Photo-graphies et un peu plus…

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Lorsque l’on prend une photo, c’est parce que l’on a décidé, pour des raisons qui nous sont propres et qui peuvent ne pas être comprises par d’autres, d’immortaliser ce qui se passe sous nos yeux à un instant très précis. Tout est relatif évidemment, l’immortalité pouvant être très éphémère si l’image est ensuite supprimée, pour des raisons qui, à nouveau, nous sont propres. Lorsque l’on prend une photo à un instant très précis, impossible de savoir ce qui va suivre…

Je vois que vous doutez ? Par exemple, prenez deux enfants jouant au ballon sur une pelouse bien tondue. L’un la lance à l’autre. Vous prenez une photo à ce moment-là parce que leurs positions sont plutôt amusantes. Un petit cours de cinétique remonte alors à la surface : vous savez que le ballon va alors suivre une trajectoire définie par plusieurs conditions de départ, force et direction du coup de pied, résistance de l’air, ce genre de choses… En théorie, vous savez donc où sera le ballon à l’instant t+1 etc. En théorie seulement car il peut se passer un nombre phénoménal d’imprévus entre l’instant t et l’instant t+1 qui feront que le ballon ne sera pas là où vous l’avez anticipé : un chien, hors champ, se jette dessus et file à l’autre bout du parc avec ; un pigeon, qui n’avait pas activé son sonar, croise sa trajectoire et c’est le choc ; un tireur à l’arc caché derrière un arbre n’attendait que cet instant pour envoyer sa flèche dans le ballon et stopper sa course… Vous pouvez toujours attendre pour votre cadrage anticipé et vous donner des tapes derrière la tête pour les trois photos exceptionnelles que vous venez de rater…

Bref. En prenant cette vieille dame de dos, immobile au milieu de ce flot continu de visiteurs, je ne cherchais rien d’autre qu’à saisir ce contraste de mouvement. Voilà, c’était tout. Je n’ai toutefois pas baissé ma garde. Comme si je sentais qu’il allait se produire quelque chose. En effet… Après être restée un temps figée, la petite grand-mère semblant tout droit sortie d’un manga s’est mise à pivoter très lentement sur elle-même, jusqu’à se retourner complètement. Elle s’est ainsi retrouvée face à moi, restée bien cachée derrière mon viseur, lançant un drôle regard dans ma direction… Un regard me disant : « hé, hé, je t’ai vue ! » Et bien, pas moi… Tout comme je n’avais pas vu, concentrée que j’étais sur le personnage principal de mon micro-film, la dame cherchant à s’enlever quelque chose dans l’œil en se regardant dans son miroir tigré ni l’échalas en jean et chemise à carreaux absolument statique à côté de la vieille dame au 6e sens…

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Ciel bleu et soleil au zénith pour arc-en-ciel mystérieusement tombé à terre ! Telles des fleurs dans une prairie, je cueille les couleurs une à une, la jaune, la bleue, la verte et l’orange. Je me faufile entre leurs ombres pures, me laisse teinter par leur humeur changeant au gré de mes errances assumées, avant de me jouer de leurs chaleureux reflets pour les capturer à mon tour. Les ondes se cambrent, elles résistent au harpon, se démultiplient puis filent à la vitesse de la lumière vers cet après où l’espace se fend en d’innombrables univers parallèles. J’ai à peine le temps d’en capter quelques-unes que je me fais à nouveau aspirer par un vortex des plus psychédéliques…

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Vous entendez ? Rien ? Si, si, concentrez-vous, vous en entendez forcément un, sourd, permanent, tant et si bien que vous l’avez totalement intégré à votre environnement sonore quotidien : le bruit de fond… Celui-là même qui fait que vous n’êtes que très rarement en paix dès lors que vous vous extrayez de votre petit univers, de votre chez-vous, de vos heures de sommeil. Et encore… Cela peut ronronner à côté ! Quand vous vivez en ville, celui qui vous accompagne toute la journée n’est autre que le bruit de fond de la circulation, double vitrage ou pas. Il n’y a pas un moment où personne ne bouge, où tout s’arrête. Un bruit d’aspirateur baryton… Vous le troquez temporairement pour les claquements de pièces métalliques du métro, les couinements des freins de bus, les sonneries de fermetures de porte, de demandes d’arrêt, de passages piétons, les sifflets des agents de la circulation, les klaxons des automobilistes exaspérés, puis par la soufflerie de votre bureau – celle qui vous amène chaleur en hiver et fraîcheur en été -, à laquelle s’ajoutent bientôt le grésillement du néon situé juste au dessus de votre siège, le souffle d’asthmatique de votre ordinateur qui ventile, la symphonie de l’imprimante commune qui se déclenche de façon totalement aléatoire pour vous, le brouhaha de la parole libérée au RIE, le tapotement incessant du pied droit de votre collègue stressé, les vibrations du métro qui font trembler votre verre d’eau et vous font craindre l’arrivée imminente d’un T-Rex… Le bruit de fond tourne en boucle, il s’impose à vous, à nous. Et, tout en nous absorbant dans son écho technologique, il nous coupe du monde dans lequel nous vivons, pose un filtre. Et voilà que pour l’oublier, pour ne plus l’entendre, nous chaussons des prothèses auditives : un casque. Qui lui-même, sans que nous fassions ce lien pour autant, diffuse un nouveau bruit de fond, une mélodie, une chanson, en tout cas, des sons que nous avons nous-mêmes choisis et que nous acceptons donc plus aisément…

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… désolée, j’ai été coupée ! On m’a perquisitionné mon appareil… « Madame ? » La première fois, je n’entends pas… Bien que, en toute logique, le fait d’écrire que je n’entends pas la première fois prouve que j’ai, au contraire, bien entendu… Sinon, je ne saurais pas qu’il y a eu une première fois. Je n’ai simplement pas fait la corrélation entre le « Madame ? » vaguement perçu et ma petite personne. Donc, très bien, j’ai entendu. Vous êtes durs en affaire ! Bref. « Madame ? » pour la deuxième fois. Je me tourne. C’est un type de la sécurité. C’est marqué en gros sur son T-Shirt. Il me parle avec les mains, me désigne mon appareil photo et me fait signe de venir le voir. Je suis coincée dans les gradins mais réussis à me faufiler. Je sais ce qui m’attend.

« C’est interdit les appareils photos. Vous devez le déposer », me dit-il calmement. Et moi, naïvement, voire bêtement, « Ok, j’arrête de faire des photos, je le range ! » Pas convaincu une nanoseconde… « Non, non, suivez-moi ! » Je le suis. Dans l’intervalle, tous ceux qui, dans les parages, avaient encore leur appareil photo en bandoulière le rangent discrètement. Je suis déjà en train d’imaginer toutes les photos que je ne pourrai pas faire… Je souffre en silence. « C’est considéré comme un appareil pro » me dit-il, laconique. « Ah bon ! » dis-je un peu en riant, sachant pertinemment que ce n’est pas le cas, sans vouloir te mettre en boite mon cher compère. Je passe sur les petits appareils si perfectionnés qu’ils font des merveilles ainsi que sur tous ces portables utilisés comme caméra… J’attends simplement mon tour. Trois personnes sont devant moi. Jugées pour le même crime. Derrière des barreaux, un gentil type bedonnant a pour mission de collecter les objets du délit – comme s’il s’agissait de véritables armes -, de les étiqueter soigneusement, de les poser sur une étagère de fortune les uns à côté des autres, et de nous dire : « Surtout, ne perdez pas votre petit papier ; sans lui, vous ne pourrez pas le récupérer ! » en montrant notre précieux prisonnier. Je retourne à mon siège avec l’étrange sensation de me retrouver sur une plage nudiste. Il me manque quelque chose autour du cou, dans mes mains, sur mon œil… mais ça passe, je m’en passe… je repasse en revue les images que j’ai eu le temps de faire, et cela me satisfait. Des images qui, a priori, n’auraient pas inquiété les équipes promotionnelles… Comme si j’allais prendre ce qui se passait sur scène ! Quelle idée !

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