« Ecrire, ce doit être une souffrance », m’avait-il dit. Sur le coup, cette petite phrase m’avait fait mal. Je ne comprenais, en effet, pas pourquoi faire ce que l’on aime devait être douloureux. D’une manière générale, pour tout être normalement constitué (mais, est-ce qu’il existe vraiment ?), lorsqu’une action nous fait souffrir, on évite d’avoir à la faire… On me rétorquera peut-être que l’on n’a pas toujours le choix. De quatre choses l’une, soit ce qui m’a été asséné comme une vérité irréfutable est faux et je suis soulagée, soit c’est vrai et c’est malheureux. Pourquoi l’écrivain, le peintre, le sculpteur, l’artiste en général, traîne-t-il cette maudite image de torturé ? Ne peut-on créer dans la joie, la paix et la bonne humeur ? Faut-il alors, lorsque l’on désire être l’un ou l’autre (là, encore, est-ce vraiment un désir, ou quelque chose qui s’impose à soi, et donc, qui n’est pas forcément de l’ordre du conscient… encore que le désir peut être inconscient…), s’autoflageller pour être certain de créer quelque chose de profond ? en tout cas, qui soit pris au sérieux ?
Ce qui me conduit à évoquer un questionnaire conçu par une unité de recherche en littérature de l’Université Sorbonne nouvelle pour préparer une table ronde sur notre rapport à la littérature. Il y a notamment une question liée aux raisons pour lesquelles un écrivain écrit et des réponses si diverses et variées de leur part, que l’on peut imaginer qu’elles sont franches. C’est vrai, on est sensé savoir pourquoi on fait ce que l’on fait ! Donc, en vrac, parce qu’on a à dire ce que personne n’a dit, parce que c’est comme une sorte de jeu pour adulte, par terreur vaniteuse de disparaître complètement, parce que je ne sais pas parler, parce que ça me donne plus d’argent et d’une façon gratifiante, pour devenir célèbre et être libre, parce que j’aime mentir, par amour des mots, pour ne pas devenir fou, pour mettre en accusation l’humanité, pour qu’on m’aime davantage, bon qu’à ça et enfin, pour créer de l’ordre, de la beauté, de la vie. J’aime bien cette dernière raison, même si, spontanément, je n’associe pas l’ordre à la beauté et à la vie. Pour créer de la beauté, de la vie, idéalement pour partager une vision, un univers, réel ou inventé. Pour voir le monde autrement et montrer ce que l’on ne voit pas toujours. Comme avec l’image. Pour le plaisir surtout. Le bonheur que cela procure de jouer avec les mots, les idées, les sons, les lignes, les couleurs, les formes… la vie. Voilà. Ceci était le 300e duo de ce site…