Les habitants de cette planète pas toujours bleue ont besoin de mystères un brin poétiques pour se soulager et oublier, temporairement, les maux, les agressions, les malentendus, enfin, tout ce qui fait que parfois, la vie est grave, du quotidien. Le mystère injecte alors dans leur sang une délicieuse petite dose de rêve et de futilité. Paradoxalement, sitôt confronté à un de ces fameux mystères, le premier réflexe d’homo sapiens sapiens est de vouloir l’élucider, de déterminer où, quoi, comment, pourquoi, par qui ce mystère existe-t-il, en somme, de rompre le charme de l’inconnu, d’interrompre au plus vite le rêve éveillé… N’est-ce pas bizarre ? Sommes-nous à ce point incapable de vivre sans chercher de réponses à nos questions ?
Ce qui est excitant dans un mystère est que tout devient de l’ordre du possible. Le temps de l’enquête, de la rationalisation, de l’explication, des centaines d’hypothèses sont formulées, autant d’histoires inventées par les personnes qui y sont confrontées. Et plus la piste est longue à remonter, plus les théories deviennent farfelues. La vérité, car « on » finit toujours par la trouver, est d’ailleurs souvent moins extravagante que ce que l’imaginaire a fait naître… C’est ce qui s’est passé avec ce vieux piano à queue de 300 kilos retrouvé un matin sur un banc de sable d’une plage de Floride, comme s’il y avait été déposé par une escouade de pélicans. Le plus étonnant est qu’il semblerait que ce ne soit pas la première fois qu’un piano est retrouvé dans un endroit totalement inapproprié. En novembre 2008, un piano droit et sa banquette, neufs, étaient en effet apparus au beau milieu d’un bois de Harwich, Massachusetts. Et quid de celui-ci, là-haut ? Exposé dans ce qui a vraisemblablement été une boutique, désormais abandonnée, flanquée d’un écriteau, invisible mais il faut me croire sur parole, sur lequel est inscrit « Espace à louer ». Une invitation qui pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. « Pianos à vendre » aurait été plus opportun.
Quoi qu’il en soit, l’image du piano aqueux a fait le tour du monde, renvoyant certains aux premières scènes du film de Jane Campion, La leçon de piano. La lumière a rapidement été faite sur cette installation inattendue et l’instrument torturé (il faut dire qu’il a d’abord été entreposé dans un garage pendant des années, gratuitement brûlé le soir du 31 décembre, puis transporté en bateau avant d’être lâchement abandonné, pour des raisons artistiques, sur une langue de sable cernée par l’océan) a même trouvé un nouvel et heureux propriétaire. Happy end oblige. Même les pianos ont droit à une seconde chance ! Y a pas de mystère, quel pays !