en rendre compte est très étrange, alors que l’on ne comprend pas un traître mot de la langue employée, on se prend à occulter les sous-titres et à se concentrer sur les paroles échangées, comme si, par enchantement, on maîtrisait le japonais, le hongrois ou le suédois… Quelques scènes suffisent en général à nous faire réaliser que ce n’est pas le cas. On se jette alors à nouveau sur les sous-titres, en se demandant parallèlement ce qui a pu nous faire croire un instant que c’était superflu.

Ce qui me rappelle l’histoire extraordinaire de cette jeune Croate qui s’est réveillée de 20h de coma en parlant parfaitement l’allemand, une langue qu’elle commençait tout juste à apprendre, et non plus sa langue maternelle (qu’elle comprenait malgré tout). Une énigme scientifique pour l’heure irrésolue, même si elle renvoie vraisemblablement aux formidables capacités d’enregistrement et d’apprentissage non-conscient de notre cerveau. Mais pas de miracle dans la salle obscure, la lecture des sous-titres demeure inévitable pour la bonne compréhension de certains films !

Et, à mes yeux, c’est donc une chance que d’avoir à faire cet effort, parfois partiel lorsque la langue nous est familière. Un effort que nous épargnent malheureusement les salles montréalaises. Sur les 17 existantes (ce qui est peu au regard de la superficie de la ville), programmant à 95% des films anglophones ou francophones, seule une propose systématiquement la version originale sous-titrée. Les autres diffusent les versions doublées. Une torture en soi à laquelle s’ajoute parfois des aberrations comme une absence de sous-titres là où cela serait véritablement utile. Dernier exemple en date avec Enjeux, traduction de Fair Game, le dernier film de Doug Liman. Quelques scènes non anodines se « déroulent » en Irak. Langue parlée : l’arabe. On s’attend à avoir la traduction des échanges d’une manière ou d’une autre. Rien. La caméra retraverse l’Atlantique en basculant au français comme si de rien était. Comme si les mots n’avaient pas d’importance. Je le perçois comme un manque de respect du spectateur. Enfin, le film s’achève de façon documentaire, avec le témoignage de la vraie Valerie Plame, en anglais. Non sous-titré évidemment. Car, étrangement, dans cette ville où les anglophones ne représentent que 12% de la population, où les 4 millions d’habitants ne sont pas bilingues, où tout est disponible en français et en anglais, la crainte d’un phagocytage linguistique fomenté par les proches Américains semble prise très au sérieux. Ainsi, pour le cinéma, l’entente cordiale est-elle consommée : français ou anglais, il faut choisir son camp !

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La physique quantique a quelque chose de réconfortant pour les petits humains que nous sommes, même si, en tant que petits humains justement, nous ne sommes pas forcément aptes à la comprendre, a fortiori, à mesurer toute sa puissance, voire sa toute puissance. Sans jeux de mots, elle permet, d’un certain point de vue, de relativiser un certain nombre de ces choses qui titillent notre quotidien, en somme, notre réalité. La vraie, la palpable, celle qui fait aïe quand on la pince. Car, grâce à la physique quantique, tout devient théoriquement possible. Et ça, c’est un vrai soulagement ! De celui qu’éprouve Helena dans You will meet a tall dark stranger, le dernier film de Woody Allen, lorsqu’elle réussit à se convaincre que la réincarnation existe. Dès lors, la vie présente n’est plus aussi importante ni stressante, puisqu’elle a été précédée d’autres et sera suivie de nouvelles. C’est une manière radicale de faire baisser la pression.

Par exemple, dans la vraie vie, nous avons parfois des difficultés à faire des choix. Et puis, une fois que nous avons finalement réussi à en faire un, nous ne pouvons nous empêcher, dans un laps de temps plus ou moins long selon les individus, de nous demander ce qu’il  serait advenu si nous en avions fait un autre. La physique quantique résout potentiellement ce cruel problème de conscience, grâce aux univers parallèles. En schématisant grossièrement, et cela m’a été rappelé ce soir par une lumineuse conférence portée par l’éclectique Martin Winckler et le lumineux Stéphane Durant sur la faisabilité des voyages dans le temps, la théorie quantique stipule que tous les possibles existent parallèlement. C’est la raison pour laquelle il y a une autre photo à droite. Dans la vie réelle, celle dont je suis consciente, la mienne, je n’ai pas réussi à en exclure. Mais, grâce à l’existence de ces mondes parallèles, je n’ai plus à m’en soucier, car je sais que, quelque part, un autre moi a choisi la deuxième photo.

Le fait est que j’hésitais entre trois images pour illustrer ce texte. Et voilà qu’une chose étrange se produit. En me promenant dans mon désert, je tombe, non pas sur, mais dans un trou de vers. Vous savez, ces trous qui commencent comme des trous noirs, mais qui, en « réalité », ont une sortie. Bref, j’en ressors donc, un peu secouée, dans une autre dimension. Bingo, je suis dans un de mes univers parallèles. Et étant donné ma difficulté à faire des choix, ça doit vraiment être le chaos là haut ou je ne sais où. Bref, rencontre avec une copie de moi-même, celle qui avait choisi la première photo. Ce qui signifie que j’ai choisi la deuxième… Paradoxe ! Comment aurais-je pu faire ce choix et mettre celui de ma copie en premier ? Quoi qu’il en soit, moi et moi échangeons nos arguments quant à cette notion de choix d’image, les petites billes à l’infini, les rouages d’horloges superposées démultipliés. Tous se valent en fait. Et sans nous en rendre compte, nous tombons, non pas sur mais dans un nouveau trou de vers. Deux fois en 2 432 ans, une chance inouïe ! Et là, nous basculons toutes les deux dans un de nos autres univers parallèles, celui de notre troisième choix. Celle-là, juste au dessus. Avec une autre copie de moi-même, enfin, de nous-mêmes, en train de se demander si elle n’aurait pas mieux fait de choisir la deuxième, donc la mienne. Ce qui tombe bien, puisque je finissais par avoir des doutes quant à mon choix.  Ces espèces de fils de lumières qui se coupent et se recoupent dans un univers recourbé sur lui-même, c’est quand même pas mal. Heureusement, comme tout est possible en théorie, avec ma deuxième copie, nous décidons, d’un commun accord, d’échanger nos vies. Sans regret, je dis donc au revoir à mes deux copies, tout en prenant bien soin de ne pas révéler à celle qui a accepté de prendre ma place qu’un tas de copies l’attends sur le bureau… Une fois seule, avec mes circonvolutions, une question me taraude : si ma deuxième copie m’a remplacée, qui est l’originale désormais ? Oh hé, il y a quelqu’un ? J’ai comme la nette impression que certains ont choisi d’aller voir dans un de leurs mondes parallèles s’ils y étaient !

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