En un peu moins de 10 minutes, aidé par un vent vif et bien décidé à faire le ménage, le ciel était passé d’une couverture nuageuse blanche et clairsemée à une impressionnante fronde grisâtre puis noirâtre ultra-dense. On – tous ces gens qui étaient dehors à vaquer à leurs occupations du moment – avait pressenti le changement, porté d’abord par les rafales puis par une baisse soudaine de la luminosité, comme si quelqu’un avait appuyé sur l’interrupteur. On – les mêmes – s’étaient tous tournés vers la masse céleste sombre et galopante avec un sentiment mêlé d’effroi et de fascination : il allait falloir, et plus vite que ça encore, trouver un endroit où se retrancher car elle allait certainement se délester de milliards de molécules d’eau en phase liquide.
D’en haut, le spectacle devait être amusant… A l’instant i, des petits humains déambulant calmement en suivant une direction précise même si indéfinie au moment de poser le pied au sol. A l’instant i + nuage monstrueux, les mêmes humains plutôt catastrophés, balayant les environs et filant précipitamment (et un peu anarchiquement il faut le dire), parfois en courant comme si leur vie était en danger, vers des abris plus ou moins pérennes.
Cela me fait penser à des fourmis… Je m’explique. Enfant, vous avez sûrement observé la vie d’une fourmilière. Stupéfait par l’organisation sans faille qui semblait la gouverner et encore marqué par vos récents cours de chimie sur les réactions en chaîne, vous aviez, à plusieurs reprises, tenter de briser cet équilibre interne en obstruant l’entrée de la fourmilière ou en laissant tomber quelques gouttes (d’eau je vous rassure) sur les lignées imperturbables de fourmis. Mais c’est définitivement quand vous souffliez sur elles et que, complètement surprises et décontenancées, elles fuyaient dans toutes les directions, goûtant par la même occasion à ce que l’on appelle le chaos et l’individualisme, que vous étiez le plus fier de vous. Et bien, à une échelle bien plus grande, avec des cieux pareils, j’ai l’impression que quelqu’un me prend pour une fourmi et fait de drôles d’expériences sur mon espèce…
Ce moment, magique, où, après s’être temporairement éclipsé derrière les nuages épais nimbant le monde d’une noirceur apocalyptique, le soleil rougi réapparaît, fier et victorieux, pour ressusciter tout ce et ceux que ses rayons touchent.
Une voix universelle a dit : « Eloignez-vous de la bordure du quai. Attention au départ ! » suivi d’un coup de sifflet bref et strident. L’heure de la séparation était arrivée. Désespérée, elle s’est approchée de la vitre du TGV pour y déposer un vif baiser. Juste de l’autre côté, derrière un double vitrage étouffant les sons mais révélant les émotions, sa moitié l’imitait. Le train est parti, la marque laissée par ses lèvres est restée. Et au fil des trajets, le rouge de l’amour s’est mué en poussière du souvenir…
Parfois je me plais à croire que sans les battements d’ailes ininterrompus de dizaines voire de centaines d’oiseaux, les nuages nous tomberaient sur la tête…
Si le voyageur peut accepter, sous certaines conditions, d’être taxé de touriste – ce qu’il est quoi qu’il en pense et malgré la connotation négative que peut recouvrir ce terme -, il est nettement moins flexible et compréhensif lorsque d’autres voudraient voir en lui un simple mouton de Panurge suivant le flux sans réfléchir. Ou les conseils de son guide de voyage dont il a indéniablement besoin tout en ressentant une petite gêne d’avoir recours à cet appendice pour appréhender l’inconnu. Dans ce contexte nimbé d’illusions, ce que le voyageur aime par dessus tout est donc cette sensation de ne pas être un touriste comme les autres.
Imaginez donc sa fierté lorsqu’un autochtone avec qui il a sympathisé partage ses plans préférés, ceux-là même qui ne se trouvent pas dans les anti-sèches du migrant temporaire qu’il est et qui sont à peine indiquées sur les cartes. « Là, sur cette route, entre telle ville et telle autre, une piste partira à la perpendiculaire, il ne faudra pas la rater car il n’y a aucune indication, vous bifurquerez là et ensuite vous devrez rouler une bonne dizaine de minutes avant d’atteindre cette petite plage magnifique et isolée que seuls les gens du coin connaissent… » Bien évidemment, le voyageur ne verra la fameuse piste que seulement après l’avoir dépassée, il pestera le temps de son demi-tour à la hussarde tout en souriant légèrement, conscient de n’avoir jamais été aussi près d’un endroit « spécial ». Chaque virage sera une aventure en soi et lorsque, pour la première fois, il apercevra ladite plage au loin, effectivement perdue au milieu de nulle part et peu fréquentée, il garera sa voiture sur le bas-côté pour immortaliser cet instant avant d’achever son trajet et de foncer tête baissée dans une eau qu’il ne pouvait imaginer si translucide et turquoise. Et là, tel un poisson dans l’eau, il pensera que, définitivement, il n’est pas un mouton.
… la sirène est en stand-by et le corbeau, à l’affût ! 5 Share on Facebook
Share on FacebookUn fond pas très profond en apparence, mais très lointain, pour une forme un peu difforme à première vue, mais très jolie… A une rotation de 33° près dans le sens anti-trigonométrique, j’ai bien failli la manquer, cette rencontre élémentaire, obnubilée comme je l’étais par ce parterre – doit-on dire « pareau » ou « sureau » dans des […]
Share on FacebookEn apercevant, au détour d’un virage serré, cette femme en imper rouge et parapluie blanc filer vers la lumière sous cette chape d’arbres verts, touffus et hauts, je voyais déjà une image fantasmée, rêvée, tout en étant bien consciente qu’il était trop tard et qu’elle allait m’échapper. Je savais que la pluie et la faible […]
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