tags: corps, éternuer, histoire, humour, imagination, mouvement, oeil, temps, voyage
A l’heure où les températures décroissent et les rhumes se multiplient, cette bizarrerie de fonctionnement du corps humain n’a pas pu vous échapper : en plus d’un brutal mouvement de recul dû à la vitesse du phénomène en question, éternuer s’accompagne quasi systématiquement voire obligatoirement d’une fermeture soudaine des yeux, en fait des paupières même si on dit « ferme tes yeux ! » et non pas « ferme tes paupières ! ». C’est incontrôlable, inné, un geste réflexe en quelque sorte. Vous pouvez essayer de les maintenir ouverts – on le fait forcément lorsque l’on prend conscience de ce pouvoir du corps sur notre volonté -, c’est extrêmement difficile, d’autant que l’éternuement nous prend généralement par surprise, qu’il ne dure qu’une fraction de seconde, et qu’il est donc compliqué de le contrer au moment où il survient.
Reste que pendant un laps de temps infinitésimal, nous fermons les yeux. Quoi que l’on fasse, où que l’on soit : au volant, au milieu de la route, en plein opéra, en salle de cours, à vélo, en forêt, à la piscine, en lisant, au supermarché, dans le bus, à la chasse, au lit, sous la douche, au restaurant, en courant, au sommet d’une montagne, au milieu d’une partie d’échec, en plein cambriolage, en ne faisant rien, en cuisinant, au creux d’un canyon… Pendant ce laps de temps non dénué de danger où l’on ne voit ni n’entend plus rien, où, d’une certaine manière, on est coupé de tout, tout peut radicalement basculer. A un point que l’on ne peut pas imaginer. La première fois que cela vous arrive, vous prenez peur. Je m’en souviens comme si c’était hier : je marchais tranquillement dans une rue parisienne quand j’ai éternué – un serveur m’était passé sous le nez avec une immense poivrière qu’il agitait comme si c’était des maracas – et en rouvrant les yeux, j’étais face à la mer, sur la plage de galets d’Etretat. Je n’ai jamais su comment j’étais arrivée là-bas. Toujours est-il que j’ai pris un train dare dare pour rentrer. Au bout du troisième, quatrième voyage d’éternuement intempestif, tous dans un rayon de 200 km par rapport à l’endroit où le black out se produisait, j’en ai profité pour visiter un peu les environs. Evidemment, ce n’est pas toujours évident de justifier le fait d’être en pyjama au milieu d’une basse-cour, mais, avec l’expérience, on finit par trouver des explications convaincantes. Et puis, j’ai réalisé que j’atterrissais toujours à des endroits où j’avais finalement eu envie d’aller. Là se trouve peut-être l’origine de l’expression : à vos souhaits !